Objectifs
Éléments cliniques et de diagnostic d’une tumeur du pancréas.

Introduction et définitions

Les tumeurs pancréatiques peuvent être de nature solide ou kystique (tableau 1).
Parmi les tumeurs solides du pancréas, les plus fréquentes sont l’adénocarcinome et les tumeurs neuro­endocrines.

Tumeurs solides pancréatiques


Adénocarcinome

L’adénocarcinome est la forme histologique largement prédominante du cancer du pancréas (90 %). Il s’agit d’une tumeur développée aux dépens du pancréas exocrine, plus particulièrement à partir des cellules épithéliales des canaux pancréatiques. L’adénocarcinome est rapidement évolutif, avec une extension locale et métastatique par voies lymphatique, nerveuse et sanguine. Dans deux tiers des cas, la lésion apparaît à la tête du pancréas. Son pronostic est très mauvais, avec une survie cumulée à cinq ans tous stades confondus qui ne dépasse pas 5 %.  

Tumeurs neuroendocrines

Outre les cancers du pancréas exocrine, il existe des tumeurs développées aux dépens des ilôts endocrines du pancréas : les tumeurs neuroendocrines (TNE). Beaucoup plus rares, elles représentent 1 à 2 % des tumeurs malignes du pancréas.
Elles sont dites « fonctionnelles » (20 % des TNE pancréatiques) lorsqu’elles sécrètent des peptides hormonaux tels que l’insuline, la gastrine ou le glucagon, responsables de symptômes dus à cette sécrétion.
Les tumeurs non fonctionnelles (80 % des TNE pancréatiques) se développent sans symptôme lié à une hypersécrétion. Il s’agit d’un groupe de tumeurs hétérogènes, le plus souvent bien différenciées, de pronostic variable, d’évolution lente, mais avec un potentiel d’évolutivité locorégionale ou métastatique. Les survies observées sont longues, même en situation métastatique.
La nouvelle classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), publiée en 2017, repose sur la différenciation cellulaire (morphologie cellulaire), et le grade tumoral. Le grade histopronostique est défini par l’indice mitotique (nombre de mitoses pour 10 champs à fort grossissement), et l’indice de prolifération correspondant au pourcentage de cellules tumorales marquées par l’anticorps MIB1 ou Ki67. Le potentiel métastatique des TNE de grades 1 et 2 est très faible. Le diagnostic anatomopathologique d’une TNE pancréatique repose sur des critères morphologiques cellulaires associés à une expression en immuno-histochimie d’au moins deux marqueurs parmi la chromogranine A, la synaptophysine, ou le CD56. Sur des biopsies ou sur une pièce de résection chirurgicale, le rôle du médecin anatomopathologiste est capital pour évaluer le grade tumoral et la différenciation, deux éléments à forte valeur pronostique.

Autres tumeurs solides

Les autres tumeurs solides sont plus rares : lymphome, métastases d’autres cancers (sein, rein, poumon, méla­nome…), cystadénocarcinome.

Tumeurs kystiques pancréatiques

Les tumeurs kystiques pancréatiques les plus fréquentes sont les tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses (TIPMP, fig. 1D), les cystadénomes séreux et mucineux (fig. 1C), les tumeurs pseudopapillaires et solides.

