Connaître les principes de la prise en charge.
Généralités
La régulation de la veille et du sommeil fait appel à trois processus : 1) homéostasique, accumulatif augmentant régulièrement pendant la veille et diminuant pendant le sommeil (la pression de sommeil) ; 2) circadien (rythme biologique de 24 heures environ), indépendant du sommeil, dépendant de l’oscillateur circadien (horloge biologique interne, située dans les noyaux suprachiasmatiques), influençant la température interne, certaines sécrétions hormonales (mélatonine et cortisol) et la vigilance (
La mesure objective du sommeil repose sur un examen de référence, la polysomnographie (
Troubles du sommeil
Insomnie
Le diagnostic est clinique, en s’assurant que le patient a les opportunités suffisantes pour dormir, pour bien le différencier de la privation de sommeil. Il s’agit d’une plainte de :
- difficultés d’endormissement (insomnie initiale) ;
- plusieurs éveils nocturnes avec difficultés pour se rendormir (insomnie de maintien) ;
- ou réveil matinal trop précoce avec incapacité à se rendormir (insomnie par éveil précoce).
La sévérité de l’insomnie est caractérisée par sa fréquence, son intensité et son évolution. On distingue l’insomnie d’ajustement, souvent liée à un événement de vie stressant ou à une pathologie organique, de l’insomnie chronique (plusieurs mois). L’insomnie peut être primaire ou secondaire à d’autres affections médicales, psychiatriques ou à des troubles spécifiques du sommeil.
Insomnie primaire, ou sans comorbidité
Il s’agit d’une insomnie chronique qui débute toujours par un tableau d’insomnie aiguë, en lien avec un facteur initial stressant (psychologique ou physique). Face à cette insomnie, le sujet développe malgré lui des comportements dysfonctionnels (se coucher trop tôt, faire des grasses matinées pour « récupérer », faire des siestes) entretenus par des schémas de pensée inadaptés (se forcer à dormir, biais d’attribution, hyperfocalisation sur le sommeil). L’échec de ces stratégies génère une anxiété, des ruminations excessives conduisant à un « hyperéveil mental » (pensées intrusives, incapacité perçue à arrêter l’activité mentale qui empêche l’endormissement) et une « hyperactivation » physiologique (incapacité à se détendre, augmentation de la fréquence cardiaque, de la température corporelle...). Cet état d’hyperéveil conduit à une pérennisation de l’insomnie, on parle ainsi du cercle vicieux de l’insomnie.Insomnie secondaire
Insomnie d’origine psychiatrique : les perturbations du sommeil observées dans la dépression sont dans 85 % des cas une insomnie.Les troubles anxieux, en particulier l’état de stress post-traumatique, sont particulièrement associés à une plainte d’insomnie.
Insomnie d’origine iatrogène ou toxique : une prise de médicaments tels que les corticoïdes, certains antidépresseurs ou psychostimulants, peut être responsable d’insomnie, tout comme un sevrage en psychotrope, antiépileptique ou antalgique opioïde. Une consommation excessive de caféine, de stupéfiants, l’intoxication éthylique et son sevrage sont à rechercher.
Insomnie liée à des facteurs organiques : les pathologies affectant le système nerveux central (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, atteinte vasculaire, tumorale, inflammatoire) ou endocriniennes (hyperthyroïdie) sont fréquemment associées à une insomnie. Des symptômes tels que la dyspnée, la pollakiurie, peuvent être responsables d’éveils intra-sommeil, et la douleur (d’origine rhumatismale, musculaire, digestive…), si elle est nocturne, peut occasionner des troubles du sommeil de nuit.
Syndrome des jambes sans repos (SJSR)/mouvements périodiques des membres : le syndrome des jambes sans repos est une cause majeure et fréquente d’insomnie d’endormissement et de maintien. Il reste cependant largement sous-diagnostiqué. Il touche 1 à 5 % de la population générale, et est plus fréquent chez la femme et chez les sujets de plus de 65 ans. Le diagnostic est retenu si quatre critères cliniques sont satisfaits :
- besoin intense et irrésistible de bouger les membres (le plus souvent les jambes), associé à des sensations désagréables au niveau des membres (impatiences) ;
- les symptômes sont aggravés par l’immobilité et la position allongée ;
- les symptômes sont soulagés par le mouvement ;
- les symptômes sont plus intenses le soir par rapport à la journée.
