La compréhension sur les TSA a fait des progrès spectaculaires depuis les premières descriptions de l’autisme dans les années 1940. Aujourd’hui, si les recherches cliniques et neurobiologiques ont permis de mieux comprendre les anomalies du développement et du fonctionnement de réseaux nerveux impliqués dans les ajustements réciproques et la communication à l’origine de ces troubles, les mécanismes moléculaires sous-jacents doivent encore être élucidés. Une nouvelle étude française vient éclaircir le rôle de certains récepteurs neuronaux, ouvrant la voie à de possibles pistes thérapeutiques…

Avec une prévalence d’environ 1 %, les troubles du spectre de l’autisme (TSA) affectent environ 700 000 personnes en France. D’expression hétérogène, ces troubles neurodéveloppementaux apparaissent dès les premières années de l’enfance et se caractérisent principalement par une altération des interactions sociales et de la communication réciproque et par le caractère restreint, répétitif et stéréotypé du comportement, des intérêts et des activités.

Décrite pour la première fois dans les années 1940, l’entité clinique « autisme » a fait l’objet d’une actualisation sémiologique ces dernières décennies pour arriver à la notion, plus large et nuancée, de « troubles du spectre de l’autisme ».

En parallèle, le modèle explicatif principalement psychogénique au début a cédé sa place à une compréhension neurobiologique de ces troubles, à la faveur des recherches sur les mécanismes nerveux pouvant sous-tendre les troubles de la communication et de l’adaptation. Aujourd’hui, les recherches cliniques et neurobiologiques confortent l’hypothèse selon laquelle les TSA seraient liés à des anomalies, très probablement anténatales, du développement et du fonctionnement de base de réseaux nerveux, dits du « cerveau social », impliqués dans les ajustements réciproques et la communication.

Toutefois, malgré ces progrès dans la compréhension des TSA, les mécanismes moléculaires sous-jacents restent mal documentés. L’une des hypothèses à cet égard concerne un possible dysfonctionnement de certains neurotransmetteurs dans le cerveau, mais des données solides manquaient encore pour la prouver. Aujourd’hui, des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Tours (laboratoire « Imagerie et cerveau ») semblent la confirmer : les résultats de leurs travaux, qui viennent d’être publiés dans Molecular Psychiatry, ont montré que les cerveaux d’adultes ayant un TSA exprimaient en plus grande quantité des récepteurs particuliers du glutamate.

Le glutamate est le principal neurotransmetteur excitateur du système nerveux central. Les auteurs de cette étude ont quantifié ses niveaux dans le cortex cingulaire de 12 adultes avec TSA et de 14 sujets témoins sans TSA, puis se sont focalisés sur l’expression de certains récepteurs du glutamate appelés « mGluR5 » dans le cerveau de ces participants (il s’agit de récepteurs particulièrement exprimés dans des régions cérébrales impliquées dans la cognition, le contrôle moteur et les émotions : cortex cérébral, hippocampe, septum latéral, striatum dorsal, noyau accumbens).

Résultats : si les niveaux de glutamate étaient très hétérogènes chez les adultes avec TSA, la quantité de récepteurs mGluR5 exprimés était particulièrement élevée dans certaines régions du cerveau de tous ces participants, par rapport aux sujets témoins.

Néanmoins, cette surexpression semble être, plutôt qu’une cause des TSA, un mécanisme de compensation, une conséquencequi apparaîtrait ainsi au cours de la vie des sujets affectés.En effet, les chercheurs ne l’ont pas retrouvée à des stades plus précoces du développement (étudiés sur des modèles murins) : les analyses sur des modèles de « rats TSA » comparés à des rats témoins ont montré que les quantités de mGluR5 ne différaient pas chez eux pendant l’enfance. Cependant, à l’adolescence, une surexpression de ces récepteurs dans certaines régions du cerveau des « rats TSA » était observée.

« Nos résultats suggèrent que les changements dans la quantité des récepteurs mGluR5 exprimés au cours du développement pourraient être un mécanisme de compensation en réponse à des dysfonctionnements précoces des systèmes de communication du cerveau, plutôt qu’un élément primaire à l’origine du développement des TSA », explique la Pr Frédérique Bonnet-Brilhault, qui a dirigé ces travaux.

Aujourd’hui, les thérapies développementales fondées sur la guidance parentale et les nouvelles technologies ont des résultats prometteurs dans les TSA, d’autant plus si elles sont débutées dans les premières années de vie (aux stades précoces, le cerveau du jeune enfant a encore une plasticité très importante et, en agissant sur le fonctionnement cérébral, il est possible d’infléchir la trajectoire développementale). Cependant, les conclusions de ces travaux, en ouvrant la voie à une meilleure compréhension des mécanismes neurobiologiques propres aux TSA, pourraient aussi constituer une piste prometteuse pour le développement de nouvelles thérapeutiques. Des interventions pharmacologiques sur ces récepteurs, en particulier le blocage de mGluR5, sont par exemple déjà en cours d’évaluation pour divers troubles neurologiques et/ou psychiatriques (anxiété, dépression, schizophrénie, maladie de Parkinson, voire addictions).

Pour en savoir plus

Inserm. TSA : vers une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires de l’autisme. 1er décembre 2022.
Galineau L, Arlicot N, Dupont AC, et al. Glutamatergic synapse in autism: a complex story for a complex disorder.  Mol Psychiatr 25 novembre 2022.
À lire aussi :
Autisme – dossier élaboré selon les conseils scientifiques du Pr Catherine Barthélémy.  Rev Prat 2019;69(7);737-58.
Jay A, Oreve MJ, Geoffray MM, et al. Troubles du spectre de l’autisme.  Rev Prat Med Gen 2019; 33(1031);831-6.