Devant un trouble de la miction ou une incontinence urinaire de l'adulte, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
Décrire les principes de la prise en charge au long cours.
Introduction
Les anomalies de la miction sont à l’origine de symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) perçus différemment d’un individu à l’autre.
Parmi ces troubles du bas appareil urinaire, l’incontinence urinaire constitue un des motifs fréquents de consultation. Elle est définie comme toute perte involontaire d’urine, objectivement démontrable. C’est un handicap qui concerne tous les âges de la vie et les deux sexes.
Chez les femmes, il s’agit d’un problème majeur de santé publique. En France, 3 millions de femmes environ sont concernées par l’incontinence urinaire, et une grande partie d’entre elles n’osent pas consulter ou même en parler.
Chez les hommes, les problèmes d’incontinence répondent à des situations plus particulières (liées à la pathologie prostatique et souvent iatrogènes). Dans les deux sexes, des pathologies neurologiques ou traumatiques peuvent en être la cause.
Physiologie de la miction
- un contrôle autonome, médié par deux types d’innervation végétative :
° le centre sympathique dorsolombaire qui est, schématiquement, le support de la continence par son action de renforcement des mécanismes de clôture urétrale et de relâchement du tonus vésical (continence passive) ;
- un contrôle volontaire, le système somatique, qui permet de contrôler le sphincter strié urétral (élément musculaire du plancher musculaire périnéal profond), et donc d’assurer le renforcement réflexe ou volontaire des mécanismes de continence (continence active).
- la vessie, organe impair, dont le muscle appelé détrusor est fait de fibres musculaires lisses et aux propriétés visco-élastiques permettant une bonne capacité (de 350 à 450 mL), une bonne compliance (normale > 50 mL/cm H2O) et une bonne contractilité ;
- les sphincters : lisses, faits de la musculature du col vésical et de l’urètre proximal, striés, part intégrante du plancher périnéal.
- complète ;
- volontaire ;
- indolore ;
- à basse pression ;
- exclusivement en période d’éveil ;
- durant moins d’une minute ;
- espacée de 3-4 heures de la miction précédente ;
- synergique dans la contraction vésicale et le relâchement sphinctérien.
Définition
Troubles de la miction
On distingue 3 types de troubles mictionnels :
- les troubles de la phase de stockage (= phase de continence) : incontinence, pollakiurie, nycturie et urgenturie ;
- les troubles de vidange (= phase de miction) : dysurie, rétention vésicale aiguë ou chronique ;
- les troubles de la phase post-mictionnelle : sensation de vidange vésicale incomplète et gouttes retardataires.
Incontinence urinaire
- l’incontinence urinaire d’effort (IUE) : perte involontaire d’urine à l’effort (rire, toux, éternuement, sport et autres activités physiques), non précédée de la sensation de besoin ;
- l’incontinence urinaire par urgenturie : perte involontaire d’urine, précédée par un besoin d’emblée urgent et non inhibé (urgenturie). Ces épisodes de fuite peuvent survenir au repos, la nuit, sans notion d’effort ;
- l’incontinence urinaire mixte : association des deux types précédents d’incontinence.
Examen clinique
Interrogatoire
- chirurgicaux, urologiques :
° femme : obstétricaux et gynécologiques (prolapsus) ;
- carcinologiques pelviens (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie, curiethérapie) ;
- infectieux (cystites infectieuses bactériennes, dont le bacille de Koch, bilharziose, parasitoses…) ;
- neurologiques, diabète sucré ;
- exposition à des facteurs de risque de tumeur vésicale : tabac, exposition professionnelle (amines aromatiques) ;
- traitements médicamenteux pouvant influencer le statut mictionnel :
° médicaments favorisant la rétention : anticholinergiques, opioïdes, sympathicomimétiques (vasoconstricteurs nasaux).
