Une manifestation oculaire peut révéler une urgence neurologique ou neurovasculaire. L’objectif est alors d’optimiser la prise en charge en neurologie ou en radiologie interventionnelle, sans passage superflu auprès de l’ophtalmologiste. Quels sont les sept tableaux à connaître en MG ? Le point avec le Dr Jean-Louis Bourges.

Il faut savoir reconnaître une urgence neurologique ou neurovasculaire dans sa manifestation oculaire (figure et encadré). Sept tableaux méritent ainsi d’être repérés.

Pupilles de taille différente : l’anisocorie

Une anisocorie n’est jamais anodine ; il faut en identifier rapidement l’origine. Deux règles simples permettent d’identifier le côté et le niveau de l’atteinte (encadré). Une pupille peut ne réagir qu’incomplètement ou trop lentement comparée à l’autre côté. Ce peut être fugace, et il faut croire le patient sur parole.

Ptosis, myosis et céphalées et/ou douleurs cervicales

Le syndrome de Claude-Bernard-Horner (CBH) douloureux doit faire penser à une dissection carotidienne homolatérale. Attention, le syndrome de CBH peut être fruste ou fugace, particulièrement pour le ptosis (le myosis l’est moins). Il faut le rechercher à l’obscurité pour ne pas le méconnaître. En cas de doute, une angio-IRM doit être réalisée en urgence.

Trouble de la vigilance, regard asynergique, mydriase bilatérale

Ce tableau rare constitue un syndrome de Parinaud. Le trouble de la vigilance interpelle ; de même, le regard anormal inhabituel d’allure détachée, voire méprisante (paupières demi-fermées papillonnant un peu) et la mydriase conjointe alertent. Il s’agit de la conséquence d’une compression du tronc cérébral par engagement temporal. Le pronostic vital est engagé à très court terme. Il faut alors maintenir une position proclive permanente et gérer une hypertension intracrânienne aiguë en urgence.

Claudication de la mâchoire, hyperesthésie cutanée du cuir chevelu temporal

Un patient de plus de 55 ans ayant des difficultés de mastication et une hyperesthésie cutanée du cuir chevelu temporal (signe du peigne) est suspect d’être atteint d’une maladie de Horton. Cette dernière se révèle régulièrement par une névrite optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA), avec baisse de l’acuité visuelle (BAV) totale unilatérale, brutale et irréversible. Il ne faut pas l’attendre mais doser la CRP sanguine en urgence, sur une voie veineuse périphérique laissée en place. Si l’état général du patient le permet, un bolus de corticoïde est administré, avant même le résultat du bilan sanguin en cas de NOIAA constituée d’un côté. La survenue de l’ischémie d’un territoire neurocentral ou de la tête du nerf optique controlatéral en suraccident consécutif serait en effet responsable de cécité totale et définitive.

Trouble de la vigilance, hyperthermie, nystagmus

Il se peut que des céphalées complètent cette triade de trouble de vigilance, hyperthermie et nystagmus atypique (saccades dans tous les sens, d’amplitude inégale, non permanentes). Si le patient est en âge de s’exprimer, il peut décrire une oscillopsie – perception d’une vision hors de contrôle qui oscille en tous sens. Il faut évoquer une méningo-encéphalite et mettre en œuvre une prise en charge adaptée. Les deux causes les plus fréquentes sont infectieuse et toxique.

Dysarthrie et diplopie

Désormais exceptionnel, le botulisme est la cause qui associe dysarthrie, dysphonie et diplopie. Une mydriase bilatérale alerte. L’intoxication est confirmée par l’anamnèse orientée. Une intoxication massive est possible (eau, restauration industrielle, acte terroriste). La prise en charge rapide et adaptée par immunoglobulines antibotuliques heptavalentes prévient l’arrêt cardiorespiratoire brutal par tachycardie sinusale.

Salivation et myosis

Une intoxication par un agent neurotoxique peut être aussi révélée par une anomalie pupillaire. L’association de salivation, transpiration inappropriée et myosis fait évoquer une intoxication cholinergique. Le syndrome cholinergique peut se compléter d’autres signes fonctionnels : dyspnée, nausées, diarrhée, dysthymie. L’antidote évidente est l’atropine (0,5 mg toutes les 4 heures, tant que les symptômes persistent).

Encadre

Règles pour l’examen pupillaire

Règle 1 : le côté atteint est celui de la pupille la moins réactive.

Règle 2 : si la pupille ne se dilate pas à l’obscurité, c’est un myosis. Si elle ne se resserre pas à la lumière, c’est une mydriase.

Règle 3 : en l’absence de myosis à la lumière mais avec un réflexe de myosis consensuel conservé, la pupille éclairée de l’œil atteint reste en mydriase, restaure plus vite sa mydriase ou se resserre moins, l’origine est neurologique périphérique (par argument de fréquence : atteinte du nerf optique préchiasmatique). Cela s’appelle un déficit pupillaire afférent relatif.

Règle 3 bis : en cas d’absence totale de myosis à la lumière et de réflexe de myosis consensuel, l’œil ne perçoit pas la lumière car il dysfonctionne (ne voit pas à cause de sa rétine ou de son nerf optique, si l’iris lui-même est supposé normalement fonctionnel bien sûr).

D’après
Bourges JL. Drapeaux rouges en ophtalmologie.  Rev Prat Med Gen 2023;37(1075);127-32.