La physiopathologie du syndrome des jambes sans repos et des mouvements périodiques des membres repose sur des anomalies du transport du fer au niveau cérébral sous-tendues par une vulnérabilité génétique. Le manque de fer dans certaines régions du cerveau est responsable d’une dysrégulation du système dopaminergique. On distingue le syndrome des jambes sans repos idiopathique (à forte composante familiale, très dépendant des taux de ferritine dans le cerveau) des formes secondaires (maladie de Parkinson, neuropathie, insuffisance rénale, iatrogène [antidépresseurs/neuroleptiques]).
Examens complémentaires
Afin de recueillir des informations plus précises sur l’organisation du sommeil du patient, un agenda de sommeil peut être complété par celui-ci, plus ou moins accompagné d’une actimétrie (ou actigraphie) sur une durée d’au minimum deux semaines (Un bilan paraclinique étiologique doit être discuté en fonction de la cause suspectée.
Prise en charge
Traitement des insomnies secondaires : le traitement de l’insomnie est le traitement de sa cause : réajustement d’un traitement médicamenteux, sevrage en toxiques, traitement d’une hyperthyroïdie, d’une dépression, d’un trouble anxieux pathologique, correction d’une carence martiale, par exemple. Le traitement du syndrome des jambes sans repos repose sur la recherche et la prise en charge des formes secondaires. Un traitement par agoniste dopaminergique à faible dose est réservé au syndrome des jambes sans repos idiopathique sévère.Traitement non médicamenteux : l’approche non médicamenteuse est le traitement de première intention de l’insomnie primaire. Un travail de psychoéducation doit être effectué afin de retrouver une bonne hygiène de sommeil. La thérapie cognitivo-comportementale permet une rééducation du sommeil en quelques séances, avec une efficacité au moins comparable aux hypnotiques. Sur le versant comportemental, une restriction du temps passé au lit est instaurée, avec une éviction de la sieste et la technique du contrôle du stimulus (qui vise à gérer l’horaire du coucher en fonction de la propension au sommeil). L’approche cognitive consiste à corriger les croyances et attitudes erronées vis-à-vis du sommeil (par exemple, « Il faut absolument dormir huit heures pour qu’une nuit soit bonne »).
Traitement médicamenteux : la prescription d’un hypnotique est envisageable, mais seulement sur une courte période (de quelques jours à 2 semaines) et dans la seule indication de l’insomnie aiguë. Il faut informer le patient du risque de dépendance et du risque de syndrome de sevrage à l’arrêt. Il faut éviter les hypnotiques chez le sujet âgé, du fait d’un risque de chute majoré. Le choix de l’hypnotique doit porter sur des molécules à demi-vie courte, sans métabolites actifs (de préférence les molécules « z », zolpidem et zopiclone). La prescription de benzodiazépines est à éviter chez un sujet souffrant de syndrome d’apnées du sommeil.
Insomnie de l’enfant
L’évocation de l’insomnie du jeune enfant repose sur la plainte des parents d’une insuffisance de sommeil. Elle correspond à un trouble de l’installation ou du maintien du sommeil nocturne. Elle se traduit par des difficultés d’endormissement avec opposition au coucher ou pleurs, des éveils nocturnes (souvent multiples) ou, plus rarement, par une nuit écourtée. En l’absence de cause organique, la prise en charge est essentiellement fondée sur des mesures comportementales, et parfois une prise en charge psychologique de l’enfant et de ses parents.Difficultés d’endormissement et éveils nocturnes : chez l’enfant de moins de 3 ans, le trouble le plus fréquent est un conditionnement anormal à l’endormissement. L’enfant ne s’est jamais endormi seul ou ne sait plus s’endormir seul. Il est incapable de s’endormir sans biberon, sans être bercé, sans être promené en voiture ou couché contre ses parents, sans leur présence jusqu’à l’endormissement (
Insuffisance de limites : ce trouble correspond à une absence ou à une incohérence des routines de coucher proposées à l’enfant, à un manque de fermeté des parents qui se laissent déborder par les multiples demandes de l’enfant pour éviter d’être mis au lit, qui se sentent coupables de dire non, qui ont peur des pleurs de l’enfant ou de ses caprices, surtout s’ils surviennent la nuit, parfois par peur de réveiller les voisins ou un autre enfant.
