En France, environ 20 % des hommes de plus de 50 ans ont des troubles mictionnels. Si le plus souvent ces troubles sont liés à une obstruction prostatique, d’autres causes peuvent y participer.
En cas de troubles mictionnels chez l’homme, un interrogatoire bien conduit et des examens complémentaires simples permettent d’apprécier le ou les mécanismes sous-jacents et de définir une stratégie thérapeutique adaptée.1
L’entretien avec le patient définit la nature des symptômes et leur association : symptômes de stockage (pollakiurie, impériosités) et/ou de vidange (dysurie : attente du jet, jet faible, poussée abdominale), hématurie et/ou brûlures mictionnelles.

Quelle diurèse nocturne ?

Le motif de consultation le plus fréquent est la pollakiurie. La pollakiurie nocturne ou nycturie (deux levers par nuit ou plus) est le symptôme le plus précoce d’hypertrophie bénigne de la prostate. Néanmoins il faut faire préciser si les volumes d’urine nocturnes sont importants ou non et si cette nyc­turie s’accompagne ou non d’une pollakiurie diurne (> 6 mictions par jour) de façon à distinguer ce qui peut relever d’une hypertrophie bénigne de la prostate ou d’autres causes.

Quatre mécanismes à envisager

Les troubles mictionnels peuvent relever :
– d’une hypertrophie bénigne de la prostate ; la nycturie s’accompagne alors d’un certain degré de dysurie, et il n’y a pas de gros volumes d’urine la nuit ;
– d’une hyperactivité vésicale ; il existe alors une pollakiurie diurne (plus de 6 mictions par jour) et il n’y a pas de gros volumes la nuit ;
– d’un syndrome des apnées du sommeil ; il n’y a alors pas de trouble mictionnel diurne mais des ronflements la nuit et de gros volumes d’urine produits la nuit (polyurie nocturne) ;
– d’une insuffisance cardiaque droite ; il n’y a pas de trouble mictionnel diurne mais des œdèmes des membres inférieurs même minimes et de gros volumes la nuit (polyurie nocturne).

Faire un calendrier mictionnel

Le volume de diurèse nocturne est donc un élément discriminant dans la prise en charge des troubles mictionnels de l’homme. L’interrogatoire peut orienter mais le mieux est de demander au patient d’établir un calendrier mictionnel (v. encadré). Dans les deux premières situations (hypertrophie bénigne de la prostate et hyperactivité vésicale), le volume d’urine la nuit ne dépasse pas le tiers du volume des 24 heures. Pour les deux autres cas (apnées du sommeil et insuffisance cardiaque droite), ce sont les gros volumes d’urine produits la nuit qui sont évocateurs : la nuit représente plus du tiers du volume des 24 heures sur le calendrier mictionnel.
L’examen physique consiste en un toucher rectal appréciant le volume de la prostate et un examen sus- pubien pour éliminer un globe de rétention chronique. Le volume de la prostate et le résidu post- mictionnel sont ensuite vérifiés par échographie.

Pollakiurie associée à une dysurie

Une pollakiurie diurne et nocturne fluctuante en sévérité associée à des degrés divers de dysurie fait évoquer une obstruction par une hyper­trophie bénigne de la prostate.

Pollakiurie et dysurie dissociées

Dysurie marquée sans pollakiurie

La dysurie seule fait évoquer une sténose de l’urètre : l’obstacle créé par la sténose s’établit rapidement, à la différence d’un obstacle créé par une hypertrophie de la prostate. Cette rapidité d’installation ne laisse pas le temps aux modifications de la vessie d’apparaître, ce qui explique pourquoi il n’y a pas de pollakiurie associée. On cherche des antécédents d’urétrite ou de sondage vésical.

Pollakiurie isolée sans dysurie

Elle fait évoquer plusieurs causes.

Pollakiurie par polyurie

Le volume de diurèse dépasse 2 L par 24 heures. C’est un cas de figure assez fréquent, le plus souvent lié à un simple excès d’apport, c’est rarement le motif de découverte d’un diabète. Le calendrier mictionnel constate le volume important de diurèse avec un volume normal pour chaque miction (de 200 à 250 mL).

