objectifs
Connaître les populations à risque de tuberculose et l’épidémiologie de la résistance du BK.
Connaître les indications et savoir interpréter une IDR à la tuberculine, un test interféron gamma.
Diagnostiquer une primo-infection tuberculeuse, une tuberculose dans ses différentes localisations et chez l’immunodéprimé.
Connaître les principes du traitement d’une tuberculose dans ses différentes localisations, et de sa surveillance, notamment de l’observance.
Connaître les mesures de prévention à appliquer dans l’entourage d’un patient atteint de tuberculose.

Définir le sujet

La tuberculose (TB) est une maladie, à savoir l’ensemble des symptômes, signes cliniques ou anomalies paracliniques secondaires à la présence de bacilles tuberculeux dans l’organisme et aux réactions immunitaires à ces bactéries − des mycobactéries du groupe tuberculosis (Mycobacterium tuberculosis, africanum ou bovis).
L’infection tuberculeuse latente (ITL) est définie par la présence de bacilles tuberculeux mais sans symptôme et avec une imagerie (thoracique) normale. Elle précède le développement d’une tuberculose. C’est un état instable plus ou moins durable, durant lequel les bacilles tuberculeux sont temporairement contrôlés par le système immunitaire. Ces sujets ne sont pas contagieux.

Connaître les modes de transmission des bacilles tuberculeux et de progression vers la tuberculose

Les trois quarts des tuberculoses sont pulmonaires.
La transmission des bacilles tuberculeux est essentiellement aéroportée, donc à partir d’une forme respiratoire de la tuberculose (pulmonaire, bronchique, ORL ou pleuro-pulmonaire). Elle est effectuée par des particules de sécrétions respiratoires contenant des bacilles tuberculeux (diamètre : 2 à 4 mm) déshydratées dans l’air ambiant, devenant ainsi des résidus de condensation (« droplets nuclei ») et réalisant un aérosol infectieux à proximité d’un malade (dénommé « cas index » dans la suite d’une chaîne de transmission des bacilles tuberculeux). Ces particules infectantes restent en suspension et sont viables plusieurs heures après leur émission. Elles sont donc potentiellement inhalées par les personnes fréquentant le malade, dénommées « sujets contacts ».
Le risque d’inhaler ces particules dépend :
  • de la contagiosité du patient (examen microscopique positif ; toux fréquente ; excavations radiographiques ; manœuvres médicales telles que la kinésithérapie respiratoire, les intubation/extubation trachéale et la bronchofibroscopie) ;
  • de la durée, de la proximité et du confinement des contacts.
En cas d’inhalation, une infection durable peut s’établir, d’abord une infection tuberculeuse latente puis facultativement (10 % des infections tuberculeuses latentes chez l’adulte non vacciné et immunocompétent) une tuberculose, le plus souvent dans les deux années suivant l’infection. Dans certains cas, la tuberculose suit rapidement l’infection initiale (enfants, immunodéprimés). Les facteurs aggravant la proportion des progressions vers la tuberculose sont :
  • l’immunodépression (VIH, anti-TNFa, greffe d’organes, cortico­thérapie systémique) ;
  • certains cancers notamment sous chimiothérapie ; les anté­cédents de résection digestive (gastrectomie, by-pass) ; la sili­cose ; l’insuffisance rénale ; le diabète ; un déficit pondéral ;
  • le tabagisme ;
  • un âge ≤ 5 ans.
Les territoires atteints et vus en imagerie sont d’abord les bronchioles terminales, puis les alvéoles et moins souvent les bronches plus proximales ; de là, les ganglions médiastinaux sont atteints et facultativement d’autres organes (voire tous en cas de miliaire) par voie hématogène.
D’autres modes de transmission plus rares ont été décrits (transplantation d’un organe infecté, blessure par instrument chirurgical contaminé, ingestion de lait non traité d’animaux d’élevage malades – en général par Mycobacterium bovis – souffrant d’une localisation mammaire).

Connaître les populations à risque de tuberculose

Ce sont les personnes ayant été exposées à un malade atteint de tuberculose contagieuse. Les populations à forte incidence de tuberculose sont par conséquent :
  • les sujets contacts de malades contagieux ;
  • les personnes régulièrement exposées à de tels sujets (le sachant ou non) : personnes migrantes de pays à forte incidence, soignants, travailleurs sociaux, personnes sans domicile ou en foyers d’hébergement social ;
  • et les personnes porteuses d’un facteur de risque de progression vers la tuberculose si elles s’infectent : atteintes du VIH, dialysés rénaux, autres comorbidités (v. paragraphe précédent).