Troubles de l’installation du rythme jour/nuit : la peur qu’un enfant n’ait pas assez dormi, les conseils souvent donnés de ne jamais réveiller un enfant qui dort font que, très souvent, les difficultés d’endormissement ou les éveils nocturnes se compliquent d’un trouble de l’installation du rythme circadien de vingt-quatre heures. Il s’agit le plus souvent d’un retard de phase favorisé par une opposition au coucher avec coucher et lever tardifs. Ces levers tardifs, même s’ils ne surviennent que deux fois par semaine, le week-end, peuvent entraîner un décalage de l’horaire des siestes et surtout du sommeil nocturne.
Insomnies symptomatiques : elles sont à envisager devant des éveils nocturnes longs (supérieurs à 15 minutes) associés ou non à un temps de sommeil sur les vingt-quatre heures très diminué (de plus de 2 heures par rapport à la moyenne pour l’âge), des éveils apparaissant dès la première partie de la nuit, un sommeil agité entre les éveils, une fatigue diurne, des siestes inopinées, une hyperactivité pathologique, des troubles du comportement, un ronflement, des troubles alimentaires, et des régurgitations anormales. À l’examen somatique, il faut s’alerter devant la présence d’un retard staturo-pondéral ou d’une cassure de la courbe de poids ou de taille, plus rarement d’un excès de poids, un examen neurologique ou psychomoteur anormal.
Il faut penser à rechercher et traiter les affections suivantes :
- une affection neurologique ou mentale avec ou sans déficits sensoriels (cécité en particulier) et/ou épilepsie. Certains de ces déficits, plus souvent d’origine génétique comme les syndromes de Rett, Prader-Willi, Angelman, Smith-Magenis, sont presque systématiquement associés à des insomnies graves liées à des troubles spécifiques de l’installation du rythme circadien et/ou des anomalies de la structure du sommeil ou à des apnées du sommeil ;
- une affection médicale : les diabètes insulinodépendants et insipides (en raison de la pollakiurie), l’asthme, l’eczéma sont fréquemment associés à une insomnie. Chez les jeunes enfants, il faut systématiquement éliminer une otite chronique, un reflux gastro-œsophagien, une intolérance aux protéines du lait de vache. Chez tous, il faut penser à une éventuelle cause médicamenteuse : psychostimulants, corticoïdes ;
- une affection liée au sommeil : syndrome d’apnées obstructives, syndrome des jambes sans repos ;
- une cause psychologique ou psychiatrique : troubles anxieux, précocité, dépression, trouble de déficit de l’attention/hyperactivité, troubles du spectre autistique, carences affectives graves.
Hypersomnolence
L’arrêté du 18 décembre 2015, actualisé le 28 mars 2022, définit les affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire. Les patients souffrant de troubles du sommeil responsables de somnolence au volant doivent se présenter devant la commission médicale des permis de conduire. Pour la conduite des véhicules du groupe lourd, la reprise est conditionnée par la réalisation d’un test de maintien d’éveil. Le patient avec sa prise en charge est invité à quatre reprises dans la journée à résister au sommeil, sans activité stimulante. Ces tests ont une valeur médico-légale. La latence moyenne pathologique à ce test est classiquement inferieure à dix-neuf minutes, mais il n’existe pas en résalité de consensus très clair sur ce seuil. Le caractère pathologique ou non est finalement laissé à l’appréciation du spécialiste du sommeil.
La somnolence diurne excessive est multifactorielle, pouvant être la conséquence de perturbations du sommeil de nuit, en lien avec des facteurs toxiques (médicaments sédatifs), être secondaire à des pathologies organiques ou psychiatriques (comme la dépression) ou être le symptôme principal des hypersomnies centrales.