Tumeurs pancréatiques solides

Épidémiologie et facteurs de risque


Adénocarcinomes

Épidémiologie
En France, environ 15 000 nouveaux cas d’adénocarcinomes du pancréas sont diagnostiqués tous les ans, dont 54 % chez des hommes. L’incidence annuelle est de 9 à 10 pour 100 000 habitants. Il s’agit d’un réel problème de santé publique.
L’âge moyen au diagnostic est de 73 ans chez la femme et de 68 ans chez l’homme.
Le taux de mortalité est proche de celui de l’incidence, traduisant le mauvais pronostic de ce cancer, lié au diagnostic souvent tardif, avec des premiers symptômes parfois aspécifiques. Les données actuelles prédisent que l’adénocarcinome du pancréas sera la deuxième cause de mortalité par cancer en 2025 dans les pays occidentaux, en l’absence de progrès dans sa prise en charge.
Facteurs de risque
Endogènes ou exogènes, les facteurs de risque des adénocarcinomes sont de mieux en mieux connus.
Facteurs de risque endogènes
Parmi les facteurs de risque endogènes de l’adénocarcinome, on distingue des facteurs génétiques et non génétiques.
Certaines formes familiales de cancer (comme le syndrome seins-ovaires ou le syndrome de Lynch) peuvent prédisposer au cancer du pancréas (patients porteurs de mutations de BRCA1, BRCA2, PALB2, CDKN2A ou du gène MMR). Le syndrome de Peutz-Jeghers (affection rare à l’origine d’une polypose hamartomateuse intestinale) prédispose également au cancer du pancréas (mutation du gène LKB1/STK11). Enfin, il existe des formes familiales de cancer pancréatique avec deux ou trois cas d’adénocarcinomes du pancréas chez des apparentés au premier ou deuxième degré pour lesquelles le gène en cause n’est pas connu. La plupart de ces formes génétiques doivent bénéficier d’un dépistage par examens radiologiques annuels.
L’obésité, avec un risque relatif à 2,76, et le diabète, avec un risque relatif à 1,94 (diabète ancien), sont les deux facteurs de risque endogènes non génétiques notables.
Facteurs de risque exogènes
En ce qui concerne les facteurs de risque exogènes, le rôle du tabac est bien établi (risque relatif [RR] : 1,6-2,6). Il l’est un peu moins pour les autres facteurs tels qu’une alimentation riche en protéines et en graisses animales, une activité physique réduite, la consommation d’alcool, de café, l’exposition aux métaux lourds (RR : 1,1-1,5).
Il existe également des tumeurs kystiques à potentiel dégénératif. Il s’agit des tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP), du cystadénome mucineux et, pour une moindre part, de la tumeur pseudopapillaire et solide. Le potentiel de dégénérescence en adénocarcinome des TIPMP varie en fonction du type d’atteinte canalaire. Ainsi, le risque évolutif vers l’adénocarcinome des TIPMP atteignant les canaux secondaires est relativement faible, il est chiffré à 3,5 % à cinq ans, 5 % à dix ans et de l’ordre de 10 % à quinze ans. Il n’en est pas de même pour les TIPMP atteignant le canal principal ou de type mixte (canal principal et canaux secondaires) pour lesquelles le risque de dégénérescence est de 50 % à cinq ans.
Une autre lésion kystique à potentiel de dégénérescence est le cystadénome mucineux, dont le risque est estimé à plus de 20 % à dix ans. Les lésions de plus de 4 cm de diamètre et/ou avec un nodule mural prenant le contraste doivent être opérées. Enfin, les tumeurs pseudopapillaires et solides (ou tumeurs de Frantz) sont de génie évolutif plus limité.
En ce qui concerne les affections pancréatiques chroniques prédisposant à l’adénocarcinome, on relève essentiellement la pancréatite chronique calcifiante alcoolique et la pancréatite chronique héréditaire.
Dans le cadre de la pancréatite chronique alcoolique, la probabilité actuarielle de développer un adéno­carcinome pancréatique est de l’ordre de 4 % à vingt ans.
Le rôle conjugué de l’alcool et du tabac est important. Dans le cadre de la pancréatite héréditaire due à la mutation du gène PRSS1, le risque de cancer est plus élevé (environ 10 %et 50 % à respectivement 50 et 75 ans).