Populations à risque de tuberculose à bacilles pharmacorésistants

Il peut s’agir d’une monorésistance ou d’une « plurirésistance » (hors « multirésistance » ci-après). On définit la multirésistance (« MDR-TB ») comme celle à l’isoniazide et à la rifampicine ± associée à d’autres résistances. La résistance étendue (« XDR TB ») est une multirésistance avec, de plus, résistance aux fluoroquinolones et injectables (aminosides).
On peut suspecter une résistance aux antituberculeux chez les personnes :
  • dont le traitement a été incomplet, favorisant l’émergence de résistance au cours de leur traitement (résistance dite « primaire » ou « chez un sujet non traité antérieurement ») ;
  • ou qui ont côtoyé un patient atteint de tuberculose contagieuse à bacilles résistants ;
  • ou qui ont vécu dans un pays de forte prévalence de résistances (Fédération de Russie et Europe de l’Est, Inde et Chine, certains pays d’Afrique subsaharienne, notamment l’Afrique du Sud) ;
  • ou dont l’évolution n’est pas favorable malgré un traitement standard bien suivi ;
  • ou qui rechutent malgré un premier traitement.
Chez de tels patients, une analyse génotypique des résistances est réalisée ainsi qu’un antibiogramme détaillé des antibiotiques de première et deuxième ligne dont le résultat parvient plus tard, afin de commencer un traitement sur mesure. Un avis spécialisé dans ce domaine est requis.

Diagnostiquer une infection tuberculeuse latente

Le diagnostic d’infection tuberculeuse latente (anciennement dénommée « primo-infection ») est utile et recommandé dans certaines situations, afin de la traiter préventivement si elle est détectée :
  • chez les sujets contacts* ;
  • à l’embauche et dans le suivi des soignants exposés à des cas de tuberculose contagieuse* ;
  • chez les sujets immunodéprimés (VIH) ou devant l’être (avant biothérapie de type anti-TNFa) ;
  • chez les enfants avant la vaccination par le bacille de Calmette et Guérin (BCG) ;
  • chez les migrants âgés de moins de 15 ans et provenant d’un pays de forte incidence.
Le diagnostic d’infection tuberculeuse latente repose sur un immunodiagnostic. Les immunodiagnostics disponibles sont :
  • l’IDR (Tubertest) : injection intradermique de 0,1 mL de tuberculine, lecture du résultat (en mm d’induration, ± phlyctène) à la 72e heure ;
  • et les tests de détection de l’interféron gamma (Quantiferon TB Plus ; T-Spot TB) : sur prise de sang, évaluation in vitro quantitative de la production d’IFN-g par les lymphocytes du sujet.
Tout immunodiagnostic est une approche indirecte, il n’existe pas de test étalon à la fois totalement sensible et spécifique auquel le comparer. Sa valeur prédictive positive ou négative dépend respectivement de sa spécificité ou sensibilité et de la prévalence de l’infection tuberculeuse latente ou de son inverse dans la population testée. Les tests de détection de l’interféron gamma ne sont pas positivés par une vaccination antérieure par le BCG contrairement à l’IDR, ce qui leur confère une spécificité plus élevée chez un vacciné. Les immunodiagnostics peuvent être faussement négatifs en cas d’immunodépression ou de tuberculose. Un immunodiagnostic positif ne fait pas la différence entre une tuberculose et une infection tuberculeuse latente, ni entre une infection ancienne ou récente. Les tests de détection de l’interféron gamma sont, comme l’IDR, des tests quantitatifs dont les fluctuations autour de leur valeur seuil sont fréquentes. Pour toutes ces raisons, leur résultat doit être interprété dans le contexte clinique.
En pratique, le diagnostic d’infection tuberculeuse latente est porté (dans un contexte de probabilité d’infection ci-dessus) par l’IDR si l’induration cutanée obtenue est ≥ 10 mm en l’absence de BCG antérieur, > 15 mm ou phlycténulaire quel que soit l’anté­cédent de BCG, si l’IDR augmente d’au moins 10 mm ou se positive devenant ≥ 10 mm par comparaison avec un test précédent (sans vaccination BCG depuis le test précédent) ; chez les immuno­déprimés, on retient le seuil de 5 mm seulement. Ce diagnostic est porté sur un test de détection de l’interféron gamma répondu positif (≥ 0,35 UI/mL d’interféron pour Quantiferon ou ≥ 6 spots pour T-Spot). Devant un immunodiagnostic positif, on doit formellement éliminer une tuberculose avant de porter le diagnostic d’infection tuberculeuse latente.
Les immunodiagnostics sont peu contributifs au diagnostic de tuberculose maladie (v. infra).

