Suicide, maladie psychiatrique et inadaptation sociale chez des enfants adoptés de l’étranger ont été analysés en Suède dans une étude de cohorte rétrospective. Celle-ci a été menée sur 11 320 enfants adoptés en Asie ou en Amérique latine.1 Son objectif principal était d’évaluer le risque de survenue à l’adolescence de troubles d’adaptation psychosociale (condamnation pour fait de délinquance), d’addiction à des substances psychoactives (hospitalisation pour abus d’alcool), de troubles psychiatriques (ayant nécessité une hospitalisation), de suicide et de tentatives de suicide. La population étudiée était composée d’enfants adoptés avant l’âge de 7 ans (nés entre 1970 et 1979) en Asie (n : 8 700) ou en Amérique latine (n : 2 620). Ses caractéristiques étaient comparées à celles de trois groupes :
– des enfants de la population générale nés en Suède de parents suédois (n : 853 419) ;
– leur fratrie née en Suède (n : 2 343) ;
– des enfants immigrés arrivés avant leur septième année nés en Asie ou en Amérique latine (n : 4 600).
Cette étude a été réalisée sur les données du registre national suédois de la population, du recensement de la population de 1985, du registre des hospitalisations et du registre des actes judiciaires (1986-1995).
Il en ressort que les adolescents adoptés en Asie (Corée, Inde) et en Amérique latine (Colombie) ont un excès de risques significatif (multiplié par 3 ou 4) d’avoir des troubles de l’humeur de type dépressif, accompagnés parfois de tentatives de suicide effectives, de comportements délictueux, d’abus d’alcool (multiplié par 2,6) par rapport aux enfants suédois du même âge, dont leur fratrie. Mais certains de ces risques ne sont pas différents de ceux des enfants migrants qui étaient originaires des mêmes continents (Asie ou Amérique du Sud).
Les adolescents immigrés avaient un peu moins de risques de présenter des troubles psychiatriques et un peu plus de rencontrer des difficultés d’adaptation psychosociale que les adolescents adoptés (analyse stratifiée par âge, sexe, niveau socio-économique et antécédents des parents). La discrimination et les préjudices vis-à-vis de jeunes qui n’ont pas l’apparence de personnes d’origine suédoise sont présentés par les auteurs comme les facteurs de risque principaux pouvant expliquer les sur-risques comparables de ces deux groupes d’adolescents. Les micro-agressions vécues par ces enfants affectent l’estime de soi et la construction identitaire.
Une des limites de cette étude est que la discrimination et le racisme au sein du système judiciaire suédois pourraient avoir biaisé les résultats. Il faut considérer que ces données datent d’il y a vingt ans et qu’il existe une évolution sociodémographique. L’accueil des enfants ayant des traits ethniques différents de ceux de la population autochtone scandinave a peut-être changé depuis lors. Toutefois, cette étude demeure la plus importante publiée à ce jour en matière de qualité de données et d’effectifs sur ce sujet.
La conclusion des auteurs au sujet des enfants adoptés pourrait également concerner les enfants migrants. Les services publics (école…) prenant en charge les enfants migrants devraient informer les familles du risque de stigmatisation et veiller à réduire les risques de discrimination dans leurs procédures. Les enfants migrants, comme les enfants adoptés, avec troubles de l’humeur dépressive devraient bénéficier d’une attention professionnelle et d’un accès rapide à des soins adaptés.
1. Hjern A, Lindblad F, Vinnerljung B. Suicide, psychiatric illness, and social maladjustment in intercountry adoptees in Sweden: a cohort study. Lancet 2002;360:443-8.