Tumeurs neuroendocrines pancréatiques

Épidémiologie
Les TNE pancréatiques sont des tumeurs plus rares : incidence de l’ordre de 0,6 cas par an pour 100 000 habitants. Leur incidence est cependant en augmentation, en grande partie du fait d’une amélioration des capacités de détection en imagerie et à l’augmentation de l’incidence des TNE de découverte fortuite (appelées aussi « incidentalomes pancréatiques », fig. 1A).
L’âge moyen au moment du diagnostic des TNE pancréatiques est de 67 ans, avec une prédominance masculine (plus de 52 % d’hommes).
Facteurs de risque
Certains facteurs de risque ont été identifiés : antécédent familial de cancer au premier degré (RR :  2,19), tabagisme actif (RR : 1,34), alcoolisme chronique (RR : 2,44) et diabète (RR : 2,76).
Dans 5 % des cas, les TNE pancréatiques surviennent dans un contexte familial héréditaire : essentiellement dans le cadre d’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM1) et de la maladie de von Hippel-Lindau (VHL).
La NEM1 est le syndrome de prédisposition héréditaire le plus fréquemment associé aux TNE duodéno-­pancréatiques. Elle affecte 1 personne sur 30 000. Elle est due à une mutation du gène de la ménine, à transmission autosomique dominante avec forte pénétrance. Ce syndrome associe des tumeurs endocrines, des parathyroïdes (avec hyperparathyroïdie dans 90 à 100 % des cas), de l’hypophyse, de la sphère duodénopancréatique, des surrénales, plus rarement du thymus, des bronches ou du tube digestif. Les TNE pancréatiques surviennent chez 30 à 80 % des patients atteints de NEM1 et en constituent la première cause de mortalité. Elles sont habituellement multiples, de petite taille (moins de 1 à 2 cm), et le plus souvent non fonctionnelles.

Diagnostic clinique

La figure 2 schématise la conduite à tenir générale pour le diagnostic des tumeurs pancréatiques ; en premier lieu, la clinique oriente sur le type de lésion et sa localisation.

Adénocarcinome

Les symptômes de l’adénocarcinome varient en fonction de la localisation de la tumeur et de son degré d’évolution. Il est important de noter qu’il existe une phase préclinique souvent muette et parfois longue, expliquant un diagnostic tardif pour une tumeur par ailleurs fréquemment métastatique (50 % des cas au diagnostic [foie, péritoine, poumons]).
Ictère
Il représente le signe essentiel du cancer de la tête du pancréas (70 à 80 % des cas). Il est cholestatique (selles décolorées « mastic », urines foncées « bière brune », prurit qui précède parfois l’apparition de l’ictère). Cet ictère se caractérise par son installation insidieuse, avec une évolution continue, sans rémission et sans crise douloureuse ou épisode hyperthermique (on parle « d’ictère nu »). Il peut s’accompagner de troubles digestifs (dyspepsie et constipation fréquentes), d’une anorexie, d’une stéatorrhée et d’un amaigrissement. On peut palper une masse oblongue indolore, correspondant à une grosse vésicule, au niveau de l’hypochondre droit (loi de Courvoisier-Terrier).
Syndrome douloureux abdominal
Il est classiquement l’apanage des localisations corporéales et caudales (20 à 30 % des cas). Il est de siège sus-­ombilical à irradiation transfixiante vers l’arrière. Les crises douloureuses, d’abord peu intenses, s’accentuent rapidement pour aboutir à des paroxysmes extrêmement intenses, interdisant le décubitus dorsal et imposant souvent des attitudes antalgiques (antéflexion du tronc, attitude en chien de fusil, compression de la région sus-ombilicale). Cette douleur nécessite l’introduction rapide d’antalgiques de palier 3. Il est essentiel de savoir que cette symptomatologie douloureuse n’est pas toujours aussi évocatrice et peut simuler pendant plusieurs semaines ou mois une colopathie fonctionnelle, un syndrome dyspeptique ou une affection rhumatismale (dorsalgies).
Amaigrissement, asthénie et anorexie
Cette triade est constante à la période d’état, mais peut aussi apparaître précocement et précéder les autres symptômes.
Diabète
Il est présent dans 50 % des cas, souvent récent (quelques mois), alors causé par le cancer lui-même.
Autres manifestations cliniques
Elles représentent entre 10 et 20 % des circonstances de diagnostic mais peuvent aussi accompagner ou précéder les symptômes « classiques » : amaigrissement isolé, diarrhée chronique ou stéatorrhée, syndrome tumoral abdominal isolé, hémorragie digestive, thrombophlébite profonde et/ou embolie pulmonaire, syndrome anxio­dépressif.
Par ailleurs, la pancréatite aiguë est une situation particulière à connaître. En effet, chez un patient de plus de 50 ans, la recherche d’une tumeur pancréatique (en particulier un adénocarcinome) doit être systématique en cas de pancréatite aiguë, dite « a priori idiopathique » (pancréatite sans cause évidente [pas de lithiase biliaire, pas d’alcool] lors la poussée aiguë mais nécessitant un bilan à distance par cholangiopancréatographie-IRM et échoendoscopie bilio-pancréatique).
Les formes métastatiques et évoluées peuvent aussi constituer des circonstances de découverte : hépatomégalie irrégulière des métastases hépatiques ; ascite et/ou syndrome occlusif et douleurs abdominales d’une carcinose péritonéale ; vomissements par sténose duodénale, ganglion sus-claviculaire gauche (ou ganglion de Troisier) ; métastases pulmonaires, osseuses ou médullaires.