Traiter une infection tuberculeuse latente

Pour déterminer le rapport bénéfice-risque, un avis spécialisé est souhaitable (sujets contacts, enfants de moins de 15 ans, patients immunodéprimés, avant anti-TNF).
Le traitement d’une infection tuberculeuse latente (dit aussi « chimioprophylaxie ») fait appel à une bithérapie par isoniazide et rifampicine durant 3 mois ou à une monothérapie par isoniazide durant 6 à 9 mois, si les bacilles du cas index sont (présumés) sensibles à ces antibiotiques.
Les interactions, les effets indésirables et la surveillance sont les mêmes que ceux des traitements curatifs correspondants (v. infra).
Il ne s’agit pas d’une affection de longue durée (ALD) mais potentiellement d’une maladie professionnelle chez les professionnels socio-sanitaires et des laboratoires. Les infections tuber­culeuses latentes des moins de 15 ans sont des « maladies » à déclaration obligatoire comme les tuberculoses.

Diagnostiquer une tuberculose

En France, le délai entre le premier symptôme et la mise sous traitement est d’environ 3 mois.

Présomption diagnostique

Le diagnostic est présumé sur 5 types d’arguments :
  • le contexte épidémiologique (v. supra Populations à risque) ;
  • les symptômes qui ne sont pas spécifiques ni simultanément présents, qu’ils soient généraux ou émanent d’un organe. Ils sont durables et s’aggravent progressivement. On constate une fièvre vespérale, des sueurs nocturnes, un amaigrissement, une asthénie. En cas d’atteinte pulmonaire, on relève une toux, une expectoration éventuellement hémoptoïque, une dyspnée selon l’étendue de la maladie et une douleur thora­cique en cas d’atteinte pleurale associée ; l’auscultation est habituellement pauvre. Les pleurésies tuberculeuses sérofibrineuses sont dues à la proximité ou rupture de microfoyers pulmonaires, leur évolution est subaiguë ; toutefois, des pyopneumothorax plus bruyants sont possibles par rupture d’une excavation pulmonaire dans la cavité pleurale. Tout organe peut être atteint par la tuberculose, il en résulte des symptômes variés. Les pneumonies tuberculeuses sont trompeuses, d’évolution aiguë, comme une pneumonie franche lobaire aiguë pneumococcique ou bien subaiguë. Les miliaires sont des formes graves, l’atteinte de l’état général est marquée, elles peuvent évoluer vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë, et les atteintes simultanées d’autres organes sont fréquentes. Les formes méningées associent à des degrés divers des céphalées, des troubles cognitifs et un déficit des nerfs crâniens (méningite basilaire). Les localisations rachidiennes (spondylodiscites) peuvent occasionner des compressions médullaires ou radiculaires. Les localisations urinaires sont volontiers silencieuses et provoquent des cavernes rénales ou des sténoses des voies urinaires. Les loca­lisations génitales ont un pronostic réservé sur la fertilité, notamment chez la femme.
Chez l’enfant, l’aspect varie en fonction de l’âge (formes généralisées congénitales ou avant 2 ans ; miliaires et méningo-encéphalites ; formes ganglionnaires intrathoraciques dans la petite enfance ; puis forme « adulte » dans la grande enfance et l’adolescence) ;
  • une imagerie anormale : en cas d’atteinte pulmonaire, la tomodensitométrie (TDM) est plus sensible et analytique que la radiographie standard. Les lésions élémentaires potentiellement associées sont les suivantes (v. Focus) : atteinte des bronchioles terminales (micronodules bronchiolaires centrolobulaires regroupés en « arbre en bourgeons ») ; bronchocèles ; comblement alvéolaire (nodules acinaires à contours mal limités confluents en rosettes acinaires puis en masses pseudo-tumorales ultérieurement excavées [images cavitaires à bords épais en général sans niveau hydro-aérique]) ; plus rarement images pneumoniques ; atténuations en verre dépoli. Les adénopathies médiastinales sont facultatives (à centre nécrotique). Des formes pneumoniques sont possibles. Une topographie des segments apico-postérieurs des lobes supérieurs et des segments apicaux des lobes inférieurs est classique. Le tuberculome est une lésion nodulaire ± calcifiée, à bords bien limités, facilement confondu avec un cancer ou une tumeur bénigne. La forme miliaire (hématogène) provoque des micronodules pulmonaires disséminés de répartition aléatoire. Chez l’enfant, l’analyse de la radiographie standard est plus difficile : les adénopathies sont prédominantes, provoquant des troubles de ventilation par compression bronchique ou des fistules ganglio-bronchiques ; les miliaires et les méningo-encéphalites sont à craindre chez les plus petits. L’imagerie est la plaque tournante du diagnostic : toute erreur d’interprétation retarde le diagnostic, la mise sous traitement ou les précautions complémentaires air en milieu de soins. La radiographie thoracique est l’examen-clef du dépistage a priori de la tuberculose pulmonaire dans les populations à risque. La radiographie peut être anormale avant les symptômes (dépistage) ;
  • une anatomopathologie évocatrice sur biopsie d’organe : inflammation granulomateuse à cellules géantes avec nécrose caséeuse. Une coloration de Ziehl positive renforce la présomption de tuberculose. Lors des pleurésies, un exsudat lymphocytaire est habituel mais non spécifique ;
  • (un immunodiagnostic positif. Cet argument est le plus faible, car sa sensibilité est insuffisante dans la tuberculose, réciproquement un test positif peut témoigner d’une infection tuberculeuse latente parallèlement à un autre diagnostic pulmonaire comme un cancer. Il est une aide dans les formes pauci­bacillaires comme chez l’enfant, ou dans les formes extra- respiratoires).