Syndrome d’apnées du sommeil
Le syndrome d’apnées du sommeil est une pathologie fréquente, touchant 5 à 10 % de la population générale. Il est plus fréquent chez l’homme, en surpoids ou obèse. Chez ces sujets, le diagnostic de syndrome d’apnées du sommeil doit être évoqué devant des symptômes diurnes (sommeil perçu comme non réparateur, somnolence diurne excessive, céphalées matinales, difficultés de concentration, troubles de la libido, irritabilité) et des manifestations nocturnes (ronflements, polyurie nocturne [plus de 2 mictions par nuit], hypersalivation, sueurs nocturnes, pauses respiratoires constatées par l’entourage, sensation d’étouffement). Les complications de ce syndrome sont d’ordre cardiovasculaire et métabolique (hypertension artérielle, manifestations ischémiques cardiaques ou cérébrales, diabète, syndrome métabolique).Le diagnostic repose sur un enregistrement nocturne (polygraphie ventilatoire ou si besoin polysomnographie incluant les capteurs EEG notamment). Cet enregistrement met en évidence de nombreux arrêts respiratoires complets (apnées) ou partiels (hypopnées), de plus de dix secondes, associés à une désaturation en oxygène et/ou un micro-éveil. Le plus souvent, le mécanisme est obstructif (définissant le syndrome d’apnées-hypopnées obstructif du sommeil), parfois il est central (par dysfonctionnement de la commande ventilatoire) ou mixte. Un indice d’apnées/hypopnées (IAH) supérieur ou égal à 5 par heure de sommeil confirme le diagnostic. L’intensité du syndrome d’apnées du sommeil se définit par l’IAH (entre 5 et 15 : légère, de 15 à 30 : modérée, supérieur à 30 : sévère).
La prise en charge du syndrome d’apnées du sommeil dépend de sa sévérité, de son retentissement diurne et des facteurs de risque cardiovasculaire associés. Lorsqu’il est sévère, le traitement de référence est la ventilation à pression positive continue appliquée au moyen d’un masque. Dans les formes moins sévères, une prise en charge ORL-stomatologiste-dentiste (amygdalectomie chez l’enfant, orthèse d’avancée mandibulaire…) est à envisager. Une perte de poids peut parfois suffire à corriger un indice d’apnées/hypopnées pathologique ; un traitement positionnel en cas d’apnées uniquement dorsales peut aussi être envisagé.
Hypersomnies centrales
Narcolepsie : la narcolepsie est une affection rare (0,026 % de la population générale) largement sous-diagnostiquée. La forme complète avec cataplexie est caractérisée par l’association d’une somnolence diurne excessive, de cataplexies et de signes de dysrégulation du sommeil paradoxal. La somnolence diurne excessive est souvent le symptôme le plus invalidant, caractérisée par des accès de sommeil multiples, de courte durée, le plus souvent incoercibles et rafraîchissants. La cataplexie est une abolition brève et brutale du tonus musculaire, généralisée ou partielle, sans altération de la conscience, déclenchée par une émotion le plus souvent positive (rire, surprise). La cataplexie est un signe pathognomonique de cette affection. On retrouve, dans la moitié des cas, des hallucinations hypnagogiques et des paralysies du sommeil. Un mauvais sommeil nocturne est fréquent avec l’évolution de la maladie (fréquents éveils nocturnes, mouvements périodiques des jambes, trouble comportemental en sommeil paradoxal), et une prise de poids, notamment chez les sujets jeunes au début de la maladie en l’absence de tout traitement médicamenteux. L’incidence de la narcolepsie suit une courbe bimodale, avec un premier pic à 15 ans et un second à 35 ans. Les formes familiales de narcolepsie sont rares (1 à 2 %).Le diagnostic de narcolepsie avec cataplexie repose sur l’observation clinique lorsque les symptômes sont typiques. Il est recommandé cependant de pratiquer une polysomnographie suivie de tests itératifs de latence d’endormissement qui objectivent une latence moyenne d’endormissement inférieure à 8 minutes et au moins 2 endormissements en sommeil paradoxal (ESP) sur les 5 tests (ou 1 ESP lors de la nuit d’enregistrement et au moins 1 ESP sur les tests diurnes). La forme clinique narcolepsie sans cataplexie est identique sur le plan clinique et polysomnographique outre l’absence de cataplexie.
Le diagnostic peut être conforté par le dosage de l’hypocrétine dans le liquide céphalorachidien (un taux inférieur à 110 ng/mL est très spécifique et sensible de la forme avec cataplexie). La présence de HLA-DQB1*06:02 est retrouvée chez 97 % des narcoleptiques avec cataplexie mais se retrouve aussi chez 25 % de la population générale. Ainsi, ce test n’a pas de réelle valeur diagnostique. En revanche, l’absence d’association à HLA-DQB1*06:02 exige la présence de critères incontestables pour retenir le diagnostic de narcolepsie avec cataplexie.