TNE pancréatiques

TNE pancréatiques non fonctionnelles
Le diagnostic de TNE pancréatique non fonctionnelle peut être posé à un stade avancé (locorégional ou métastatique), devant des symptômes aspécifiques ou liés à un volume tumoral important (ictère, douleur, amaigrissement, diabète…). Le plus souvent, il s’agit en réalité d’incidentalomes (découverte fortuite à l’occasion d’un bilan digestif, urologique, vasculaire ou gynécologique) dans plus d’un tiers des cas. Ils sont habituellement résécables au moment du diagnostic, facteur de meilleur pronostic.
TNE pancréatiques fonctionnelles dites sécrétantes
Les symptômes des TNE pancréatiques fonctionnelles dites sécrétantes varient en fonction de la sécrétion d’hormones ou peptides. Par ordre de fréquence, on peut distinguer l’insulinome, le gastrinome, le glucagonome et le VIPome (tableau 2). À noter que les carcinoïdes pancréatiques sont rares et que le syndrome carcinoïdien est donc l’apanage des TNE développées au niveau de l’intestin grêle.
Enfin, devant une TNE pancréatique, la recherche d’une NEM1 est recommandée chez des patients jeunes (40-50 ans) avec TNE multiples, en cas de syndrome de Zollinger-Ellison, en cas d’autres atteintes tumorales du spectre (hyperparathyroïdie, tumeurs hypophysaires) ainsi qu’en cas d’antécédents familiaux.

Diagnostic biologique


Adénocarcinome

Dans le cas de l’adénocarcinome pancréatique, il n’y a pas de marqueurs sériques fiables permettant un diag­nostic (positif ou différentiel) et encore moins un dépistage. En effet, l’antigène carbohydrate 19-9 (CA 19-9) n’a pas les performances diagnostiques exigées pour être un marqueur fiable : chez les patients symptomatiques, donc avec une tumeur déjà évoluée, la sensibilité et la spécificité de son dosage sont respectivement de 70 % et 80 %. De plus, sa valeur prédictive positive est insuffisante pour le diagnostic ou le dépistage de l’adénocarcinome pancréatique. Enfin, le taux de CA 19-9 s’élève systématiquement en cas de cholestase.

TNE pancréatiques

Dans le cas des TNE pancréatiques, nous disposons du dosage de la chromogranine A sérique. Le taux de ce marqueur est lié au volume tumoral (taux plus élevé en cas de tumeurs avancées) et à la sécrétion hormonale. Il constitue un élément pronostique mais également de suivi en cours de traitement. L’interprétation du résultat est parfois difficile du fait d’une faible spécificité. En effet, le taux de chromogranine A peut être élevé en cas de traitement par inhibiteurs de la pompe à protons, d’hypergastrinémie (gastrite atrophique, maladie de Biermer) ou d’insuffisance rénale. En cas de suspicion de NEM1, un bilan phosphocalcique est réalisé (recherche d’une hyperparathyroïdie primaire).
Le dosage systématique des hormones spécifiques est inutile dans le bilan initial des TNE pancréatiques non fonctionnelles. Ce n’est qu’en cas de symptôme évocateur d’hypersécrétion hormonale qu’un dosage spécifique est indiqué (tableau 2).