Certitude diagnostique

Le diagnostic est fondé sur la mise en évidence de bacilles tuberculeux dans un prélèvement respiratoire ou sur une biopsie. En effet, les diagnostics différentiels sont nombreux (± associés à la tuberculose), et l’analyse bactériologique fournit de plus un antibiogramme :
  • les prélèvements respiratoires sont 3 expectorations lors de jours différents (à condition que le malade crache et ne fournisse pas de la simple salive) ; en cas d’impossibilité ou de négativité de l’examen microscopique, on a recours à 3 tubages gastriques le matin à jeun avant de se lever (donc pas à domicile) ; en cas d’impossibilité ou de négativité, on procède à une bronchofibroscopie avec lavage broncho-alvéolaire dans le territoire atteint. En cas de pleurésie, l’examen micro­scopique est habituellement négatif dans le liquide, et la culture n’est positive que dans moins d’un tiers des cas ; la biopsie pleurale à l’aveugle est plus rentable (anatomopathologie et bactériologie), voire la thoracoscopie ; un taux normal d’adénosine désaminase est qualifié d’une valeur prédictive négative proche de 100 %. Les adénopathies et les autres organes sont diagnostiqués par biopsie (anatomopathologie, bactériologie). Dans les milliaires, les prélèvements seront urinaires, sur hémocultures spécifiques, éventuellement du liquide céphalo-­rachidien (LCR) ou sur biopsie d’organe en plus des produits respiratoires. La méningite se caractérise par un LCR clair, riche en protéines et pauvre en glucides, l’examen microscopique est souvent négatif, la PCR facilite le diagnostic, le délai pour la culture ne fait pas différer un traitement présomptif.
  • les prélèvements sont soumis à trois analyses successives : un examen microscopique après coloration à la fuchsine (ou à l’auramine et observation en lumière polarisée) et exposition à acide nitrique et alcool éthylique (non-décoloration caractéristique des mycobactéries mais sans spécificité d’espèce) ; une PCR au mieux couplée à la détection d’une mutation de résistance à la rifampicine ; une identification actuellement génomique par PCR spécifique ; une culture et un antibiogramme phénotypique. En cas de suspicion de résistances, un antibiogramme génotypique peut être réalisé (mutations de résistance aux antituberculeux de première ligne et pour certains de deuxième ligne). Une comparaison génotypique de plusieurs souches provenant de malades successifs dans une chaîne de transmission présumée est possible ;
  • en cas de présomption clinique, le traitement antituberculeux n’attendra pas la confirmation bactériologique par la culture (qui n’est d’ailleurs pas toujours obtenue).

