Un risque accru de dysfonction érectile chez les patients Covid ?
Certaines études, surtout observationnelles, ont suggéré qu’une infection par le SARS-CoV-2 augmentait le risque de dysfonction érectile (DE). Ce risque varie néanmoins considérablement selon les analyses, qui sont par ailleurs de qualité méthodologique inégale.
Ainsi, selon une enquête italienne sur un petit groupe (25 patients Covid-19 comparés à 75 témoins), qui a été l’une des premières à explorer ce sujet – au cours de la première vague, entre avril et mai 2020 –, les hommes infectés par le SARS-CoV-2 auraient eu un risque de DE multiplié par 5,7 (IC95 % : 1,5-24) après ajustement sur l’âge, l’IMC et le statut psychologique.
Des données américaines recueillies entre janvier 2020 et juin 2021 sur davantage de patients (comparaison entre près de 10 000 patients ayant une DE, plus de 3 000 atteints de Covid, et 146 ayant un diagnostic pour les deux) trouvent aussi un risque accru de dysfonction érectile chez des patients avec antécédent de Covid (multiplié par 3,3 [IC95 % 2,8-3,8] sans ajustement). Toutefois, après ajustement au cas par cas selon les différents facteurs, le risque variait considérablement : il était multiplié par 4,8 après ajustement sur l’âge (facteur de risque indépendant de DE) ; par 3,5 sur la consommation de tabac ; par 2,3 sur le diabète ; par 1,8 et 1,6 respectivement après ajustement sur le surpoids/obésité et les maladies cardiovasculaires, des comorbidités volontiers associées à la DE.
Enfin, une vaste étude observationnelle a récemment été publiée dans le journal Sexual Medicine. Menée aux États-Unis (données recueillies depuis le début de la pandémie, sur plus de 230 000 hommes avec histoire de Covid comparés à autant d’hommes sans antécédents d’infection) montre que, chez les premiers, le risque de développer un trouble de l’érection est multiplié par 1,2 (IC95 % 1,00-1,25) après ajustement sur l’âge, le diabète ou l’hypertension artérielle.
Quelles causes ?
De nombreuses hypothèses ont été invoquées, notamment un effet de l’infection virale directement sur les testicules : certaines études ont montré qu’un épisode Covid pouvait entraîner une baisse des taux de testostérone, pouvant causer un hypogonadisme transitoire (qui n’est pas rare dans les épisodes infectieux en général). L’atteinte des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins par le SARS-CoV-2, affectant la vasodilatation locale, serait aussi une possibilité.
Des facteurs psychologiques en lien avec le Covid ou le contexte pandémique pourraient également être en cause : leur retentissement est bien documenté dans la survenue de la DE, notamment réactionnelle. En l’occurrence, le contexte affectif et sexuel bouleversé par la maladie et/ou la pandémie, l’augmentation générale de l’anxiété, mais aussi les troubles du sommeil en hausse, voire la fatigue, pourraient éventuellement y contribuer.
Ainsi, certains auteurs ont même proposé d’inclure la dysfonction érectile, si non comme une entité du « Covid long » en elle-même, au moins comme un marqueur de la gravité de celui-ci – les complications issues des symptômes prolongés (cardiovasculaires, neuropsychiatriques) pouvant elles-mêmes nuire à la fonction érectile.
Des répercussions aussi sur la fertilité ?
D’autre études suggèrent que l’infection par le SARS-CoV-2 peut affecter négativement la fonction reproductive masculine.
Une revue de littérature parue dans Reproduction explique, par exemple, que l’orage cytokinique secondaire à l’infection peut entraîner une orchite ; les lésions ultérieures des cellules germinales et des tissus interstitiels pourraient alors avoir un effet négatif sur la spermatogenèse et la production d’hormones dans les testicules.
Une étude prospective, menée sur 84 hommes de 20 à 40 ans ayant un diagnostic confirmé de Covid (et 105 témoins sains du même âge), a trouvé des perturbations significatives des paramètres du sperme chez les sujets infectés. Des niveaux plus élevés d’activité enzymatique ACE2 séminale, de cytokines pro et anti-inflammatoires et de variables apoptotiques chez ces patients ont été associées à des altérations significatives du volume du sperme, de la motilité progressive et de la morphologie des spermatozoïdes, de leur nombre et leur concentration (étude sur 60 jours).
Enfin, selon une plus vaste étude prospective récente sur 2 000 couples, conduite aux États-Unis, l’infection du partenaire masculin par le SARS-CoV-2 était associée à une diminution – transitoire – de 18 % de la fertilité (pour une infection datant de moins de 60 jours, avec un retour à la normale ensuite).
Rappelons qu’au contraire, les vaccins à ARNm n’ont pas montré à ce jour un retentissement sur la fertilité masculine. Par exemple, une étude prospective publiée dans le JAMA, menée sur 45 volontaires sains (âge moyen : 28 ans) vaccinés par Pfizer et Moderna, n’a trouvé aucune diminution significative des paramètres des spermatozoïdes (volume du sperme, concentration et motilité des spermatozoïdes) après la vaccination.
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien
D’après :
Korsia-Meffre S. Troubles de l’érection, fertilité masculine et COVID-19.Vidal, 31 mars 2022.
À lire aussi :
Faix A. Dysfonction érectile (1re partie).Rev Prat Med Gen 2021;35(1056);177-80.
Faix A. Dysfonction érectile (2nde partie). Rev Prat Med Gen 2021; 35(1057);227-34.