Autres examens du diagnostic paraclinique


Échographie

C’est l’examen de première intention dans l’exploration d’un ictère ou d’un syndrome de masse. Les tumeurs pancréatiques sont le plus souvent hypoéchogènes. L’échographie peut mettre en évidence des signes indirects, comme une dilatation des voies biliaires, une dilatation du canal de Wirsung, une thrombose vasculaire (en particulier de la veine porte). Cette dernière peut être confirmée par analyse en écho-Doppler. Une biopsie dirigée sous échographie est réalisée en cas de lésions métastatiques hépatiques ou péritonéales facilement accessibles.
Les TNE pancréatiques apparaissent sous la forme de tumeurs rondes ou ovalaires, bien vascularisées (renforcement postérieur des échos), avec des limites périphériques habituellement nettes, homogènes, et un liseré fin hypoéchogène périphérique.

Tomodensitométrie (TDM)

Examen de référence, elle est indiquée lorsque le diag­nostic d’adénocarcinome pancréatique ou de TNE pancréatique est suspecté cliniquement, ou lorsqu’une masse pancréatique est détectée à l’échographie avec des signes directs ou indirects (dilatation des voies biliaires ou bicanalaire, voies biliaires et canal de Wirsung) [fig. 1A, 1C, 3A, 3B, 3C].
La TDM thoraco-abdomino-pelvienne en coupes fines avec injection de produit de contraste est l’examen de choix pour évaluer le stade tumoral et juger de la résécabilité de la tumeur.
Les adénocarcinomes pancréatiques (tumeur primitive et métastases) sont typiquement hypodenses à la phase artérielle et isodenses/faiblement rehaussés à la phase portale. L’extension se fait au niveau des vaisseaux (veine porte, veine mésentérique ou splénique, artères hépatique et mésentérique, tronc cœliaque et ses branches), de la lame rétroportale, des ganglions et des organes adjacents ou à distance (duodénum, estomac, côlon, rate, foie, péritoine, os).
Pour les TNE pancréatiques, le scanner abdominopelvien est également réalisé avec injection de produit de contraste iodé. Il doit systématiquement comporter un temps d’acquisition artériel tardif, puis un temps portal car certaines TNE ne sont visibles qu’à l’un ou l’autre des deux temps. Les TNE présentent la carac­téristique habituelle d’être des tumeurs bien vascularisées au temps artériel (certaines n’étant d’ailleurs visibles qu’au temps artériel). Il existe donc habituellement un rehaussement à la phase artérielle et un lavage à la phase portale, à la différence des adénocarcinomes. Le scanner permet également le bilan d’extension des TNE au niveau hépatique. Comme la tumeur primitive, les métastases hépatiques ont habituellement un comportement hypervasculaire au temps artériel caractéristique.
Le scanner thoracique complète le bilan d’extension pour les adénocarcinomes et les TNE pancréatiques métastatiques ou localement avancées, à la recherche de localisations secondaires pulmonaires ou médiastinales. Il est également utile pour rechercher une tumeur primitive thoracique (bronches, thymus) dans le cadre des NEM1.

Imagerie par résonance magnétique (IRM)

L’IRM avec séquences de cholangiopancréatographie et injection de gadolinium est une alternative aussi sensible et spécifique que la TDM pour le bilan diagnostique et d’extension de l’adénocarcinome à l’étage abdominal.
L’IRM de diffusion est plus sensible que la TDM pour détecter les petites métastases hépatiques et permet d’éviter une laparotomie inutile chez 12 % des patients ayant un adénocarcinome présumé résécable.
L’IRM avec séquences de diffusion est également plus sensible que la TDM pour la détection de métastases hépatiques et osseuses des TNE.
En complément ou en alternance avec le scanner, l’IRM peut aussi permettre le suivi d’une TNE pancréatique métastatique et l’évaluation de la réponse aux traitements.