Chez les patients immunodéprimés (VIH, biothérapie, immunosuppresseurs)

La tuberculose se caractérise par :
  • la progression du stade d’infection initiale vers la tuberculose plus fréquente et plus rapide ;
  • des localisations extra-respiratoires, voire multiples plus fréquentes ;
  • dans le cas de l’infection à VIH, l’examen microscopique est plus souvent négatif et on décèle moins d’excavations en imagerie ;
  • chez les plus immunodéprimés, des co-infections opportunistes sont possibles ;
  • les immunodiagnostics risquent d’être négatifs (v. supra Diagnostic de l’infection tuberculeuse latente).

Tuberculose active ou ancienne ?

On distingue les tuberculoses séquellaires (déjà traitées) des tuberculoses en rémission spontanée (jamais traitées) ; ces dernières ont un risque de rechute estimé à 20 %. En faveur d’une tuberculose active : les symptômes ou l’aggravation des signes cliniques, une pleurésie, en imagerie les aspects de bronchiolite ou les nodules acinaires à bords mal limités. Les images radiographiques des tuberculoses anciennes comprennent des rétractions, des bronchectasies ou des bronchocèles, des nodules acinaires à bords bien limités et ± calcifiés ; des adénopathies ± calcifiées. Elles peuvent se compliquer d’hémoptysies ou d’aspergillome.

Déclaration de tuberculose (obligatoire)

Sont à déclarer les cas confirmés par la bactériologie et les cas probables (mise en route d’un traitement curatif même en cas de négativité des prélèvements bactériologiques et sans attendre le résultat de la culture). La déclaration comprend : une notification anonyme écrite (formulaire à télécharger sur le site de Santé publique France) à adresser à l’agence régionale de santé (ARS) et un signalement immédiat nominatif au centre de lutte antituberculeuse pour déclencher l’enquête d’entourage.

Traiter la tuberculose dans ses différentes localisations

La prise en charge de la tuberculose est possible par tout médecin, mais un avis spécialisé est requis (parcours de soins de l’ALD n° 29).

Principes du traitement antibiotique

Ce sont les suivants :
  • plusieurs antibiotiques pour prévenir l’émergence de résistances et traiter les populations bactériennes différentes (extracellulaires, intracellulaires, libres dans le caséum) ;
  • un traitement quotidien correctement suivi ;
  • un traitement suffisamment long.

Antibiotiques du traitement standard (bacilles sensibles)

Ils doivent être ingérés en une prise par jour, à distance des repas :
  • une phase d’attaque durant 2 mois, associant isoniazide à 5 mg/kg/j (adaptable selon l’isoniazidémie), rifampicine à 10 mg/kg/j, éthambutol à 15-20 mg/kg/j et pyrazinamide à 25-30 mg/kg/j. Chez l’enfant, on évite l’éthambutol. La pyrazinamide n’est pas recommandée pendant la grossesse, bien qu’aucune donnée de la littérature ne confirme un effet tératogène ; dans ce cas, le schéma comprend les autres antibiotiques durant 3 mois suivis d’une phase d’entretien comme ci-dessous de 6 mois ;
  • suivie d’une phase d’entretien durant 4 mois, comprenant l’isoniazide et la rifampicine aux mêmes doses ;
  • des formes combinées sont disponibles (Rifater, Rifinah). On doit prendre garde aux formes galéniques variables selon les antibiotiques (comprimés sécables ou non, gélules, dosages, solution buvable, formes intraveineuses) [v. Focus] ;
  • on tient compte des nombreuses interactions médicamenteuses de la rifampicine, en particulier de l’inefficacité de la contraception orale ou de certains antirétroviraux. Toutefois, une grossesse sous antituberculeux ne constitue pas un motif d’interruption médicale de grossesse ;
  • dans les localisations méningées et ostéo-articulaires, il est d’usage de prolonger la phase d’entretien pour totaliser 9 à 12 mois de traitement ;
  • l’élimination étant rénale ou hépatique, les doses seront adaptées en cas d’insuffisance d’organe ;
  • d’autres antibiotiques sont utilisables sur avis d’experts en fonction des intolérances, contre-indications, interactions ou résistances : les fluoroquinolones, les aminosides (amikacine), le linézolide, l’acide para-aminosalicylique, la cyclosérine, la clofazimine, l’éthionamide, la bédaquiline, le délamanide (certains en autorisation temporaire d’utilisation) ;
  • une corticothérapie initiale est appliquée dans les formes neuro-­méningées avec signes neurologiques et dans les syndromes de détresse respiratoire aiguë tuberculeux ;
  • il est essentiel de ne pas traiter une infection respiratoire basse par des antibiotiques actifs sur les bacilles tuberculeux (fluoroquinolone, aminoside, linézolide) si une tuberculose ne peut être écartée ; le risque est alors de retarder le diagnostic, de réduire la rentabilité du prélèvement bactériologique et de favoriser l’émergence de résistance à ces antibiotiques utilisés dans les formes de tuberculoses résistantes.

