L’anaphylaxie est une réaction allergique sévère et immédiate vis-à-vis d’un allergène donné pouvant mettre en péril la vie du patient. Elle nécessite une prise une charge immédiate par une injection d’adrénaline en intramusculaire.
L’incidence de l’anaphylaxie est de 50 à 112 cas pour 100 000 habitants par an dans le monde.1
En France, une étude rétrospective de 1979 à 2011 a recensé 1 603 cas d’anaphylaxies mortelles, dont 97,6 % chez l’adulte et 2,4 % chez l’enfant.2 Les médicaments sont les allergènes majoritairement responsables, et les plus fréquents sont les antibiotiques. Selon l’étude de Wood et al., la fréquence des allergènes responsables est évaluée à 34 % pour les médicaments, 31 % pour les aliments et 20 % pour les venins d’hyménoptères.3
Or un patient sur deux n’a pas de prescription d’adrénaline après une anaphylaxie. L’adrénaline est utilisée dans moins d’un tiers des anaphylaxies en ville et dans moins de 20 % aux urgences, contrairement aux antihistaminiques et corticoïdes, qui ne font pourtant pas partie du traitement de l’anaphylaxie.4,5
La compréhension des mécanismes physiopathologiques de l’anaphylaxie et de l’utilisation salvatrice de l’adrénaline pour le patient, son entourage et le milieu médical peut donc aider à améliorer ces chiffres.3
Qu’est-ce que l’anaphylaxie ?
Il s’agit de la réaction allergique immédiate la plus sévère. Elle est probable dans trois situations cliniques :
- survenue d’une atteinte cutanéomuqueuse aiguë en quelques minutes ou en quelques heures (éruption généralisée, prurit, flush, œdème des lèvres, de la langue et/ou de la luette), associée à au moins un de ces éléments :
– atteinte respiratoire (dyspnée, bronchospasme, hypoxémie, stridor, diminution du débit expiratoire de pointe) ;
– hypotension artérielle ou signe de mauvaise perfusion d’organe (syncope, collapsus, hypotonie, incontinence) ;
- apparition rapide d’au moins deux des éléments suivants, après exposition à un allergène :
– atteinte cutanéomuqueuse ;
– atteinte respiratoire ;
– hypotension artérielle ou signe de mauvaise perfusion d’organe ;
– signes gastro-intestinaux persistants (douleurs abdominales, vomissements, diarrhée aiguë) ;
- hypotension artérielle, après exposition à un allergène :6
– de 1 mois à 1 an : pression artérielle systolique (PAS) < 70 mmHg ;
– de 1 à 10 ans : PAS < 70 mmHg + (2 × âge) ;
– de 11 à 17 ans : PAS < 90 mmHg ;
– adultes : PAS < 90 mmHg ou inférieure de 30 % par rapport à la valeur habituelle.
Qui est concerné par la prescription d’une trousse d’urgence ?
Face à une réaction anaphylaxique, le traitement doit être rapide pour éviter l’issue fatale ; il doit précéder l’appel au SAMU. L’utilisation de la trousse d’urgence doit être expliquée au patient et à son entourage lors de la prescription et à chaque renouvellement.
Indications absolues
Une trousse d’urgence doit être prescrite dans les cas suivants :
- antécédent d’anaphylaxie d’origine alimentaire, aux venins d’hyménoptères, au latex ;
- anaphylaxie induite par l’effort ;
- mastocytose avec antécédent d’anaphylaxie ;
- allergie alimentaire (sans anaphylaxie) avec asthme modéré non contrôlé ou sévère.
Indications relatives
La prescription d’une trousse d’urgence est discutée en cas d’allergie alimentaire (sans anaphylaxie) avec un seuil de réactivité faible (traces) ou en cas d’éloignement d’un centre hospitalier.
La trousse d’urgence est aussi prescrite et renouvelée pour l’école, dans le cadre des projets d’accueil individualisé (PAI) pour les enfants ayant des allergies alimentaires et/ou aux venins d’hyménoptères.
Que doit contenir une trousse d’urgence ?
Adrénaline sous forme de stylos auto-injecteurs (vendus par deux en officine) et bronchodilatateurs d’action rapide sont les deux médicaments indispensables. Attention : antihistaminiques et corticoïdes ne sont pas des traitements de la réaction anaphylactique.
Adrénaline
En cas de réaction d’anaphylaxie, l’adrénaline doit être administrée rapidement en intramusculaire par le patient ou son entourage AVANT l’appel au SAMU (encadré 1).
Il n’y a aucune contre-indication absolue à l’utilisation d’adrénaline lors d’une anaphylaxie, y compris en cas de grossesse, chez les personnes âgées ou en cas de comorbidités cardiovasculaires associées.
Mécanisme d’action
L’adrénaline est un sympathomimétique à action directe. L’effet α‑adrénergique agoniste est vasoconstricteur. Il réduit l’œdème à l’origine de l’obstruction des voies aériennes et augmente les résistances vasculaires périphériques. L’effet β1‑adrénergique agoniste est inotrope et chronotrope positif. L’effet β2‑adrénergique agoniste est bronchodilatateur. Il bloque l’activation mastocytaire, réduisant la libération des médiateurs de l’anaphylaxie.7
Stylos auto-injecteurs
Il existe quatre stylos auto-injecteurs d’adrénaline en France, avec trois concentrations différentes : Anapen, Jext, Epipen et Emerade. Ces stylos auto-injecteurs se conservent à température ambiante et doivent rester à proximité du patient.