Pollakiurie sans polyurie

Elle fait évoquer une vessie hyper­active. Le calendrier montre une diurèse totale normale, voire faible car les patients réduisent leurs boissons pour uriner moins souvent, et le volume de chaque miction est réduit autour de 100 mL. Il faut alors vérifier :
– l’absence de cause locale vésicale propre (calcul de vessie, tumeur de vessie, carcinome in situ) par échographie et endoscopie vésicales, et ce d’autant plus qu’une hématurie est rapportée par le patient ou constatée sur l’examen cytobactériologique des urines ou à la bandelette urinaire ;
– l’absence de signes neurologiques associés, en particulier des tremblements fins des extrémités faisant alors évoquer une possible maladie de Parkinson dans laquelle les troubles mictionnels de stockage sont fréquents.

Quel traitement ?

Le traitement des troubles mictionnels de l’homme dépend bien sûr de la cause : traitement d’une tumeur de la vessie, réduction des boissons en cas de polyurie, traitement d’un diabète ou d’une maladie de Parkinson.

Traitement médical

Lorsque les troubles mictionnels sont liés à une hypertrophie bénigne de la prostate, il existe plusieurs approches thérapeutiques en fonction de la présence éventuelle de comorbidités.

En cas de troubles mictionnels liés à une hypertrophie bénigne de la prostate sans comorbidité

Le traitement de première intention consiste en la prescription d’un extrait de plante (Serenoa repens et Pygeum africanum) ou d’un alphabloquant.1, 2
Le traitement est d’autant plus prolongé qu’il existe des signes indiquant un risque de progression : symptômes plus marqués, âge supérieur, volume de la prostate plus important, débit plus faible. Sinon des fenêtres thérapeutiques peuvent être proposées, le patient ne reprenant son traitement qu’en cas de besoin.
En cas d’efficacité insuffisante, des associations de traitement sont à envisager :
– avec un inhibiteur de la 5 alpha- réductase si les symptômes qui persistent sont surtout dysuriques ;
– avec un anticholinergique (ou un sympathomimétique [mirabegron 50 mg, 1 cp/j, non remboursé par l’Assurance maladie]) si les symptômes qui persistent sont surtout pollakiuriques. Il faut respecter les conditions de prescription, c’est-à-dire un résidu post-mictionnel inférieur à 200 mL, et l’absence de glaucome à angle fermé pour les anticholinergiques.3
Il faut insister sur le fait qu’à côté de ces traitements les patients peuvent tirer un grand bénéfice de conseils diététiques et d’une rééducation comportementale (v. encadré).

En cas de syndrome métabolique associé

Le syndrome métabolique est une association de désordres métaboliques liée à une insulinorésistance induite par une surcharge graisseuse abdominale. Le facteur de risque principal en est la sédentarité. Il associe différents facteurs de risque cardiovasculaire : une anomalie de la régulation de la glycémie, une élévation des triglycérides, une baisse du cholestérol lié aux lipoprotéines de haute densité, une hyper­tension artérielle et une obésité centrale avec un périmètre ombilical supérieur à 102 cm.
Depuis une dizaine d’années, il a été montré que l’hypertrophie bénigne de la prostate pouvait faire partie du syndrome métabolique : le volume de la prostate est lié au périmètre ombilical et la prévalence d’un traitement pour des troubles mictionnels est 1,5 fois plus élevée quand deux composantes du syndrome métabolique sont présentes, et 3 fois plus lorsque les cinq composantes sont présentes.4, 5
La conséquence de cette association est qu’en cas de surpoids, chez un patient ayant des troubles mictionnels et des comorbidités évocatrices de syndrome métabolique, l’activité physique et la perte de poids sont le traitement de première ligne. Il peut permettre une réduction des symptômes chez un patient sur quatre.6

En cas de dysfonction érectile associée

Environ un homme sur deux qui a des troubles mictionnels a une dysfonction érectile associée.7
Parmi toutes les classes thérapeutiques disponibles pour traiter les troubles mictionnels, seul le tadalafil a une action sur ces deux types de plainte.8 Il s’utilise à la dose de 5 mg en prise quotidienne ; il peut être utilisé seul ou en association avec tous les autres traitements des troubles mictionnels liés à l’hypertrophie bénigne de la prostate.

