Per os, crèmes, injections… l’éventail des traitements contre la dysfonction érectile (DE) s’est étendu au cours de la dernière décennie. Lors des Journées nationales de médecine générale, le 30 septembre 2021, le Dr Antoine Faix (Centre d’urologie du Polygone, Montpellier) a fait le point sur les différentes options disponibles, les bénéfices attendus, les avantages et inconvénients.
Très souvent tabous, les troubles sexuels ne sont évoqués par le patient qu’avec difficulté et en fin de consultation. Il est très important de lui faire comprendre la nécessité d’un temps spécifique pour l’évaluation clinique et le bilan initial.
La prise en charge de la dysfonction érectile se décline en plusieurs étapes.
Il faut d’abord expliquer au patient la physiologie de l’érection et le mécanisme par lequel l’anxiété de performance peut la perturber. Avant d’envisager une thérapie pharmacologique, il est recommandé de le sensibiliser à l’importance de l’hygiène de vie : alimentation équilibrée, sevrage du tabac et d’éventuelles autres substances addictives, lutte contre la sédentarité. Il faut insister sur les mesures hygiénodiététiques, y compris en cas de prescription médicamenteuse, pour obtenir une meilleure réponse thérapeutique.
Il est possible, dans certains cas, de modifier ou d’arrêter un traitement potentiellement aggravant.
Le patient – et éventuellement sa [son] partenaire – doit participer autant que possible au choix du traitement. Il est fondamental de lui apporter une information détaillée sur les modalités de prise, les bénéfices attendus, les risques possibles, le coût…
IPDE-5 : le traitement de référence
Quatre médicaments, non remboursés par l’Assurance maladie, sont à ce jour disponibles. Les RCP préconisent de commencer par les dosages :
– sildénafil (Viagra) : 50 mg ;
– tadalafil (Cialis) : 10 mg ;
– vardénafil (Lévitra) : 10 mg ;
– avanafil (Spedra) : 100 mg (pas de générique actuellement disponible).
En pratique, il est le plus souvent constaté que le dosage utile est en fait le plus élevé (100 mg pour le sildénafil, 20 mg pour le tadalafil et le vardénafil, 200 mg pour l’avanafil). Cependant, pour certaines populations à risque (prise concomitante d’un traitement agissant sur le cytochrome P450 comme kétoconazole, érythromycine, cimétidine…, ou en cas d’insuffisance hépatique ou rénale sévère), il peut être recommandé d’utiliser un dosage faible.
Le sildénafil, le vardénafil et l’avanafil sont prescrits à la demande. Le tadalafil peut être prescrit à la demande (10 et 20 mg), mais également en prise quotidienne pour les dosages 2,5 et 5 mg chez les patients répondeurs à la demande et utilisant le produit au moins 2 fois par semaine.
Quels que soient le mode d’administration et la molécule, les taux d’efficacité varient entre 65 et 85 %. Aucun essai comparatif ne permet d’affirmer la supériorité d’une molécule sur une autre, qui dépend plutôt de chaque patient.
Les principaux effets indésirables, observés dans 1 à 16 % des cas, sont généralement d’intensité minime à modérée, à type de bouffées vasomotrices, céphalées, sensations vertigineuses, altération de la vision des couleurs, dyspepsie, palpitations, congestion nasale, myalgies.
Le respect strict de leurs contre-indications (encadré ci-dessous) et de leurs précautions d’emploi, en particulier les interactions médicamenteuses, est indispensable avant l’instauration du traitement. Les patients à risque cardiovasculaire intermédiaire doivent être préalablement évalués par un test d’effort.
En cas d’éjaculation prématurée, l’association de la dapoxétine à un IPDE-5 n’est pas contre-indiquée.
Attention : d’autres molécules par voie orale ont pu être proposées avant l’apparition des IPDE-5 et sont quelquefois encore distribuées dans les officines ; toutefois, le niveau de preuve scientifique concernant leur efficacité est faible.
Traitements locaux ou injectables
L’alprostadil topique (Vitaros crème) est conditionné sous forme de gel, dans une seringue à usage unique, en dosage de 300 μg ; l’application se fait au contact du méat urétral et idéalement dans la partie distale de l’urètre (figure ci-dessous). L’effet sur l’érection est obtenue en moyenne après 5-30 minutes, et rarement après 60 minutes. Il est nécessaire de bien tenir le pénis à la verticale pendant environ 30 secondes afin de permettre une bonne pénétration de la crème dans la partie distale de l’urètre. Les doses sont à conserver dans leur emballage au réfrigérateur (entre 2 et 8 °C) avant usage. Le patient doit être formé à la technique d’auto-administration par un professionnel de santé, et informé sur le fait que plusieurs essais (le plus souvent entre 8 et 10) peuvent être nécessaires pour obtenir une réponse optimale, facilitée par la stimulation sexuelle. Il faut s’assurer que la partenaire ne soit pas susceptible d’être enceinte (port du préservatif si besoin).
Figure : Application de l’alprostadil topique.
Soumis à prescription médicale, ce médicament peut être remboursé (prescription sur ordonnance de médicaments d’exception, autorisée à tous les praticiens) dans certaines indications : neuropathie diabétique avérée, para- ou tétraplégie, séquelles de chirurgie (prostatectomie radicale, cystectomie totale et exérèse colorectale) ou de radiothérapie abdomino-pelvienne, sclérose en plaques, séquelles de priapisme, séquelles de chirurgie vasculaire (anévrisme de l’aorte) et traumatismes du bassin compliqués de troubles urinaires.