En cas d’incontinence urinaire chez la femme, on doit rechercher les facteurs de risque suivants :
- gynéco-obstétricaux : nombre d’accouchements par voie basse, manœuvre instrumentale, poids des enfants à la naissance, rééducation du post-partum ;
- autres pathologies pouvant majorer l’incontinence : toux chronique, constipation ;
- mode de vie : activité sportive intensive, port de charges lourdes.
La sémiologie des troubles doit être analysée : trouble de la phase de stockage, de vidange ou de la phase post-mictionnelle. En cas d’incontinence urinaire, son type
Le retentissement de troubles urinaires sur la qualité de vie doit être évalué, idéalement avec des scores de qualité de vie dédiés. En cas d’incontinence urinaire, la présence et le nombre de ports de protection par jour doivent être relevés. La notion de gêne est fondamentale à rapporter pour la suite de la prise en charge.
Enfin, tout trouble de la miction doit faire rechercher une autre dysfonction pelvi-périnéale :
- trouble ano-rectal : constipation, incontinence anale, dyschésie ;
- trouble génito-sexuel : dysfonction érectile, impact d’une incontinence urinaire sur les rapports sexuels ou dyspareunie chez la femme ;
- chez la femme : rechercher un prolapsus par le biais de l’interrogatoire en évoquant une pesanteur pelvienne, notamment de fin de journée ou une saillie vulvaire.
Examen clinique
Chez la femme
L’examen périnéal apprécie la sensibilité périnéale et donne l’occasion de réaliser un testing musculaire périnéal du sphincter anal et des muscles élévateurs de l’anus.
Chez l’homme : le toucher rectal est essentiel afin d’estimer le volume prostatique ou de rechercher un nodule suspect de cancer.
Examens complémentaires(tableau 3)
La cytologie urinaire permet de rechercher des cellules atypiques en faveur d’un carcinome urothélial.
Le calendrier mictionnel a pour objectif de recueillir sur plusieurs jours consécutifs les horaires et les volumes des mictions ainsi que la présence d’événements comme des fuites, urgenturies, etc. Il permet de distinguer pollakiurie et polyurie. Il permet de diagnostiquer une inversion du rythme nycthéméral avec diurèse prédominant la nuit (personnes âgées, patients neurologiques).
Le Pad-Test permet de quantifier objectivement les volumes des fuites urinaires en réalisant une pesée des couches de protection soit sur 24 heures soit sur une heure à l’aide d’efforts et d’un remplissage standardisé de la vessie.
La débitmétrie permet d’étudier la miction. Le débit résulte de l’équilibre entre la contraction détrusorienne et les résistances urétrales. Un débit maximum (Qmax) normal est supérieur à 20-25 mL/s pour un volume de miction au moins équivalent à 150 mL. L’aspect de la courbe normale est en forme de cloche. Il est important de mesurer au décours d’une débitmétrie le résidu post-mictionnel
L’échographie vésicale post-mictionnelle est associée dans tous les cas à la débitmétrie, ce qui permet d’évaluer le volume d’urine résiduel après la miction. Chez l’homme, l’échographie prostatique par voie endorectale permet d’avoir une estimation du volume prostatique.
Le bilan urodynamique, outre la débitmétrie, comprend :
- une cystomanométrie qui mesure les variations de pressions vésicales au cours du remplissage et permet de renseigner sur la capacité vésicale fonctionnelle, la compliance vésicale (faculté à se remplir sans augmenter ses pressions), la sensibilité vésicale (les besoins : B1 = premier besoin, B2 = besoin pressant, B3 = besoin urgent) et la stabilité du détrusor en recherchant des contractions non inhibées dans le cadre d’une hyperactivité détrusorienne et la contractilité vésicale lors de l’instantané mictionnel
(fig. 2) ;
- une profilométrie urétrale qui permet de mesurer les pressions en chaque point de l’urètre, la longueur fonctionnelle de l’urètre et d’apprécier la stabilité urétrale ;
- une électromyographie qui n’est pas systématique mais permet d’étudier l’activité électrique du sphincter strié urétral et la synergie vésico-sphinctérienne couplée à la cystomanométrie.