Traitement chirurgical

Les traitements chirurgicaux et instrumentaux sont indiqués lorsque la prise en charge médicale est insuffisante.
La résection endoscopique électrique de la prostate reste la référence avec un taux de guérison sans récidive qui avoisine les 90 % à 15 ans et une très grande sécurité. Il persiste cependant un risque faible d’hémorragie justifiant parfois une transfusion (3 %).9 La résection électrique bipolaire et la vaporisation laser se placent en alternatives possibles ayant pour but une réduction du risque hémorragique. Si la résection bipolaire semble avoir la même durabilité d’efficacité que la résection électrique monopolaire, la vapo­risation laser est, elle, grevée d’un taux élevé de réinterventions en raison d’une récidive des symptômes (11 % à 1 an).
Ces techniques entraînent une éjaculation rétrograde dans la majorité des cas. Des alternatives se sont développées pour tenter de réduire l’obstruction tout en préservant l’éjaculation, en sachant que l’éjaculation d’un homme qui a une prostate obstructive est déjà très détériorée (peu abondante et sans force). Ces alternatives instrumentales sont l’Urolift qui met en place par endoscopie des ressorts qui écartent les lobes prostatiques, le Rezum qui consiste à chauffer les lobes prostatiques avec de la vapeur d’eau, l’Aquabeam qui utilise un jet de sérum physiologique à haute pression pour détruire la prostate péri-urétrale, ou l’embolisation des artères prostatiques.9 Toutes ces techniques sont émergentes et semblent déjà être grevées d’un fort taux de récidive à court terme (de 11 à 20 % à 3 ans), mais semble-t-il sans modification de l’éjaculation, à l’exception de l’ Aquabeam qui semble entraîner un risque d’éjaculation rétrograde.

IMPORTANCE DE LA RÉÉDUCATION COMPORTEMENTALE

En conclusion, la prise en charge initiale des troubles mictionnels de l’homme repose sur un interrogatoire bien conduit et la réalisation d’un calendrier mictionnel. Des règles hygiéno-diététiques associées à une rééducation comportementale peuvent rendre de grands services en association avec les traitements médicamenteux habituels. En cas d’échec, la résection endoscopique électrique de la prostate reste la référence, avec de possibles alternatives instrumentales émergentes comme l’Urolift ou l’embolisation prostatique.V
Encadre

Réalisation d’un calendrier mictionnel

Pour réaliser un calendrier mictionnel, il faut un verre mesureur gradué de cuisine de 500 mL.

À chaque fois que vous urinez, faites-le dans ce verre et notez l’heure et le volume (sur un tableau formé de deux colonnes), puis videz le contenu dans les toilettes.

Remplissez ce calendrier au cours de 24 heures, de 8 heures le matin à 8 heures le lendemain matin.

Vous devez également noter l’heure de votre coucher et celle de votre lever, ainsi que les épisodes d’envie pressante et d’éventuelles fuites d’urine.

Si vous possédez un téléphone portable ou une tablette, vous pouvez utiliser l’application « Mictionnary » (téléchargement gratuit).

Encadre

Vessie hyperactive : reprenez le contrôle !

Imposez-vous un délai entre deux passages aux toilettes et élargissez-le progressivement

Le calendrier mictionnel vous indique si vous urinez en moyenne toutes les heures ou toutes les 2 ou 3 heures (à partir de 4 heures, c’est un rythme normal).