Les taux de satisfaction varient entre 74 et 83 %.
Les principaux effets indésirables sont essentiellement des effets locaux transitoires (douleurs, érythèmes, sensations de brûlures, érections prolongées) chez 36 à 43 % des patients (brûlures vaginales chez la partenaire dans 5 à 9 % des cas).
L’alprostadil par voie transurétrale (MUSE : Medicated Urethral System for Erection) est disponible en France aux dosages de 250, 500, et 1 000 μg, mais quasi inutilisé depuis la sortie de Vitaros.
Les injections intracaverneuses d’alprostadil (PGE1) (Edex et Caverject, aux dosages de 10 et 20 μg) sont des traitements efficaces et bien tolérés, conduisant à une satisfaction sexuelle supérieure à 70 % et à une augmentation significative des scores de rigidité chez 90 % des hommes, quelle que soit la cause de la DE. Ils doivent être proposés en deuxième ligne (ordonnance de prescription de médicaments d’exception pour les mêmes pathologies que pour Vitaros).
Les principaux effets indésirables sont :
– des douleurs, pouvant concerner 11 à 29 % des patients, essentiellement au début du traitement, et pouvant s’amender progressivement au fil des injections ; elles semblent plus importantes lorsque ces traitements sont prescrits après une chirurgie pelvienne radicale ;
– un hématome au point de ponction, sans caractère de gravité ;
– des érections pharmacologiques prolongées, voire un priapisme (1 à 2 % des cas) ;
– une fibrose localisée des corps caverneux (0,8 à 2 % des cas) ;
– exceptionnellement, des effets systémiques.
En raison du passage de l’alprostadil dans le sperme et le liquide séminal, le traitement doit être évité chez un patient dont la partenaire est enceinte ou susceptible de l’être.
Ils doivent être initiées par un praticien qui en connaît la technique, les modalités de surveillance et les effets secondaires possibles. Une ou plusieurs injections tests au cabinet sont indispensables : elles permettent la confirmation de l’efficacité de l’alprostadil, l’apprentissage des auto-injections aux patients et la détermination de la dose utile pour une érection permettant un rapport satisfaisant. Pas de contre-indications dans les pathologies cardiovasculaires ni en cas de traitement anticoagulant.
Une information du patient est indispensable ; elle doit porter sur :
– l’apprentissage du geste de l’auto-injection, éventuellement avec le stylo injecteur ;
– les risques d’érection pharmacologique prolongée (> 4 h), et les mesures à prendre pour y remédier ;
– les risques d’apparition de nodules, de fibrose, de déviation de la verge ; dans ces derniers cas, le patient devra consulter avant la date prévue de la consultation de suivi ;
– la nécessité d’utiliser des containers destinés aux déchets médicaux (DASRI ; disponibles en pharmacie) pour jeter les seringues.
Une surveillance régulière est nécessaire.
Pompe à dépression ou vacuum
Il s’agit d’un dispositif mécanique ou électrique (suivant les modèles), permettant une érection passive du fait de la dépression induite par une pompe à vide reliée à un cylindre dans lequel est placée la verge. Le remplissage sanguin obtenu est maintenu en place grâce à un anneau élastique compressif placé à la base du pénis. Son efficacité est de 40 à 80 % dans la littérature en fonction de l’expérience du thérapeute. Ses effets indésirables sont des douleurs dans 10 à 20 % des cas, une sensation de froideur du pénis (partenaire), un blocage de l’éjaculation dans 20 à 40 % et des pétéchies et des ecchymoses mineures (jusqu’à 30 % des cas).
Implants péniens
Les implants péniens sont indiqués en cas d’échec ou d’intolérance des autres thérapeutiques ou si le patient ne souhaite pas poursuivre les injections intracaverneuses, ou utiliser un vacuum. Ils se substituent de façon définitive au tissu érectile. Chez les patients ayant une prothèse fonctionnelle, chez des couples sélectionnés, et parfaitement informés, le taux de satisfaction est élevé, allant de 79 à 92 %. Le patient avec une indication potentielle d’implantation de prothèse doit être informé (et si possible le/la partenaire) des différents types de prothèses, du caractère irréversible de l’intervention, des risques d’infection (1 à 8 %), d’érosion, de pannes mécaniques et également des changements anatomiques possibles (notamment sur la longueur et le gland). La durée de vie des implants est généralement élevée, avec un taux de dysfonctionnements de 10 % après 10 ans et 27 % après 15 ans, nécessitant une réintervention pour remplacement. Le praticien doit connaître leur existence pour savoir, le cas échéant, orienter son patient vers l’urologue spécialisé dans cette chirurgie.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
À lire aussi :
Nobile C. Dysfonction érectile : toujours penser aux causes médicamenteuses. Rev Prat (en ligne) mai 2021.
Faix A. Dysfonction érectile (2ndepartie). Prise en charge initiale de la dysfonction érectile. Rev Prat Med Gen 2021;35(1057);227-34.
Huyghe É. Dysfonction érectile. Rev Prat Med Gen 2020;34(1036);145-50.