Leur utilisation est expliquée au patient et à son entourage ; ce n’est pas un acte médical, l’injection peut être réalisée par tous (encadré 2).
Posologie
L’adrénaline doit être administrée le plus rapidement possible pour éviter au patient le risque d’anaphylaxie mortelle.8 Les doses dépendent du poids du patient (tableau).
Administration intramusculaire en ville
L’adrénaline est injectée en intramusculaire, idéalement à la face antéro-latérale de la cuisse à son tiers moyen (figure), même à travers le vêtement si besoin et y compris pour les patients traités par antithrombotiques.
L’injection d’adrénaline est efficace, rapide et bien tolérée, même chez l’enfant. Elle peut être renouvelée après cinq à dix minutes en cas d’aggravation des symptômes ou de réponse clinique insuffisante.
Après l’injection d’adrénaline en intra-musculaire, le patient est placé en fonction de son état :
- en position allongée sur le dos s’il est conscient ;
- en position semi-assise en cas de gêne respiratoire ;
- en position latérale de sécurité en cas de trouble de la conscience.
L’administration d’adrénaline en intraveineux est réalisée uniquement en milieu hospitalier car elle nécessite une surveillance tensionnelle, de la fréquence cardiaque et de la saturation en oxygène par une équipe entraînée en réanimation.
L’adrénaline en aérosol peut être proposée en cas d’anaphylaxie avec atteinte des voies aériennes supérieures, en milieu hospitalier, en complément de la voie intramusculaire.
Bronchodilatateurs d’action rapide
En cas de bronchospasme avéré, des bronchodilatateurs de courte durée d’action sont prescrits en complément de l’adrénaline en intramusculaire. Les plus utilisés sont le salbutamol (Airomir ou Ventoline) et la terbutaline (Bricanyl). Ils peuvent être prescrits avec ou sans chambre d’inhalation, voire par aérosol. Ils agissent rapidement, en quelques minutes.
Peu de place pour les corticoïdes et les antihistaminiques
Ni les corticoïdes ni les antihistaminiques ne constituent le traitement d’urgence de l’anaphylaxie.
Les corticoïdes n’ont pas d’action immédiate. Néanmoins, ils peuvent être prescrits en complément de l’injection d’adrénaline en intramusculaire en cas de réaction biphasique (récidive des symptômes après une évolution favorable).
Les antihistaminiques peuvent être prescrits pour le traitement des atteintes cutanéomuqueuses en complément de l’injection d’adrénaline en intramusculaire.9
Modalités de renouvellement et de conservation
La trousse d’urgence est à conserver dans un lieu connu de tous (équipe scolaire pour l’école, famille et entourage à la maison), à température ambiante.
Il est important de vérifier les dates de péremption et de renouveler l’adrénaline (et le bronchodilatateur d’action rapide si besoin) tous les douze à vingt-quatre mois. Une surveillance de l’aspect du liquide via la fenêtre présente sur le stylo est nécessaire : un liquide trouble traduit une altération du médicament et nécessite de le renouveler.
À chaque renouvellement, les indications et modalités d’utilisation de la trousse d’urgence sont à réexpliquer au patient avec une démonstration à l’aide d’un stylo fictif (« trainer »).
1. Stylo auto-injecteur d’adrénaline : consignes à donner au patient
- L’injection peut être réalisée à travers le pantalon.
- Son efficacité est rapide.
- Elle doit être réalisée AVANT d’appeler le SAMU.
- Il est indispensable d’appeler le SAMU, même en cas d’amélioration des symptômes.
- Si possible, une surveillance par une autre personne doit être maintenue jusqu’à l’arrivée de l’assistance.
2. Utilisation des stylos auto-injecteurs : vidéos de démonstration
- Anapen : https ://vu.fr/sAlA
- Jext : https ://vu.fr/bLKg
- Epipen : https ://vu.fr/knlg
- Emerade : https ://vu.fr/yrfE
2. Pouessel G, Claverie C, Labreuche J, et al. Fatal anaphylaxis in France: Analysis of national anaphylaxis data, 1979-2011. J Allergy Clin Immunol 2017;140(2):610-612.e2.
3. Wood RA, Camargo JR, Libierman P, et al. Anaphylaxis in America: the prevalence and characteristics of anaphylaxis in the United States. J Allergy Clin Immunol 2014;133(2):461-7.
4. Worm M, Moneret-Vautrin A, Scherer K, et al. First European data from the network of severe allergic reactions (NORA). Allergy 2014;69(10):1397-404.
5. Grabenhenrich L, Dolle S, Rueff F, et al. Epinephrin in severe allergic reactions. J Allergy Clin Immunol Pract 2018;6(6):1898-906.e1.
6. Sampson H, Munoz-Furlong A, Campell R, et al. Second symposium on the definition of anaphylaxis. J Allergy Clin Immunol 2006;117(2):391-7.
7. Simons FE, Ardusso LR, Bilò MB, et al. World allergy organization guidelines for the assessment and management of anaphylaxis. World Allergy Organ J 2011;4(2):13-37.
8. Simons FE, Ebisawa M, Sanchez-Borges M, et al. 2015 update of the evidence base: World Allergy Organization anaphylaxis guidelines. World Allergy Organ J 2015;8(1):32.
9. Gloaguen A, Cesareo E, Vaux J, et al. Prise en charge de l’anaphylaxie en médecine d’urgence. Ann Fr Med Urgence 2016;6:342-64.