Obligez-vous à aller aux toilettes à ce rythme-là, par exemple toutes les 90 minutes, et cela même si vous n’en n’avez pas envie, ou si vous n’urinez que quelques gouttes ou rien du tout. Pour vous aider, vous pouvez mettre une alarme régulière sur votre téléphone ou votre réveil. Si une envie survient avant le délai prévu, résistez :

– ne vous précipitez pas aux toilettes, allez-y d’un pas calme, même si l’envie est pressante ;

– tentez de laisser passer l’envie, détournez votre attention, pensez à autre chose : comptez à l’envers à partir de 100, récitez un poème, occupez-vous (faites vos comptes, regardez la télévision, bricolez, jardinez, écrivez une lettre…), asseyez-vous et prenez 5 respirations profondes (concentrez-vous sur votre respiration et non sur votre vessie, avalez plusieurs fois votre salive) ;

– essayez des pensées positives : c’est moi qui commande, pas ma vessie ; je contrôle, je suis plus forte qu’elle…

Si ça ne suffit pas, allez uriner pour éviter la fuite, mais retournez-y en respectant l’horaire que vous vous êtes fixé.

Après quelques semaines vous arriverez à respecter l’intervalle prévu. C’est alors qu’il faut progressivement l’élargir, de 15 à 30 minutes par semaine jusqu’à ce que vous puissiez attendre 3 à 4 heures entre deux besoins d’uriner.


Développez la force de vos muscles pelviens

Pour cela, serrez l’anus comme si vous reteniez un gaz. Faites des séries de 5 contractions rapides, laisser passer 10 secondes et recommencez, pendant 5 minutes.

Il faut répéter ces exercices systématiquement le matin et l’après-midi, et dès que vous pouvez (en travaillant, en attendant le bus, en lisant cette fiche…).

Suivez vos progrès en réalisant un calendrier mictionnel tous les mois.

Si vous possédez un téléphone portable ou une tablette, vous pouvez utiliser l’application « Mictionnary » (téléchargement gratuit).

Références
1. Descazeaud A, Robert G, Delongchamps NB, et al.; Comité des troubles mictionnels de l’homme de l’association française d’urologie. Bilan initial, suivi et traitement des troubles mictionnels en rapport avec hyperplasie bénigne de prostate : recommandations du CTMH de l’AFU. Progres Urol 2012;22:977-88.

2. Robert G, de la Taille A, Descazeaud A. Effet des traitements médicaux et chirurgicaux sur la nycturie de l’homme présentant une obstruction prostatique bénigne. Progres Urol 2018;28:848-55.

3. De La Taille A, Descazeaud A, Robert G. Prévenir le développement et de la progression des SBAU liés à l’HBP. Progres Urol 2018;28:821-9.

4. Pashootan P, Ploussard G, Cocaul A, de Gouvello A, Desgrandchamps F. Association between metabolic syndrome and severity of lower urinary tract symptoms (LUTS): an observational study in a 4666 European men cohort. BJU Int 2015;116:124-30.

5. Cruz F, Desgrandchamps F. New concepts and pathophysiology of lower urinay tract symptoms in men. Eur Urol Suppl 2010;9: 472-6.

6. Parsons JK, Kashefi C. Physical activity, benign prostatic hyperplasia, and lower urinary tract symptoms. Eur Urol 2008;53:1228-35.

7. Rosen R, Altwein J, Boyle P, et al. Lower urinary tract symptoms and male sexual dysfunction: the multinational survey of the aging male (MSAM-7). Eur Urol 2003;44:637-49.

8. Oelke M, Giuliano F, Mirone V, Xu L, Cox D, Viktrup L. Monotherapy with tadalafil or tamsulosin similarly improved lower urinary tract symptoms suggestive of benign prostatic hyperplasia in an international, randomised, parallel, placebo-controlled clinical trial. Eur Urol 2012;61:917-25.

9. Robert G, de la Taille A, Descazeaud A. Traitements chirurgicaux de l’obstruction prostatique bénigne : standards et innovations. Progres Urol 2018;28:856-67.

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Résumé Troubles du bas appareil urinaire chez l’homme : comment les traiter ?<br/>

La prise en charge initiale des troubles mictionnels de l’homme repose sur un entretien bien conduit et la réalisation d’un calendrier mictionnel. Des règles hygiénodiététiques associées à une rééducation comportementale peuvent rendre de grands services en association avec les traitements médicamenteux habituels. En cas d’échec, la résection endoscopique électrique de la prostate reste la référence, avec de possibles alternatives instrumentales émergentes comme le système Urolift ou l’embolisation prostatique.