Médecine du travail. Première cause de maladies professionnelles, les troubles musculo-squelettiques sont des affections multifactorielles soumises à l’influence de facteurs psychosociaux et organisationnels dont la prise en compte ne doit pas être négligée dans l’approche préventive.
La dénomination « troubles musculo-squelettiques » liés au travail regroupe des affections douloureuses des tissus mous périarticulaires et des nerfs périphériques secondaires à une hypersollicitation d’origine professionnelle du membre supérieur. Cela concerne des affections codifiées médicalement (syndromes canalaires et tendinopathies à l’exclusion des causes inflammatoires générales, tumorales ou infectieuses) et des syndromes douloureux non spécifiques localisés (cervicalgies, scapulalgies, épicondylalgies) ou multiples.
Les principales affections cliniquement caractérisées sont le syndrome du canal carpien, les tendinopathies des muscles épicondyliens latéraux et les tendinopathies de la coiffe des rotateurs de l’épaule.1, 2 Il importe de distinguer les troubles musculo-squelettiques aigus et subaigus, d’évolution respectivement inférieure à 4 et 12 semaines et de pronostic généralement favorable, des troubles chroniques évoluant depuis plus de 3 mois et à risque élevé d’incapacité au travail prolongée en raison d’une réduction importante des capacités fonctionnelles.1, 2

Première cause de maladies professionnelles

Les troubles musculo-squelettiques sont le premier problème de santé au travail chez les travailleurs français et européens. Environ un salarié européen sur deux se plaint de douleur du cou, des épaules ou de lombalgies, et près d’un sur quatre déclare ressentir un stress lié au travail pendant la plus grande partie ou la totalité de son temps de travail (source Eurofound). Environ 13 % des travailleurs de la région des Pays de la Loire souffrent d’un trouble musculo-squelettique du membre supérieur diagnostiqué par leur médecin du travail, soit environ 120 000 travailleurs sur les 1,5 million que comprend cette région.3 Les données récentes de la cohorte Constances confirment la forte prévalence des troubles musculo-squelettiques chez les actifs.4
Les troubles musculo-squelettiques sont la première cause de maladies professionnelles en France (42 535 cas indemnisés en 2016 pour les salariés du régime général de la Sécurité sociale représentant près de 85 % des maladies professionnelles [source Cnamts]) et à l’origine d’un important absentéisme au travail et de coûts d’indemnisation élevés. Les coûts indirects pour les entreprises (baisse de la productivité et de la qualité, absentéisme, difficultés de recrutement, de reclassement des victimes, dégradation de l’image de l’entreprise…) sont considérables.
Les travailleurs les plus à risque de troubles musculo-squelettiques sont ceux exposés à des tâches répétitives réalisées sous contrainte de temps avec peu de marge de manœuvre : d’une part les ouvriers de l’industrie manufacturière ou agroalimentaire, de la construction et de l’agriculture, et d’autre part les employés peu qualifiés des services (agents de service, aides-soignantes, aides à domicile, caissières, etc.).3 Les travailleurs vieillissants sont particulièrement touchés alors que les contraintes professionnelles restent généralement fortes en fin de carrière chez les travailleurs manuels, entraînant des handicaps de situation difficilement surmontables malgré la construction de savoir-faire et de stratégies d’allègement des contraintes acquises avec l’expérience.3-5 Fait nouveau, des troubles musculo-squelettiques sont diagnostiqués par les médecins du travail chez des travailleurs jeunes cumulant emploi précaire et conditions de travail pénibles.3, 6

Des phénomènes complexes en lien avec le stress et l’organisation du travail

Les recherches récentes montrent l’influence des facteurs psychosociaux et organisationnels au travail sur l’hypersollicitation biomécanique des tissus périarticulaires. Ainsi, pour comprendre et prévenir les troubles musculo-squelettiques il est nécessaire de s’interroger sur les modes d’organisation de la production et du travail ainsi que sur les pratiques managériales (v. figure).