Surveillance du traitement

Elle comporte (parcours de soins de l’ALD n° 29) :
  • une observation de la bonne évolution clinique et en imagerie ;
  • une prise de sang initiale : transaminases hépatiques, créatinine et évaluation du débit de filtration glomérulaire (DFG), hémo­gramme, uricémie ; proposer systématiquement les sérologies des hépatites virales et avec l’accord du patient sérologie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Ensuite, mêmes examens hormis les sérologies à J15, J30, puis mensuellement ;
  • une surveillance clinique des effets indésirables : cutanés, digestifs, hépatiques, hématologiques, coloration des urines et des larmes attendue avec la rifampicine, neurologiques et articulaires ;
  • un examen ophtalmologique (vision des couleurs, champ visuel) initial, à 1 mois et 2 mois de traitement (névrite optique potentiellement secondaire à l’éthambutol) ;
  • une radiographie thoracique initiale puis au minimum à 2 mois (fin de la phase d’attaque) et à 6 mois ;
  • la surveillance bactériologique n’est pas systématiquement recommandée dans le parcours de soins de la Haute Autorité de santé (HAS) ; elle peut être effectuée à la fin du 1er mois, du 2e mois et jusqu’à négativation chez les patients qui crachent encore. Elle est indiquée en cas d’évolution défavorable malgré le traitement ;
  • après la fin du traitement, une surveillance pendant 18 mois est recommandée (risque de rechute estimé à 5 % des patients observants). Une notification d’issue de traitement, obligatoire, doit être réalisée dans les 12 mois suivant son instauration (formulaire sur le site de Santé publique France).

Autres éléments à considérer

Ce sont :
  • la demande d’ALD tuberculose (exonération du ticket modérateur, tiers payant), dont l’équivalent en cas de couverture maladie universelle (CMU) est la CMUc (complémentaire) ;
  • les autres prises en charge en l’absence de couverture ou en complément (aide médicale d’État, permanences d’accès aux soins, centres de lutte antituberculeuse, soins urgents à l’hôpital) ;
  • la reconnaissance éventuellement d’une maladie professionnelle (filières socio-sanitaires, personnels exposés au public, laboratoires) ;
  • le signalement d’infection nosocomiale quand une acquisition hospitalière de l’infection est possible ;
  • le droit au séjour en France ? ;
  • dans les formes résistantes, le traitement est adapté et bénéficie d’un avis spécialisé.

Renforcement de l'observance thérapeutique

Il fait appel au minimum à un accompagnement à l’observance (explications détaillées et répétées, traitement supervisé pendant l’hospitalisation puis éventuellement au domicile), au mieux à une éducation thérapeutique du patient (ETP) formelle (dans le cadre d’un programme d’ETP autorisé par l’ARS), notamment dans les formes résistantes aux antibiotiques. Effectuée par deux professionnels différents (habituellement médecin et infirmière), elle comprend schématiquement : un diagnostic éducatif (la compréhension de la maladie, de la transmission des bacilles, du traitement et des effets favorables ou indésirables du traitement), une analyse des facteurs de vulnérabilité sociale ou psychologique, une adaptation de l’accompagnement à la vie quotidienne, l’élabo­­ration d’un programme formalisé et partagé comportant la conduite à tenir en cas d’effet indésirable, puis une évaluation de l’atteinte des objectifs.
Tout traitement incomplet fait courir le risque d’émergence de résistances, de non-guérison et de rechute. Tout traitement excessif est grevé d’une toxicité inutile.