La cause de la narcolepsie-cataplexie humaine est vraisemblablement multifactorielle, impliquant des facteurs génétiques et environnementaux. Sur le plan physiopathologique, la narcolepsie correspond à la perte de fonction des neurones à hypocrétine, un neurotransmetteur sécrété par une petite population de neurones de la partie dorsolatérale de l’hypothalamus. Un mécanisme auto-immun est fortement suspecté. Cette hypothèse a été confortée par l’observation d’une augmentation de l’incidence de la narcolepsie-cataplexie à la suite de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 pandémique de 2009. La ou les causes de la narcolepsie sans cataplexie restent inconnues à ce jour.
Le traitement est actuellement uniquement symptomatique, agissant sur la somnolence diurne excessive, les cataplexies et le mauvais sommeil de nuit. Il repose en premier lieu sur l’utilisation de psychostimulants comme le modafinil, le solriamfétol ou le pitolisant, un éveillant qui agit sur la recapture de l’histamine. Le méthylphénidate devient un traitement de deuxième intention pour la prise en charge de la somnolence. Les cataplexies sont améliorées par l’oxybate de sodium ou par des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (venlafaxine). L’oxybate de sodium est très efficace sur le sommeil de nuit fréquemment altéré. Les traitements d’avenir, en cours de développement, sont les agonistes des récepteurs 2 de l'orexine.
Hypersomnie idiopathique : l’hypersomnie idiopathique est une affection rare, d’identification relativement récente et d’étiopathogénie imprécise. Elle commence plutôt chez l’adulte jeune, souvent une femme, avec des formes familiales fréquentes. On retrouve une somnolence diurne excessive plus ou moins continue. Contrairement à la narcolepsie, les accès de sommeil diurnes sont longs (plusieurs heures) et non restaurateurs d’une vigilance normale. Le sommeil de nuit est soit prolongé (supérieur à 10 heures), soit de durée normale, distinguant ainsi deux formes de la maladie. Il est toujours de bonne qualité. Dans la forme avec allongement du temps de sommeil, le réveil est très difficile, avec une inertie importante, pouvant aller jusqu’à une ivresse du sommeil avec confusion, La forme clinique avec allongement du temps de sommeil doit être différenciée des sujets longs dormeurs, non pathologiques. Une polysomnographie suivie de tests itératifs de latence d’endormissement est nécessaire pour confirmer et éliminer une autre cause d’hypersomnie. Le traitement est également symptomatique, avec le plus souvent les mêmes traitements que ceux pris dans la narcolepsie. Plusieurs études récentes montrent un effet significatif de l’oxybate de sodium dans cette maladie. Cependant, aucun traitement n’a obtenu l’autorisation de mise sur le marché dans cette indication en France à ce jour. L’évolution du trouble est encore mal connue.
Syndrome de Kleine-Levin : il s’agit d’un trouble extrêmement rare, survenant chez l’adolescent ou l’adulte jeune, le plus souvent de sexe masculin. Il est caractérisé par des accès d’hypersomnie (plus de 16 heures par jour) durant plusieurs jours, parfois associés à un comportement alimentaire compulsif, une hypersexualité, ou des troubles psychiques (déréalisation, désinhibition, irritabilité, agressivité). L’examen est normal entre les crises. Le diagnostic est clinique. Les troubles disparaissent le plus souvent spontanément après quelques années. Un traitement médicamenteux préventif par lithium peut être instauré dans les formes fréquentes et particulièrement invalidantes.
Troubles du rythme circadien
Des mesures chronobiologiques fondées sur une resynchronisation de l’horloge biologique doivent être envisagées pour leur prise en charge : la chronothérapie (changement progressif des horaires de coucher et de lever), la luminothérapie, et la prescription de mélatonine le soir (hormone sécrétée naturellement la nuit, dans l’obscurité).