Facteurs liés à la situation de travail

Ces troubles sont des affections multifactorielles répondant au modèle des maladies liées au travail définies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme des « maladies pour lesquelles l’environnement de travail et la réalisation du travail contribuent de manière significative, mais non exhaustive, à leur étiologie multifactorielle »(v. tableau). Ainsi, certaines caractéristiques personnelles (âge, genre féminin, patrimoine génétique, phénotypes de collagène, variations anatomiques des muscles de la main, etc.) et médicales (obésité, diabète, rhumatisme inflammatoire, etc.) favorisent leur survenue.7 Cependant, si les femmes sont plus à risque de survenue de syndrome du canal carpien, il n’est pas toujours possible de faire la part de ce qui relève de possibles prédispositions physiologiques (anthropométrie, statut hormonal, etc.) ou d’une plus forte exposition aux facteurs de risque professionnels, tels que la répétitivité des gestes.8 Enfin, les caractéristiques individuelles ne sont pas ou peu modifiables par des actions de prévention en milieu de travail. Les activités physiques extraprofessionnelles (loisirs, tâches domestiques) peuvent être génératrices d’hypersollicitation biomécanique des tissus périarticulaires et de troubles musculo-squelettiques lorsqu’elles sont très intenses, comme chez le sportif. A contrario, elles sont source d’activation et d’entretien des tissus musculaires et squelettiques aux effets préventifs des troubles musculo-squelettiques chez les travailleurs sédentaires lorsqu’elles sont d’intensité adaptée.
Les études cliniques, biomécaniques et épidémiologiques montrent que les contraintes biomécaniques des situations de travail sont, en cas d’exposition intense et/ou prolongée, des déterminants majeurs de survenue de troubles musculo-squelettiques. Les modèles de risque sont différents selon les localisations par le poids relatif des facteurs biomécaniques et le type de posture de travail à risque. Les principaux facteurs de risque biomécaniques sont la répétitivité des gestes, l’intensité des efforts de préhension et de manipulation d’objets/dispositifs ou de manutention de charges, l’adoption répétitive ou soutenue de postures inconfortables des membres et du tronc et l’exposition aux vibrations transmises à la main ou au rachis (v. tableau).1, 2, 8-12 Il a été montré que l’astreinte biomécanique ne se résume pas aux mouvements répétitifs (source classique d’hypersollicitation) et qu’il est nécessaire de prendre aussi en considération l’hyposollicitation des muscles provoquée par le maintien très prolongé de postures de travail statiques lors des tâches requérant des gestes précis et une immobilisation posturale sans efforts importants (travaux sur écran ou sous binoculaire). Cependant, si le travail sur clavier ou tablette informatique entraîne une immobilité posturale responsable de myalgies cervicales ou scapulaires, il n’est pas observé d’excès de risque de syndrome du canal carpien.14 Compte tenu de l’usage croissant des outils numériques, la prévention de l’hyposollicitation biomécanique dans nombre de tâches bureautiques, par une activation musculaire régulière et une modification de l’organisation du travail, est, avec l’ergonomie des situations de travail et des instruments, un axe majeur de prévention dans le secteur tertiaire.

