Divers troubles du cycle menstruel – métrorragies, ménorragies, changements dans la durée et la fréquence des cycles… – ont été rapportés par des femmes ayant reçu un vaccin anti-Covid, et font partie des signaux surveillés par la pharmacovigilance en France (avec une majorité d’événements non graves).
Les saignements abondants, signaux confirmés pour les vaccins à ARNm, sont inclus dans les RCP de ces derniers depuis fin 2022 en tant qu’effets indésirables de fréquence indéterminée.
Les autres troubles menstruels sont encore des signaux en cours d’évaluation. Une étude internationale parue en 2022 dans le BMJ, menée sur près de 20 000 femmes et dont les résultats rejoignent ceux des travaux précédents, a trouvé une modification mineure et temporaire de la durée du cycle après la vaccination (augmentation de < 1 jour par rapport aux femmes non vaccinées) et aucune différence sur la durée des saignements.
Plus de risque après infection qu’après vaccination
Dans une nouvelle étude cas-témoins rétrospective, menée par des chercheurs français, britanniques et américains et récemment publiée dans iScience, deux échantillons de femmes (4 989 participantes non ménopausées et vaccinées ; 12 579 vaccinées et non vaccinées), provenant d’une enquête conduite au Royaume-Uni en mars 2021, ont été analysés à la recherche de potentiels facteurs de risque de rapporter des changements du cycle menstruel après une vaccination. L’objectif était également de comparer les effets de la vaccination et de l’infection par le SARS-CoV-2 sur d’éventuels troubles du cycle, et enfin de caractériser ces derniers.
Dans l’échantillon de femmes vaccinées, 47 % ont reçu le vaccin Comirnaty (Pfizer-BioNTech) et 53 % le vaccin Vaxzevria (Oxford-AstraZeneca). Si la majorité (82 %) n’ont rapporté aucun changement du cycle menstruel, 18 % ont rapporté un trouble (relatif à la durée et régularité des cycles, à la durée des menstruations, au volume des saignements, aux symptômes prémenstruels…), ce qui correspond à un seuil supérieur à celui d’un effet indésirable très fréquent (≥ 1/10) défini en pharmacovigilance. L’analyse multivariée a montré que le tabagisme et l’infection préalable par le SARS-CoV-2 étaient des facteurs de risque de rapporter des troubles menstruels après vaccination (prévalences 30 % supérieure dans le premier cas, et de 37 à 46 % supérieure dans le second). En revanche, la contraception œstroprogestative apparaissait comme un facteur protecteur (prévalence des troubles menstruels rapportés 43 % inférieure). Enfin, l’âge, l’IMC, des pathologies comme l’endométriose, le SOPK, les fibroses et polypes utérins, les dysthyroïdies, ainsi que les niveaux d’activité physique, le statut socio-économique et l’appartenance ethnique ne semblaient pas avoir une incidence.
Enfin, dans l’échantillon incluant des femmes vaccinées et non vaccinées (séparées en 4 groupes : vaccination seule, sans antécédent de Covid, avec 1 ou 2 doses ; épisode de Covid puis vaccination ; épisode de Covid seul, sans vaccination ; ni épisode Covid ni vaccination), la comparaison a mis en évidence que la vaccination à elle seule n’était pas associée à des paramètres anormaux du cycle menstruel, tandis qu’un antécédent d’épisode Covid était associé à un risque accru de rapporter divers troubles menstruels – saignements abondants, métrorragies, cycles fréquents (< 24 jours), menstruations longues (> 8 jours), voire des « sauts » de menstruations. Par exemple, tandis qu’aucune différence significative n’a été décelée entre le groupe « vaccination seule » et le groupe contrôle en ce qui concerne l’abondance des saignements, le groupe « épisode Covid seul » avait un risque augmenté de 38 % d’avoir des saignements abondants.
Bien que la nature rétrospective et autodéclarative de l’enquête expose à de nombreux biais (de mémoire, de sélection, de notification), ces résultats peuvent contribuer à contrecarrer la crainte des patientes vis-à-vis d’effets potentiels des vaccins sur les menstruations, comparés au virus lui-même – en particulier car les premiers ont été très médiatisés.