M. R., 28 ans, consulte en pleine période de canicule, pour une plainte atypique. Depuis plusieurs semaines, nombre de ses collègues, ainsi que son épouse, lui trouvent une forte odeur de poisson.
Le patient a tout essayé : douches pluriquotidiennes, différents déodorants, parfums, chewing-gums, etc., sans que cela ne modifie les symptômes.
L’examen clinique, notamment dermatologique, est sans particularité. Une triméthylaminurie, ou fish odor syndrome, est alors suspectée.

La triméthylamine est une molécule volatile de la famille des amines tertiaires. Sa formule chimique est N(CH3)3. Ce composé, présent dans le sang et la chair des poissons, est un métabolite de la choline et est responsable de l’odeur du poisson.1 Dans le corps humain, la triméthylamine mal­odorante (TMA) d’origine alimentaire est métabolisée en oxyde de triméthylamine sans odeur (TMAO) grâce à une enzyme hépatique : la flavine mono-oxygénase 3 (FMO3).2 En cas de déficit enzymatique (partiel ou complet), la TMA ne peut plus être métabolisée correctement. Elle est alors éliminée dans la sueur, l’urine3 et à l’expiration4, provoquant une forte odeur de poisson.
La triméthylaminurie (ou fish odor syndrome) est la maladie associée à ce déficit enzymatique. Rare,3 elle peut cependant être responsable d’un isolement socioprofes­sionnel.3-5
Le diagnostic repose sur un dépistage urinaire du déficit enzymatique2,3 avec un test de surcharge alimentaire en TMA et précurseurs. Ce dosage peut être associé à une analyse génétique, à la recherche de mutations du gène FMO3 (codant l’enzyme éponyme). Ces analyses sont notamment proposées par le service de toxicologie et génopathies du centre hospitalier universitaire de Lille.2
Le traitement repose sur un régime alimentaire pauvre en précurseurs de la triméthylamine que sont notamment la choline, la lécithine et la carnitine.2 Ils sont essentiellement présents dans les poissons de mer, le jaune d’œuf, le foie, les rognons, les pois et le soja.3
Avant la consultation et depuis plusieurs mois, notre patient avait arrêté toute consommation de viande au profit de poissons comme le requin, le colin et le hareng. Une modification de son régime alimentaire a permis l’amélioration de son odeur corporelle. Les tests réalisés au CHU de Lille n’ont pas retrouvé d’anomalie génétique en faveur d’un déficit complet d’activité enzymatique FMO3. Les mesures hygiéno-­diététiques ayant permis d’estomper ses symptômes, un déficit enzymatique partiel est finalement jugé probable chez ce patient.
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Références

1. Phillips IR, Shephard EA. Primary Trimethylaminuria. 2007 (mis à jour en 2020). In: Adam MP, Ardinger HH, Pagon RA, et al. (éds.). GeneReviews. Seattle: University of Washington; 1993-2021 [en ligne, consulté le 29 juillet 2021]. Disponible sur http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK1103/
2. CHU de Lille. Diagnostic moléculaire d’une triméthylaminurie (fish-odor syndrom) [en ligne, consulté le 29 juillet 2021]. Disponible sur https://biologiepathologie.chu-lille.fr/Documents/1151108.php
3. Li M, Al-Sarraf A, Sinclair G, et al. Fish odour syndrome. CMAJ 2011;183(8):929-31.
4. Sabir N, Jones E, Padmakumar B. Trimethylaminuria. BMJ Case Rep 2016.
5. Stehmann TA, van Houten B, van Der Deure J. Trimethylaminuria: «Help, my child smells of fish!». Ned Tijdschr Geneeskd 2018;162.

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