Résultats du traitement

Dans les formes sensibles, une guérison bactériologique est la règle ; la négativation de la culture est obtenue chez au moins 90 % des patients à 60 jours de traitement. Mais on déplore environ 10 % de décès dus à la décompensation de comorbidités (le plus souvent chez les personnes âgées) et plus rarement à la tuberculose (formes neuro-méningées, syndrome de détresse respiratoire aiguë, retard au diagnostic, inobservance).
Dans les formes résistantes, le traitement est plus long, le succès bactériologique et clinique est plus tardif, n’est pas garanti, et le taux de rechute à long terme est plus élevé. Les effets indésirables sont plus fréquents, l’observance thérapeutique plus difficile à obtenir ; les conditions de vie ou le comportement du patient peuvent être un obstacle à l’observance.

Connaître les mesures de prévention dans l’entourage d’un patient contagieux et leurs indications

Enquête d'entourage

Dans l’esprit du programme de l’ECN, essentiellement l’enquête d’entourage réalisée dès que possible auprès du patient par un personnel du centre de lutte antituberculeuse à la suite du signalement de la tuberculose. Les sujets contacts (partageant le même air que le patient contagieux) sont classés en cercles concentriques de priorité : dans le premier cercle figurent les sujets sous le même toit ou dans le même local de travail quotidien, les sujets connus comme ayant un facteur de risque de progression vers la tuberculose (v. supra) et les sujets symptomatiques. Ce périmètre est adapté en fonction des résultats dans le premier cercle. Les investigations initiales comprennent une consultation et une radiographie ± un immunodiagnostic chez les jeunes enfants et les sujets vulnérables ; ainsi des tuber­culoses et des infections tuberculeuses latentes peuvent être dépistées et traitées. Ensuite sont réalisés des immuno­diagnostics de suivi puis des radiographies dans le même but, la surveillance radiographique s’étendant sur 12 à 24 mois.

Précautions complémentaires air

La chambre du patient est contaminée, donc tout entrant porte un appareil de protection respiratoire correctement mis avant d’entrer et le retire après sa sortie de la chambre. Le patient est seul dans sa chambre. S’il en sort (pour examens prescrits), il porte un masque de soins. La chambre est aérée porte fermée après la sortie définitive du patient.
Les indications des précautions complémentaires air (outre la rougeole, la varicelle et le zona également aéroportés) sont la suspicion clinique ou le diagnostic de tuberculose contagieuse (v. supra) ; dès l’admission aux urgences et prolongé au moins deux semaines après le début d’un traitement bien suivi et efficace de bacilles sensibles, prolongé dans les formes très contagieuses, d’évolution défavorable ou de résistances ou en contact avec des sujets vulnérables.

Bacille de Calmette et Guérin (BCG)

Il ne figure pas dans les objectifs Tuberculose n° 155 de l’ECN d’après la HAS, mais dans l’objectif n° 143 Vaccinations. Par mesure de précaution, il est exposé dans le Focus. Il reste obligatoire chez les professionnels des filières socio-sanitaires ; recommandé chez les enfants à risque.
Points forts
Tuberculose de l’adulte et de l’enfant

La tuberculose est une maladie infectieuse due à une mycobactérie du groupe tuberculosis.

En France, l’incidence de la tuberculose est devenue faible (7,1/105) grâce aux moyens curatifs et préventifs de la lutte antituberculeuse. Certains groupes de population sont plus atteints.

Les trois quarts des tuberculoses sont pulmonaires. La transmission est essentiellement aéroportée. L’inhalation des bacilles tuberculeux provoque une infection d’abord latente puis susceptible de progresser vers une tuberculose maladie.

Le diagnostic de la tuberculose est évoqué sur le contexte, les symptômes, l’imagerie ou l’anatomopathologie. Il est affirmé par l’analyse bactériologique (prélèvements de quantité et de qualité suffisantes) qui permet de plus un antibiogramme systématique. Le traitement est standardisé, l’observance est essentielle pour prévenir les résistances. C’est une maladie à déclaration obligatoire et bénéficiant du statut d’affection de longue durée ou professionnelle selon l’activité du patient.

Des mesures préventives sont disponibles (BCG, précautions complémentaires air autour du malade, suivi des sujets contacts, traitement des infections latentes, dépistages radiographiques).