Facteurs psychosociaux

L’influence des facteurs psychosociaux au travail et de la dimension symbolique du geste dans la survenue ou la persistance des troubles musculo-squelettiques non spécifiques est également importante à considérer.
Le stress peut augmenter le risque d’apparition de troubles musculo-squelettiques par plusieurs mécanismes extrinsèques et intrinsèques. Les mécanismes extrinsèques du stress associent une perturbation du geste professionnel (gestes saccadés, par exemple) et une augmentation de la charge musculo-squelettique induite par la pression temporelle, l’intensification du travail, la diminution des temps de récupération et la diminution des coopérations dans le travail. Les réponses intrinsèques mettent en jeu quatre systèmes pouvant interagir avec le système musculo-squelettique : le système nerveux central, le système nerveux végétatif, le « système endocrine » et le système immunitaire.15-17
Activation du système nerveux central. Le stress, en activant le système nerveux central, accroît le niveau d’activité de la formation réticulée, laquelle à son tour augmente le tonus musculaire. L’élévation du tonus musculaire augmente la raideur musculaire et la charge musculo-squelettique des muscles et des tendons, et contribue ainsi à augmenter le risque de troubles musculo-squelettiques. Il a été montré expérimentalement que l’activité de la musculature de l’épaule augmente en cas d’exposition au stress psychosocial avec élévation de la charge statique scapulaire.1, 18 Une particularité de l’activation musculaire liée au stress psychosocial est sa longue durée comparativement à celle induite par l’activité physique. Cela explique qu’en ne permettant pas toujours aux sujets de se détendre afin de relâcher leurs muscles, le stress conduit à des activations musculaires très prolongées de faible intensité responsables de myalgies (trapézalgies, cervicalgies, lombalgies) chez les travailleurs sédentaires.
Activation de la voie catécholaminergique. Le stress active le système nerveux végétatif qui déclenche la sécrétion des catécholamines qui, par des mécanismes variés, réduisent la microcirculation musculaire et des tendons naturellement faiblement vascularisés. Cela entraîne une réduction d’apport de nutriments aux tendons entravant les processus d’autoréparation des microlésions des fibres tendineuses consécutives aux contraintes biomécaniques excessives et l’apparition plus précoce de la fatigue musculaire et de myalgies chroniques.16
Activation du cortex surrénalien. Le stress aigu active le système nerveux central qui, par l’intermédiaire de l’hypothalamus, active à son tour l’hypophyse, laquelle déclenche, entre autres, la libération de corticoïdes par la glande corticosurrénale pouvant perturber l’équilibre hydrominéral de l’organisme et conduire à une rétention hydrosodée accrue favorisant la survenue des syndromes canalaires par compression locale des nerfs par les tissus adjacents (tendons...) œdématiés. En cas de stress professionnel chronique, au contraire, une baisse de la production du cortisol ou une moindre sensibilité des récepteurs cellulaires au cortisol peuvent survenir ; cela abaisserait le seuil douloureux et favoriserait l’expression de plaintes musculo-squelettiques.
Activation de la sécrétion des cytokines. Le stress active le système nerveux central qui active à son tour la production/libération de cytokines pro-inflammatoires (facteur de nécrose tumorale alpha [TNF-α], interleukines 1 [IL-1] et 6 [IL-6]...) qui par des réactions en chaîne favoriseraient la survenue ou majoreraient les douleurs neuropathiques canalaires et les lésions inflammatoires tendineuses. Ces cytokines perturberaient également les mécanismes de réparation tissulaire des tendons.16, 19, 20 Les mécanismes physiopathologiques en réponse au stress chronique (modification de réponse au cortisol, sécrétion de cytokines pro-inflammatoires) agissent également sur l’hippocampe et les centres de sécrétion de la sérotonine.

Facteurs organisationnels

Les relations entre stress et troubles musculo-squelettiques soulignent l’importance de la dimension psychologique et symbolique de ces troubles, comme pour tous les phénomènes douloureux chroniques. Selon le modèle demande-autonomie au travail, l’association d’une forte pression psychologique avec une faible autonomie génère des situations de tension au travail augmentant le risque de troubles musculo-squelettiques, notamment lorsque les travailleurs manquent de soutien ou de reconnaissance de la part de leur hiérarchie. Plus récemment, il a été montré des liens entre ces troubles et les pratiques managériales favorisant le sentiment d’injustice, ainsi qu’avec le sens donné par les travailleurs au travail et à la qualité du travail, ce qui offre d’autres leviers d’intervention.2, 9-13, 21, 22 Ainsi, prévenir les troubles musculo-squelettiques nécessite de s’interroger sur le sens du travail et du geste professionnel ou geste de métier au-delà des sollicitations biomécaniques. Pour la clinique de l’activité, les troubles musculo-squelettiques surviennent lorsque les travailleurs ne peuvent plus déployer les gestes de métier dont ils sont l’auteur et doivent exécuter un mouvement imposé de l’extérieur sans possibilité de développement. Yves Clot parle alors de geste « empêché » qui est assimilable à une « hyposollicitation » des habiletés et compétences des travailleurs. En ce sens, l’organisation du travail peut être vue comme une ressource ou une contrainte, selon qu’elle permet ou non le déploiement des compétences et la réalisation dans sa plénitude du geste professionnel.23
Les études ergonomiques et épidémiologiques montrent que l’organisation du travail et les pratiques managériales sont des éléments clés pour la compréhension et la prévention des troubles musculo-squelettiques.24 En effet, l’organisation du travail (par exemple le travail à la chaîne) influence en cascade les conditions de réalisation du travail et les caractéristiques biomécaniques, psychosociales et organisationnelles des situations de travail auxquelles doivent faire face les travailleurs. Les pratiques managériales et la gestion des ressources humaines déterminent la qualité des relations de travail et les modalités d’évaluation du travail effectué. Comme l’organisation du travail elles influencent non seulement les contraintes des situations de travail, mais également les ressources individuelles et/ou collectives pour y faire face.
Les facteurs psychosociaux et organisationnels au travail jouent, conjointement avec les facteurs de susceptibilité individuelle et biomécaniques, un rôle pronostique. Ainsi, le profil évolutif des troubles musculo-squelettiques permet de distinguer deux catégories parmi les travailleurs en souffrant : ceux dont l’évolution sera rapidement favorable, et ceux, peu nombreux (5-10 %), qui risquent d’évoluer vers la chronicité des symptômes et l’incapacité prolongée au travail (arrêt de travail se prolongeant au-delà de 3 mois) pouvant conduire dans les formes les plus sévères à la désinsertion professionnelle.16, 25