Échoendoscopie

Elle est réalisée au moyen d’un appareil de vidéoendo­scopie porteur d’une sonde échographique de moyenne à haute fréquence, sectorielle linéaire électronique, permettant une analyse écho-Doppler et surtout une cytoponction échoguidée. Elle doit être effectuée par un opérateur entraîné ayant l’expérience de l’endoscopie interventionnelle [fig. 1B].
L’échoendoscopie digestive haute peut être utile au diagnostic et apporter des informations complémentaires à la TDM concernant l’extension locorégionale (vasculaire et ganglionnaire), notamment pour les lésions de petite taille ou difficilement visualisables à la TDM ou à l’IRM. L’échoendoscopie est surtout utile pour la réalisation de cytoponction de la masse pancréatique (parfois des métastases hépatiques et des atteintes ganglionnaires). Les valeurs diagnostiques de la cytoponction pancréatique pour le diagnostic d’adénocarcinome et de TNE sont élevées : sensibilité de l’ordre de 85 % et spécificité de 100 %. L’obtention de mini­carottes biopsiques permet d’effectuer de l’immuno­histochimie pour confirmation de tumeur exocrine ou endocrine.
Dans le cadre des TNE fonctionnelles et de NEM1, l’endoscopie œso-gastro-duodénale a pour but de localiser les tumeurs de type gastrinome au niveau du cadre duodénal et de réaliser des biopsies confirmant ainsi le diagnostic (sauf si la lésion est sous-muqueuse).

Cholangiopancréatographie rétrograde perendoscopique (CPRE)

Elle n’a actuellement peu ou plus d’indications à visée diagnostique, ni pour le cancer du pancréas ni pour les TNE. Elle présente cependant un intérêt thérapeutique : elle permet de drainer une sténose biliaire par la mise en place d’une prothèse biliaire plastique ou, mieux, métallique, pour résoudre la choléstase et donc l’ictère, source d’altération de l’état général et pouvant empêcher une chimiothérapie éventuelle.

Tomographie par émission de positons au 18-fluorodésoxyglucose (TEP-FDG)

Elle ne fait pas partie du bilan systématique initial, ni de l’adénocarcinome ni des TNE pancréatiques.

Imagerie isotopique des récepteurs de la somatostatine

Elle a toute sa place dans le diagnostic, le bilan d’extension, la stratégie thérapeutique et le suivi des TNE pancréatiques.
En effet, les récepteurs de la somatostatine sont habituellement fortement exprimés dans les TNE pancréatiques qui, pour la plupart, peuvent être visualisées par fixation d’un analogue de somatostatine radioactif.
La scintigraphie des récepteurs à la somatostatine au pentétréotide 111In (OctréoScan - analogue de la somatostatine marqué à l’indium-111)
Elle nécessite deux acquisitions à quatre et vingt-quatre heures après injection. Sa sensibilité et sa spécificité sont respectivement de 90 % et 80 % pour le diagnostic des TNE pancréatiques de plus de 1 cm de diamètre. Cependant, la sensibilité est faible pour les tumeurs de petite taille. La résolution spatiale est également faible, mais le couplage avec une tomodensitométrie permet de localiser avec précision les foyers de fixation (acquisition de type SPECT-CT [single photon emission computed tomography ]) [fig. 3D].
La tomographie par émission de positons (TEP) aux analogues de la somatostatine marqués au gallium 68
C'est une nouvelle technique d’imagerie isotopique des récepteurs de somatostatine. Il s’agit d’une TEP couplée à un analogue de somatostatine marqué au gallium 68. Cet examen a une meilleure sensibilité que la scintigraphie à l’OctréoScan pour la détection des TNE pancréatiques en raison d’une très forte affinité de l’analogue pour les récepteurs de somatostatine et d’une meilleure résolution spatiale liée à la TEP. La TEP au gallium 68 est par ailleurs un examen plus simple sur le plan pratique, moins irradiant et ne nécessitant qu’une seule acquisition une heure après injection.

Tumeurs kystiques pancréatiques

Les lésions kystiques du pancréas sont une entité hétéro­gène représentée dans 80 % des cas par les pseudokystes et dans 10 à 20 % des cas par les tumeurs kystiques.
Il est important de connaître les pseudokystes, qui ne possèdent pas d’épithélium propre et surviennent dans un contexte de pancréatite aiguë ou chronique. Ces lésions n’ont aucun potentiel de dégénérescence et ne sont traitées qu’en cas de complication (compression, infection, hémorragie…), par des moyens endoscopiques ou radiologiques. Il faut donc bien différencier les pseudo­kystes des tumeurs kystiques vraies du pancréas (tableau 1), dont le risque de dégénérescence est variable en fonction de la nature.