Parasomnies
Parasomnies du sommeil lent profond
Les plus fréquentes sont le somnambulisme et les terreurs nocturnes. Elles se voient généralement chez l’enfant et sont en général sans gravité. Elles concernent jusqu’à 25 % des enfants de façon occasionnelle et 2 % de la population adulte. Les formes familiales sont fréquentes. Les épisodes de somnambulisme sont des comportements moteurs complexes inconscients survenant au cours du sommeil lent profond, donc le plus souvent en première partie de nuit. Les terreurs nocturnes sont des éveils brutaux inconscients en sommeil lent profond avec cris et pleurs accompagnés d’une hyperactivation neurovégétative. Elles se distinguent des cauchemars du fait de l’amnésie quasi constante qui l’accompagne et doivent être distinguées de l’épilepsie frontale nocturne (Parasomnies associées au sommeil paradoxal
Elles regroupent les cauchemars, les paralysies du sommeil, et les troubles du comportement en sommeil paradoxal. Cette dernière parasomnie survient le plus souvent en deuxième partie de nuit et est liée à la perte de l’atonie musculaire habituelle du sommeil paradoxal. Le patient met alors en acte ses rêves, avec des comportements moteurs plus ou moins complexes. Les gestes sont brusques, saccadés, il peut y avoir des actes violents, auto- ou hétéro-agressifs. Les critères diagnostiques sont cliniques et vidéo-polysomnographiques. Peu fréquente et concernant le plus souvent les sujets âgés, de sexe masculin, cette parasomnie peut précéder de plusieurs années une affection neurologique dégénérative telle que la maladie de Parkinson. Dans un contexte aigu, il faut rechercher une cause médicamenteuse ou toxique, comme la prise d’alcool. Le traitement symptomatique repose sur l’utilisation de clonazépam à petites doses ou de mélatonine.POINTS FORTS À RETENIR
Les troubles du sommeil regroupent les insomnies, les hypersomnies, les parasomnies, les troubles du rythme circadien, et les troubles respiratoires liés au sommeil. Leur répartition et leurs causes varient en fonction de l’âge.
Les troubles du sommeil ne doivent jamais être négligés, car ils peuvent être le point d’appel de pathologies sous-jacentes : maladies neurodégénératives, maladies génétiques, syndrome d’apnées du sommeil, troubles psychiatriques.
La prescription d’un traitement hypnotique ne doit se faire que pour les insomnies occasionnelles, et sur une courte période. Une thérapie cognitivo-comportementale doit être instaurée devant toute insomnie chronique primaire non organique.
Un syndrome des jambes sans repos doit être recherché en cas d’insomnie persistante.
Il faut savoir reconnaître un sujet atteint d'hypersomnolence et en rechercher la cause. Le handicap et le risque d’accident de la circulation sont importants. Depuis l’arrêté du 18 décembre 2015, actualisé le 28 mars 2022, les patients qui souffrent d'hypersomnolence doivent être évalués annuellement avec un bilan spécialisé et, pour le groupe « lourd », passer des tests de maintien d’éveil pour l’obtention ou le maintien du permis de conduire. Ils ont une valeur médico-légale.
Il faut penser à dépister un syndrome d’apnées du sommeil, chez un sujet somnolent et ronfleur, et d’autant plus s’il est obèse et a des facteurs de risque cardiovasculaire. S'il est confirmé et sévère, un traitement par pression positive continue doit être instauré.
Échelle de somnolence d’Epworth
La somnolence est la propension plus ou moins irrésistible à s’endormir en l’absence de stimulation.
Cette sensation est distincte de celle de la fatigue qui, parfois, oblige le sujet à se reposer mais sans dormir.
Vous arrive-t-il de somnoler ou de vous endormir (dans la journée) dans les situations suivantes ? Cette question concerne votre vie dans les mois derniers. Même si vous ne vous êtes pas trouvé récemment dans l’une de ces situations, essayez d’imaginer comment elles auraient pu vous affecter.
Choisissez le chiffre le plus approprié à chaque situation.
0 : ne s’assoupirait jamais
1 : faible chance de s’assoupir
2 : chance moyenne de s’assoupir
3 : forte chance de s’assoupir
➜ Assis en train de lire
➜ En train de regarder la télévision
➜ Assis, inactif, dans un endroit public (salle d’attente, au théâtre, en réunion...)
➜ Comme passager dans une voiture roulant sans arrêt pendant une heure
➜ Allongé l’après-midi pour se reposer quand les circonstances le permettent
➜ Assis en train de parler à quelqu’un
➜ Assis calmement après un repas sans alcool
➜ Au volant d'une voiture immobilisée depuis quelques minutes dans un embouteillage
Score : somnolence diurne excessive si > 10.