Prévention : une nécessaire coordination des prises en charge

La prévention des troubles musculo-squelettiques s’inscrit réglementairement dans les obligations de l’employeur en matière de sécurité et de santé au travail en respectant les principes généraux de la prévention des risques professionnels. L’existence d’un faisceau de causes plutôt que d’une cause unique impose d’adopter une démarche globale d’évaluation des risques et de prévention de la santé au travail intégrant les trois niveaux de prévention :
– prévention primaire visant, par l’évaluation, la limitation et la substitution des situations à risque, à diminuer l’incidence des troubles musculo-squelettiques d’origine professionnelle ;
– prévention secondaire visant, par le repérage précoce et une surveillance adaptée des travailleurs souffrant de troubles musculo-squelettiques incluant les facteurs pronostiques de ces troubles, à limiter l’incapacité et le passage vers la chronicité ;
– prévention tertiaire visant, par des stratégies de prises en charge médico-socio-professionnelles coordonnées, à favoriser le retour et le maintien en emploi des travailleurs souffrant de troubles musculo-squelettiques chroniques en situation d’incapacité prolongée au travail.

Prévention primaire

Elle doit rester la priorité afin de limiter l’apparition de troubles musculo-squelettiques chez les travailleurs. Conformément aux principes généraux de la prévention et à la réglementation, elle repose sur des approches complémentaires visant en premier à réduire l’exposition aux facteurs de risque à la source dès la conception des situations de travail ou, à défaut, par des actions correctrices en fonction des données de l’évaluation des risques.26-28 Elle doit mobiliser l’ensemble des acteurs de l’entreprise selon une démarche globale, participative, et inscrite dans la durée et la vie de l’entreprise.
Les leviers d’action les plus classiques sont des mesures technico-organisationnelles (mécanisation, aides à la manutention, aménagement et adaptation des postes, adaptation des rythmes de travail…), si possible lors de l’achat ou de la conception des situations de travail, des équipements, machines et outils, etc., afin de limiter les expositions aux facteurs biomécaniques, tels que les gestes répétitifs et/ou en force, la manutention manuelle de charges ou les postures inconfortables des membres et du tronc. Néanmoins, si les interventions visant à « alléger la charge biomécanique » par des mesures techniques ont montré leur intérêt pour réduire l’exposition des travailleurs aux sollicitations physiques intenses et/ou répétitives,27, 28 les preuves scientifiques de leur efficacité pour réduire l’apparition de troubles musculo-squelettiques restent encore limitées.
En complément de la réduction des contraintes des situations de travail, certaines actions collectives de promotion de la santé trouvent leur place dans une politique de prévention primaire. Il s’agit tout d’abord d’apporter des connaissances minimales sur la physiologie de l’exercice, l’apprentissage des gestes et des techniques d’échauffement et d’assouplissement, ainsi que la pratique d’exercices physiques lors de la formation professionnelle. Cependant, leur efficacité est probablement limitée et elles ne dispensent pas d’une action sur les conditions de travail.29-32 La formation professionnelle des travailleurs est ici un levier négligé : les travailleurs les plus à risque de troubles musculo-squelettiques dans l’industrie en sont trop souvent exclus.