La colpocystodéfécographie ou une imagerie par résonance magnétique (IRM) pelvienne dynamique permet l’analyse des prolapsus pelviens chez la femme en cas de doute diagnostique, de prolapsus récidivé ou d’examen difficile (obésité).
Étiologie
Troubles de la phase de vidange (miction)
Troubles de la phase de stockage (pollakiurie)
Incontinence urinaire (IU)
L’incontinence urinaire d’effort (IUE) est plus fréquente chez la femme, notamment ménopausée, aux antécédents de traumatismes obstétricaux. Deux types de mécanismes peuvent en être responsables :
- une cervico-cystoptose/hypermobilité urétrale (HMU), résultant d’un lâchage et/ou d’une perte de tonus des tissus de soutien de l’urètre proximal ;
- ou une insuffisance sphinctérienne.
Traitement
Trouble de la miction
Incontinence urinaire
Éradication des facteurs favorisants
Il faut prescrire des règles hygiéno-diététiques de bon sens comme préconiser la perte de poids et diminuer les apports hydriques excessifs (< 40 mL/kg/j définit la diurèse normale), les boissons le soir (après 18 heures). Il faut traiter les infections urinaires concomitantes, procéder à la régularisation du transit, éventuellement par la prescription de laxatifs. Il faut veiller à remplacer les médicaments favorisants dans la mesure du possible. Ce travail est facilité par l’obtention d’un catalogue mictionnel qui permet d’objectiver les erreurs les plus importantes (syndrome polyuropolydypsique).Chez la femme, le traitement de l’atrophie vaginale est nécessaire par la prescription d’œstrogènes d’action locale en l’absence de contre-indication (traitement hormonal substitutif local
Rééducation périnéo-sphinctérienne
La rééducation est proposée en première intention chez les femmes présentant une incontinence urinaire d’effort avec la prescription de 10 à 20 séances au maximum. En cas d’amélioration objective, la prolongation du traitement est possible (de 10 à 15 séances). Il existe plusieurs techniques de rééducation. Les exercices du plancher pelvien associés au biofeedback instrumental sont efficaces sur l’incontinence urinaire d’effort. L’électrostimulation fonctionnelle et la rééducation comportementale sont efficaces pour améliorer le contrôle des muscles du plancher pelvien, notamment dans les incontinences urinaires par impériosités.Chez l’homme, la rééducation périnéo-sphinctérienne est toujours proposée en première intention à raison de 10 à 20 séances. Elle est notamment indiquée en cas d’incontinence urinaire après prostatectomie radicale.
Traitement médical
En cas d’incontinence urinaire par urgenturie, on peut prescrire du flavoxate (plus ancien), des anticholinergiques (oxybutinine, chlorure de trospium,ésolifénacine, fésotérodine) ou désormais un ß3 agoniste (mirabégron).
Traitement chirurgical
Chez l’homme, un traitement chirurgical de l’incontinence urinaire d’effort est proposé en cas d’échec de la rééducation périnéo-sphinctérienne et après avoir objectivé l’incontinence au bilan urodynamique. Dans ce cas, on propose soit un sphincter urinaire artificiel en première intention (traitement de référence), soit une bandelette sous-urétrale ou des ballonnets ajustables péri-urétraux en cas d’incontinence urinaire modérée ou en cas de contre-indication au sphincter urinaire artificiel.
En cas d’incontinence urinaire par urgenturie, chez l’homme ou chez la femme, après échec du traitement médicamenteux, on peut proposer l'injection intradétrusorienne de toxine botulique A, ou des techniques de neuromodulation comme la neuromodulation sacrée (implantation d'une électrode de stimulation en regard de la racine sacrée S3) en deuxième intention ou la stimulation du nerf tibial postérieur.