Épidémiologie

La fréquence des tumeurs kystiques pancréatiques varierait de 2 à 45 % des individus en population générale. Leur prévalence dans la population occidentale est de 5 % après 60 ans et est supérieure à 20 % après 80 ans. Leur incidence se majore en partie du fait des progrès et de la facilité d’accès à l’imagerie médicale. De plus, l’extension des indications des examens d’imagerie médicale dits « de routine » participe à l’augmentation du nombre de tumeurs kystiques du pancréas de découverte fortuite, chez des patients strictement asymptomatiques.

Diagnostic

Le mode de révélation des tumeurs kystiques du pancréas est donc le plus souvent fortuit (plus de 50 % des cas).
Lorsqu’elles sont symptomatiques, la présentation clinique varie selon la nature des lésions, leur localisation et leur taille.
Les poussées de pancréatite aiguë sont surtout l’apanage des tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP).
D’autres signes cliniques sont liés à la compression des organes de voisinage : douleurs abdominales, ictère, syndrome dyspeptique, vomissements, diabète.
Enfin, dans le cadre de tumeurs dégénérées (le plus souvent cystadénocarcinomes et TIPMP), des métastases, en particulier hépatiques, peuvent être un mode de découverte.
Comme pour les tumeurs solides, le diagnostic est assuré par l’échographie, la TDM, la cholangiopancréatographie par voie IRM (CP-IRM), voire l’échoendoscopie avec analyse du liquide de cytoponction de la lésion kystique dans certains cas.

Tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses (TIPMP)

Tumeurs fréquentes, particulièrement chez les sujets âgés, les TIPMP ont une prévalence dans la population générale de 7 % et même supérieure à 10 % après 60 ans. L’âge moyen au diagnostic est de 65 ans (deux hommes pour une femme).
Les TIPMP correspondent à une dilatation kystique des canaux pancréatiques par prolifération anormale d’un épithélium papillaire à cellules mucipares. Ces cellules mucipares sécrètent du mucus, à l’origine d’une obstruction des canaux pancréatiques et d’une dilatation en amont du ou des canaux obstrués.
Elles sont classées en trois groupes en fonction du type de canaux pancréatiques sur lesquels elles se développent :
  • les canaux secondaires qui communiquent avec le canal principal (fig. 1D);
  • le canal principal ;
  • les deux (TIPMP mixtes).
Les TIPMP sont des lésions prénéoplasiques canalaires de l’adénocarcinome pancréatique (10 % des adénocarcinomes du pancréas se développent sur des TIPMP). Tout le pancréas peut être atteint, avec une prédilection pour le petit pancréas. Les TIPMP se développent selon un processus séquentiel allant de la dysplasie de bas grade à la dysplasie de haut grade puis à l’adénocarcinome invasif. Les TIPMP des canaux secondaires ont une propension nettement moindre à la dégénérescence (3 % à 5 ans) que les formes avec atteinte du canal principal ou mixte (50 % à 5 ans).
Le diagnostic fait appel à l’imagerie : échographie, scanner, IRM et, dans les cas complexes, échoendoscopie avec cytoponction (analyses biochimique et cytologique du liquide de ponction).

Cystadénomes

Ils peuvent être de deux types : cystadénome séreux (le plus fréquent) ou mucineux.

Cystadénome séreux

Il se présente macroscopiquement sous la forme d'une tumeur bosselée de taille variable avec de multiples kystes de 0,1 à 1 cm de diamètre, prenant un aspect en nid d’abeille avec une cicatrice fibreuse centrale stellaire volontiers calcifiée. Il peut être multiple et se développe uniformément au sein du pancréas avec une prédilection pour le corps et la queue, sans communication avec le canal de Wirsung. Au plan microscopique, il s’agit d’un épithélium cubique en monocouche.
Il n’y a pas de risque de dégénérescence.
L’âge moyen au diagnostic est de 58 ans (trois hommes pour une femme).

Cystadénome mucineux

La lésion apparaît comme une tumeur macrokystique assez régulière, en général unique, ne communiquant pas avec le canal de Wirsung et dont la taille varie de 3 à 7 cm. Au plan microscopique, il s’agit d’un épithélium cylindrique produisant du mucus établi sur un stroma dit « ovarien ». Il y a différents degrés de dysplasie : bas grade, intermédiaire et haut grade (ou carcinome in situ). La localisation corporéo-caudale est la plus fréquente (90 %).
Un carcinome invasif est présent dans 15 % des cas, réalisant le cystadénocarcinome mucineux.
À prédominance féminine (un homme pour vingt femmes), il survient à un âge moyen de 48 ans.

