Des anticorps monoclonaux anti-amyloïdes ont été mis sur le marché ces dernières années pour les patients ayant une maladie d’Alzheimer. Destinés à ceux dont le déclin cognitif lié à cette dernière est encore léger, ils visent les agrégats de peptide amyloïde bêta qui, dans l’hypothèse physiopathologique actuelle, sont la cause de certaines manifestations de la maladie. L’aducanumab a été le premier à être développé ; mais, après avoir reçu une AMM aux États-Unis en 2021 suivant une décision controversée de la FDA (données trop ambiguës pour statuer sur l’efficacité), son exploitation a été interrompue de l’initiative même du laboratoire ; il n’a jamais reçu d’AMM en Europe. Le second, le lécanemab, a obtenu une AMM de la FDA en 2023 après avoir montré un ralentissement du déclin cognitif de 27 % par rapport au placebo dans un essai de phase III.
Un défi important dans ce type de traitements est la pénétration limitée de ces molécules dans le cerveau en raison de la barrière hémato-encéphalique. Certaines études ont montré que l’utilisation d’ultrasons ciblés de faible intensité, guidés par IRM, permet d’ouvrir de manière réversible cette barrière chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, et que cette intervention, sans l’utilisation d’un quelconque agent thérapeutique, peut réduire modestement les niveaux d’amyloïde dans le cerveau de ces derniers. Des chercheurs aux États-Unis ont donc cherché à combiner ces deux approches – l’administration d’un anticorps monoclonal anti-amyloïde et l’ouverture de la barrière hémato-encéphalique par ultrasons – et à évaluer leur sécurité et leur faisabilité. Les résultats de leurs travaux sont parus dans le NEJM .
La combinaison avec les ultrasons est supérieure à l’aducanumab tout seul
Pour cette étude préliminaire, les chercheurs ont recruté trois participants (un homme de 77 ans, un homme de 59 ans et une femme de 64 ans) ayant reçu un diagnostic de troubles cognitifs légers dus à une maladie d’Alzheimer dans l’année précédant l’inclusion.
L’étude se divisait en deux phases :
- L’intervention (6 mois) consistait en l’administration d’aducanumab combinée à l’ouverture ciblée de la barrière hémato-encéphalique au moyen d’ultrasons sur un seul hémisphère (visant le lobe frontal ou le lobe temporal ou l’hippocampe où auraient été décelés des niveaux élevés de peptide amyloïde bêta) ; l’autre hémisphère servait de contrôle. Les participants recevaient ainsi la molécule par voie IV une fois par mois, avec une augmentation de la dose (1 mg/kg les 2 premiers mois, 3 mg/kg les 2 mois suivants, 6 mg/kg les 2 derniers mois), et les ultrasons étaient pratiqués 2 heures après chaque injection.
- Pendant le suivi (dont la durée ira jusqu’à 5 ans), les participants recevaient l’aducanumab seul : une injection mensuelle à la dose de 10 mg/kg, qui correspond à la dose recommandée.
Aucun des participants n’avait reçu d’aducanumab avant le début de l’étude.
Les niveaux de peptide amyloïde bêta ont été mesurés par TEP-scan, à l’inclusion, aux semaines 3, 11 et 19 durant la phase intervention, puis à la semaine 26 et à 1 an durant la phase de suivi. De plus, des IRM cérébrales étaient réalisées à l’inclusion ainsi qu’avant, pendant, immédiatement après l’injection puis 24 heures et 48 heures après l’injection. Pendant le suivi, elles étaient réalisées 30 jours après puis 1 an après la fin de la phase d’intervention.
Pour surveiller la sécurité de l’intervention, des examens neurologiques, cognitifs et comportementaux étaient réalisés à répétition, sur une période allant de 30 à 180 jours après le traitement. Leur objectif n’était pas, toutefois, de détecter des changements pouvant témoigner de l’efficacité clinique de celui-ci.
Les résultats ont montré une réduction de peptide amyloïde bêta dans les régions cérébrales traitées simultanément par aducanumab et ultrasons par rapport aux niveaux mesurés à l’inclusion. Cette réduction était plus importante que dans les régions contrôles, avec des différences allant de 48 à 63 points de pourcentage. Ces résultats convergent avec ceux d’études expérimentales précédentes qui ont montré une plus grande pénétration de l’aducanumab lorsqu’il est combiné avec des ultrasons ciblés pour ouvrir la barrière hémato-encéphalique. Enfin, les réductions de peptide amyloïde bêta étaient plus importantes avec la combinaison d’ultrasons et d’un anticorps qu’avec l’utilisation d’ultrasons seuls (rapportées dans des études précédentes).
Les céphalées étaient les événements indésirables les plus fréquemment rapportés, en majorité légères, et résolutives. Seul un événement indésirable grave (pensées suicidaires) a été constaté, mais considéré sans lien avec le traitement. Durant la phase d’intervention, aucun déclin cognitif n’a été observée chez les participants, mais il a été constaté chez l’un des participants durant la phase de suivi (sans changements à l’examen neurologique, toutefois).
Ces résultats sont donc à confirmer dans des études plus vastes permettant d’évaluer l’effet sur l’évolution clinique de la maladie.
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Nobile C. Maladie d’Alzheimer… vers un changement de paradigme. Rev Prat (en ligne) 17 février 2023.
Bouvenot G, Le Coz P. Nouveaux médicaments contre la maladie d’Alzheimer : lueur d’espoir ou nouveau mirage ? Rev Prat 2023;73(10);1057-60.