Médecine du travail. Face à la demande d’un patient d’une reconnaissance d’un trouble musculo-squelettique en maladie professionnelle, il convient de se poser une série de questions.
Un exemple d’observation
Madame T., 50 ans, travaille dans une usine de fromages. Son poste de travail consiste principalement en la mise en séchage des fromages. Elle est ainsi amenée à retourner les fromages disposés sur des planches de séchage de différentes hauteurs, de manière très répétitive, dans une cave sombre et humide. L’augmentation de la production liée au rachat de l’entreprise par un grand groupe impose maintenant un rythme de travail très soutenu. Des temps de pause sont prévus, mais de courte durée et rythmés par la production en amont des fromages.
Cette patiente qui était, il y a quelques années encore, fière de la qualité du séchage qu’elle permettait d’obtenir grâce à son expérience confie ne plus s’y retrouver depuis plusieurs mois dans les nouvelles méthodes appliquées par l’entreprise. Elle consulte le médecin qui la suit, pour la troisième fois en 4 mois, pour une symptomatologie de syndrome du canal carpien gauche résistant au traitement et au port de l’orthèse de repos prescrits en parallèle à un arrêt de travail depuis 3 semaines. Le praticien envisage de prescrire un électro-neuro-myogramme et de demander un avis chirurgical. Madame T. l’interroge sur la possibilité d’une reconnaissance en maladie professionnelle.
Quelle prise en charge médicale spécifique ?
La prise en charge médicale des atteintes péri-articulaires regroupées sous le nom de troubles musculo-squelettiques n’est pas spécifique. La démarche diagnostique et thérapeutique reste inchangée, que la cause soit en (grande ou petite) partie ou non reliée à l’activité professionnelle. À noter que la demande de reconnaissance en maladie professionnelle de certaines affections peut nécessiter la prescription d’examens complémentaires (imagerie par résonance magnétique de l’épaule pour les tendinopathies chroniques de la coiffe des rotateurs, électromyogramme pour le syndrome du nerf ulnaire au coude…) exigés par le tableau concerné.
Faut-il déclarer en maladie professionnelle ?
Dans le cas des troubles musculo- squelettiques,1 il faut garder à l’esprit qu’une maladie reconnue en maladie professionnelle ne pourra plus faire l’objet d’une demande de pension d’invalidité.
Ce choix doit être réfléchi, notamment si les capacités de travail sont amenées à être sévèrement diminuées car la compensation financière de l’incapacité permanente partielle (IPP) liée au trouble musculo-squelettique reste le plus souvent bien inférieure à une rente d’invalidité de catégorie 1. À l’inverse, en cas de poursuite d’une activité professionnelle, la rente d’IPP sera versée en supplément du salaire, à vie, y compris après la retraite. La décision de déclarer en maladie professionnelle doit donc être prise à la lumière de l’ensemble des éléments médicaux et socioprofessionnels (type de trouble musculo-squelettique, âge, niveau de formation, situation de travail…) au cas par cas.
Qui fait la déclaration en maladie professionnelle ?
La déclaration incombe à la victime, selon le code de santé publique.2 Le médecin a donc le devoir d’informer son patient sur les avantages et inconvénients liés à cette déclaration, mais la déclaration (ou non) en maladie professionnelle doit rester au choix du patient. En théorie, tout médecin peut rédiger le certificat médical initial en vue de la déclaration en maladie professionnelle ; en pratique, c’est plutôt le rôle du médecin de soins (médecin traitant ou spécialiste de l’organe concerné) qui prend en charge le patient pour la maladie en cause qui le rédige.
Dans les situations simples où l’ensemble des critères exigés par le tableau de maladie professionnelle sont respectés, l’intervention du médecin du travail n’est pas indispensable, mais son avis peut être une aide. En revanche, dans les situations plus complexes, notamment en cas de recours au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), une argumentation détaillée du médecin du travail sur les conditions de travail qui ont pu favoriser la survenue de la maladie (étude ergonomique, mesures d’ambiance…) sera nécessaire.3
Comment rédiger le certificat médical initial en vue d’une déclaration en maladie professionnelle ?
Le feuillet Cerfa 11138*04 (v. figure) prévu à cet effet permet de décrire la maladie, donner la date de la première constatation médicale (date à laquelle le diagnostic a été posé, ici il y a 4 mois) et de déterminer la durée des soins (avec ou sans arrêt de travail) prévisible. Le même certificat est utilisé pour la prolongation des soins, la fin des soins (guérison si absence de séquelles/consolidation si séquelles) et la rechute éventuelle.
À noter que dans notre exemple la patiente vérifie les conditions du tableau 57C, elle bénéficie donc de la présomption d’origine de la maladie. Les autres facteurs de risque de syndrome du canal carpien qu’elle pourrait avoir (par exemple un diabète non équilibré) ne seront donc pas un obstacle à sa reconnaissance en maladie professionnelle. La présomption d’origine n’existe cependant plus si les conditions du tableau ne sont pas toutes vérifiées, situations où les dossiers sont soumis à l’avis du CRRMP.
Faut-il contacter le médecin du travail ?
1. Roquelaure Y, Bodin J, Descatha A, Petit A. Troubles musculo-squelettiques liés au travail. Rev Prat 2018;68:84-9.
2. Anoma G. Comment reconnaître et déclarer un accident du travail ou une maladie professionnelle. Rev Prat 2016;62:177-84.
3. Ronzi Y, Petit A, Roquelaure Y. Affections de l’appareil locomoteur d’origine professionnelle. EMC – Appareil locomoteur 2016;11(2):1-15 [Article 15-918-A-20].
Dans cet article
- Un exemple d’observation
- Quelle prise en charge médicale spécifique ?
- Faut-il déclarer en maladie professionnelle ?
- Qui fait la déclaration en maladie professionnelle ?
- Comment rédiger le certificat médical initial en vue d’une déclaration en maladie professionnelle ?
- Faut-il contacter le médecin du travail ?