Tumeur pseudopapillaire et solide (tumeur de Frantz)

Tumeur unique encapsulée, elle a une composante mixte kystique et solide et des zones nécrotiques. Sa taille varie de 2 à 25 cm (avec une moyenne de 10 cm).
Au plan microscopique, les zones de dégénérescence se présentent avec un aspect pseudopapillaire, des zones hémorragiques ou nécrotiques. L’immunohistochimie peut révéler un marquage positif aux récepteurs à progestérone et bêtacaténine au niveau nucléaire.
Le taux de dégénérescence est variable et moins important que celui du cystadénome mucineux.

Principes de traitement des tumeurs pancréatiques

Quel que soit le type de lésion, il s’agit de bien analyser les symptômes, hiérarchiser les examens complémentaires, faire la synthèse en réunion de concertation pluri­disciplinaire médico-radio-chirurgicale et apprécier les balances bénéfices-risques d’une surveillance ou d’une chirurgie d’exérèse.

Adénocarcinomes pancréatiques

Le traitement optimal curatif des adénocarcinomes pancréatiques est la chirurgie d’exérèse : duodénopancréatectomie céphalique, pancréatectomie gauche, duodénopancréatectomie totale. Malheureusement, cette chirurgie à visée curative n’est possible que dans 15 à 20 % des cas (lésions dites « résécables »).
Dans 10 à 15 % des cas, la tumeur est dite « presque résécable » et peut bénéficier d’une chimiothérapie néoadjuvante pour tenter de la rendre « résécable ».
Enfin, dans 70 % des cas, la tumeur est dite « localement avancée non résécable » ou « métastatique ». Dans ces situations, si l’état général du patient le permet, la chimiothérapie seule est indiquée. Il existe deux grands types de chimiothérapie : la quadrithérapie Folfirinox et la gemcitabine. Le but de ce traitement est d’allonger la survie tout en préservant la qualité de vie. Les soins de support sont une aide importante dans cette maladie.

Tumeurs neuroendocrines pancréatiques

Le traitement des TNE pancréatiques va de l’abstention (simple surveillance d'une petite lésion de bas grade) à la chirurgie curative d’exérèse.
Il existe d’autres traitements visant à ralentir (voire faire régresser) la croissance des tumeurs primaires et secondaires : analogues stables de la somatostatine et surtout chimiothérapie, biothérapies, techniques de chimio-embolisation, radiothérapie interne vectorisée avec des analogues de la somatostatine marqués d’isotopes très énergétiques (lutécium).
La transplantation hépatique associée à la résection de la tumeur primaire pancréatique peut parfois être proposée.

Tumeurs kystiques pancréatiques

Une simple surveillance est requise pour les TIPMP des canaux secondaires sans signes inquiétants, les cystadénomes mucineux de moins de 4 cm de diamètre et parfois les cystadénomes séreux.
Pour les TIPMP avec signes inquiétants et/ou mixtes, de même que pour les cystadénomes mucineux avec signes de dégénérescence, la chirurgie est indiquée.
Points forts
Tumeurs du pancréas

POINTS FORTS À RETENIR

Les principales tumeurs solides du pancréas sont l’adénocarcinome pancréatique et les tumeurs neuroendocrines fonctionnelles et non fonctionnelles.

Les symptômes cliniques peuvent orienter vers la localisation de la lésion : ictère pour les tumeurs de la tête du pancréas, douleurs pour les tumeurs du corps et de la queue.

Le diagnostic est assuré par des examens d’imagerie à hiérarchiser : échographie, scanner, imagerie par résonance magnétique, échoendoscopie avec ponction et, dans le cas de tumeurs neuroendocrines, imagerie isotopique.

L’adénocarcinome peut être traité à visée curative par la chirurgie d’exérèse, mais seulement dans 15 % des situations ; les autres cas relèvent d’une chimiothérapie et/ou de soins palliatifs.

Les tumeurs neuroendocrines sont de meilleur pronostic quand elles sont de bas grade.

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