Prévention secondaire et tertiaire

Compte tenu de la forte prévalence des troubles musculo-squelettiques chez les travailleurs de l’industrie, la prévention doit intégrer le dépistage et la prise en charge précoce des travailleurs souffrant de ces troubles et mettre en œuvre des actions favorisant le retour précoce au travail en cas d’incapacité temporaire de travail et, in fine, le maintien en emploi. La prévention tertiaire des troubles musculo-squelettiques est complémentaire des interventions de prévention primaire/secondaire, puisque la diminution de l’incidence des troubles et le dépistage précoce des sujets à risque de chronicité sont des composantes majeures d’une intervention visant à réduire le nombre de travailleurs incapacités et à haut risque de désinsertion professionnelle. Contrairement aux idées reçues, il a été démontré qu’en cas d’arrêt de travail, la reprise progressive et précoce du travail sur un poste adapté ergonomiquement a un effet thérapeutique durable sur l’incapacité liée aux troubles musculo-squelettiques.25, 33 La prise en charge doit être à la fois médicale et professionnelle, et tenir compte de l’évaluation de la situation médicale, sociale et professionnelle des travailleurs concernés.34
Point important de la démarche de prévention de l’incapacité, le travailleur doit rester au cœur de la problématique sans déconnecter son activité de travail passée et future de la prise en charge médico-sociale. Il s’agit d’un défi car le travailleur en arrêt de travail relève le plus souvent de la filière de soins sans lien avec les entreprises et les acteurs de la prévention des risques professionnels. Le partage des informations en vue d’une représentation partagée de la situation biopsychosociale et professionnelle du travailleur et la coordination des intervenants en vue d’une harmonisation des pratiques favorisent l’efficacité des actions concertées, médicales et professionnelles. Les niveaux de preuve de leur efficacité restent encore limités pour les troubles musculo-squelettiques des membres supérieurs26, 29, 31 en raison d’un nombre insuffisant d’études de bonne qualité méthodologique.

Les troubles musculo-squelettiques représentent l’une des questions les plus préoccupantes en santé au travail du fait d’un coût humain et socioprofessionnel considérable. Il est à craindre que l’épidémie de ces troubles continue à se développer dans les années à venir en raison de l’intensification des conditions de travail dans le contexte actuel de compétition économique et de l’avancée en âge de la population active.
Leur prévention nécessite de prendre en considération non seulement les facteurs biomécaniques mais aussi les facteurs psychosociaux et organisationnels au travail. Plus généralement, prévenir les troubles musculo-squelettiques et maintenir les travailleurs en souffrance en emploi imposent une réflexion sur les conditions d’un travail soutenable tout au long de la vie professionnelle. Cela nécessite une forte mobilisation de l’ensemble des acteurs de la prévention des risques professionnels (entreprises, partenaires sociaux, pouvoirs publics, services de santé au travail) et de la médecine de soins et de réadaptation, ainsi que la mise en place d’une politique structurée et coordonnée de prévention. Elle requiert une réflexion non seulement populationnelle de type santé publique pour définir la stratégie de prévention mais aussi ergonomique pour la mettre en œuvre en fonction des spécificités des entreprises et situations de travail concernées. Une telle articulation santé publique/santé au travail est conforme avec le Plan d’action mondial pour la santé des travailleurs de l’OMS, qui propose une politique globale de prévention associant des interventions de santé publique (promotion de la santé) et de santé au travail.
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Résumé

Les troubles musculo-squelettiques du membre supérieur regroupent des affections douloureuses en lien avec l’hypersollicitation des tissus mous périarticulaires. Les principaux sont les tendinopathies de la coiffe des rotateurs de l’épaule, les épicondylalgies, le syndrome du canal carpien et les syndromes douloureux non spécifiques. Ils affectent des millions de travailleurs européens et représentent le premier problème de santé au travail dans l’Union européenne. Ils témoignent de l’intensification des conditions de travail qui affecte un nombre croissant de travailleurs de l’industrie et des services. Leur répercussion en termes de souffrance et d’interruption des parcours professionnels, mais aussi de coûts économiques, en font une priorité de santé au travail. Les troubles musculo-squelettiques sont des maladies multifactorielles faisant intervenir des facteurs de susceptibilité individuelle et des facteurs professionnels, non seulement biomécaniques mais aussi psychosociaux et organisationnels au travail. Leur prévention nécessite une approche globale et intégrée, privilégiant la réduction des risques à la source par une action en milieu de travail, le dépistage et la prise en charge précoce des travailleurs et, si nécessaire, une intervention de maintien en emploi.