Les troubles de la miction, et notamment l’incontinence urinaire, constituent un des motifs fréquents de consultation. Chez les femmes, l’incontinence urinaire est un problème majeur de santé publique qu’il faut savoir systématiquement rechercher.
Le diagnostic d’une incontinence urinaire est clinique: interrogatoire et examen clinique. La prise en charge de l’incontinence urinaire de la femme est fondée sur un interrogatoire précis et orienté, suivi d’un examen clinique minutieux. Il faut systématiquement évaluer l’impact des troubles urinaires à l’aide de questionnaire standardisé et recueillir un calendrier mictionnel. La gêne sera l’élément majeur de prise de décision thérapeutique.
Devant tout trouble mictionnel, il faut rechercher une autre dysfonction du plancher pelvien : anorectale, génito-sexuelle ou prolapsus chez la femme.
Devant toute pollakiurie ou incontinence urinaire, il faut écarter en priorité un trouble de la vidange vésicale en réalisant une mesure du résidu post-mictionnel.
En cas de troubles mictionnels associées à des facteurs de risques de tumeur urothéliale (homme, âge supérieur à 50 ans, tabac), il faut réaliser une cytologie urinaire associée à une urétrocystoscopie.
Message de l'auteur
Cet item peut facilement s’intégrer dans un dossier multidisciplinaire (neurologie, gynécologie, oncologie urologique ou pelvienne). L’étudiant doit être capable de définir avec précision les symptômes rapportés par le patient selon la terminologie de l’ICS. L’usage des questionnaires standardisés (questionnaire auto-administré UPS, questionnaire IPSS pour l’hypertrophie bénigne de prostate) doit être connu.Il pourra aussi être amené à justifier, à partir de données cliniques, la prescription des examens complémentaires de première ligne. L’analyse d’un calendrier mictionnel doit permettre de distinguer pollakiurie et polyurie. L’analyse des données issues d’un bilan urodynamique complet n'entre pas dans les objectifs d’un étudiant de deuxième cycle, mais une courbe de débitmétrie peut être l’objet d’une question. Il est important de prescrire, en la justifiant, une cytologie urinaire associée à une urétrocystoscopie en cas de facteur de risque de tumeur urothéliale.La prise en charge thérapeutique de l’incontinence urinaire pourra également être abordée. L’éradication des facteurs favorisants (notamment l’obésité et l’atrophie vulvovaginale) et la rééducation périnéo-sphinctérienne (et ses modalités de prescription) doivent être maîtrisées. Le traitement chirurgical de l’incontinence urinaire est plus complexe. L’étudiant devra reconnaître les situations classiques où sont indiqués la bandelette sous-urétrale chez la femme (incontinence urinaire d’effort avec manœuvre de soutènement sous-urétrale positive) et le sphincter urinaire artificiel chez l’homme (incontinence urinaire d’effort post-prostatectomie radicale). En cas de prise en charge d’une incontinence urinaire complexe, la réalisation d’un bilan urodynamique devra être proposée avant tout traitement.Il faut savoir que toute maladie du système nerveux peut atteindre le fonctionnement vésico-sphinctérien et plus largement périnéal dès l’instant où le système nerveux autonome peut être touché.La connaissance des systèmes nerveux parasympathique (qui contrôle la contraction vésicale et donc la miction) et sympathique (qui contrôle le tonux sphinctérien et donc la continence) doit être acquise. Elle permet de comprendre les implications pharmacologiques (anticholinergiques et alphabloquants)
2. Association française d'urologie. Bilan initial, suivi et traitement des troubles mictionnels en rapport avec hyperplasie bénigne de prostate : recommandation du Comité des troubles mictionnels de l’homme (CTMH) de l’Association française d’urologie (AFU), 2012.
3. Association française d'urologie. Recommandations pour le traitement de l’incontinence urinaire de la femme non neurologique, 2010.
4. Comité d’urologie et de périnéologie de la femme. Bilan avant le traitement chirurgical d’un prolapsus génital. Recommandations pour la pratique clinique, 2016.