On pense tout savoir sur les acariens, mais est-ce le cas ? Les connaissances récentes sur leurs habitats privilégiés et sur leurs interactions avec les moisissures et certains composés chimiques sont cruciales pour mettre en place des mesures d’éviction efficaces, pour lesquelles de nombreuses idées reçues persistent. Le point dans cet article, avec une fiche-patient sur les conseils de prévention.
Deux grandes familles
Les acariens occupent depuis longtemps la première place sur le podium des causes de rhinite permanente, conjonctivite ou asthme allergique.
Si les acariens pyroglyphides sont les plus connus, ceux de stockage jouent également un rôle non négligeable (tableau). Ces derniers, longtemps classés dans la catégorie « source d’allergie dans le monde agricole », sont en réalité présents également dans les habitats classiques (aliments conservés dans les lieux chauds et humides, silos à grains, farines mal conservées, aliments pour animaux…).
Habitats privilégiés
Les acariens affectionnent l’humidité et la chaleur, mais ils savent développer des stratégies de survie en cas de réduction des conditions optimales (surtout les acariens de stockage) : si le taux d’humidité ambiante et la température baissent, ceux-ci se regroupent afin de maintenir la chaleur et un apport hydrique suffisant, puisqu’ils sont capables de transpirer ; il leur est également possible de modifier le cours de leur développement, en le stoppant à l’état de nymphe dans l’attente de meilleures valeurs hygrométriques ou en utilisant la phorésie (capacité à se fixer sur un hôte mobile pour être transporté dans un autre lieu).
L’humidité ambiante leur est nécessaire pour s’alimenter (lubrification de leur cavité buccale) d’où l’utilité des housses anti-acariens – entourant complétement le matelas et hermétiquement closes par une fermeture éclair – qui les coupent de leur nourriture (squames, phanères…), de la chaleur et de la transpiration du corps humain.
En raison de son influence sur le développement des acariens, l’humidité relative (mesurée par un hygromètre) doit être maîtrisée, en aérant matin et soir pendant au moins 15 à 20 min et en s’assurant du bon fonctionnement de la VMC.
Les singularités de chaque espèce leur confèrent la possibilité d’être présents sur certains supports et dans différentes parties du globe. Par exemple, le Gyciphagus domesticus affectionne les aliments riches en sucres. L’Acarus siro se trouve dans la croûte de certains fromages (tomme de Savoie, Velay, mimolette, cantal). L’Euroglyphus maynei est identifié surtout dans le sud de l’Europe, en Afrique du Nord et en Australie. Cas particulier : le Blomia tropicalis (famille des Echimyopodidae), identifié dans les régions (sub)tropicales où le taux d’hygrométrie et la chaleur (25 °C et 80 %) expliquent sa prolifération dans l’habitat domestique. En Colombie comme en Malaisie, il est souvent retrouvé dans les prélèvements de poussière de maison. La prévalence de sensibilisation à cet acarien atteint 90 % à Singapour et 85 % en Argentine.
Une coopération avec les moisissures
Qui pourrait imaginer que les acariens soient un moyen de transport ? Pourtant, lorsqu’ils traversent une tache microscopique de moisissures, ils sont capables d’embarquer individuellement sur le dos une cinquantaine de spores (2 à 4 µm). Il s’agit de moisissures dites « attractives » comme Alternaria alternata choisie par le Dermatophagoides farinae. Par opposition, les acariens sont capables de faire un grand détour (vitesse 1 cm/min) face à des espèces « répulsives » comme le Stachybotrys chartarum, producteur de mycotoxines, ou l’Aspergillus versicolor,retrouvé sur les fromages hollandais. Parallèlement, les acariens de stockage comme l’A. siro sont friands de moisissures, qui leur apportent des vitamines (B et D) comme le Penicillium.
En 2014, l’étude Icode (impact du compostage domestique sur environnement intérieur) a permis de détecter A. siro et des acariens pyroglyphides (Dermatophagoides pteronnyssinus et D. farinae), A. versicolor et A. alternata dans un périmètre de 50 cm autour des bio-seaux de compostage maison. Il faut donc nettoyer régulièrement autour de ces récipients.
Lors du bilan allergologique, cette association moisissures-acariens de stockage doit inciter à rechercher une allergie à ces derniers. Malheureusement, les tests cutanés à disposition et IgE spécifiques pour cette catégorie ne sont pas légion ! Les IgE spécifiques disponibles pour les acariens de stockage sont : Acarus siro, Glycyphagus domesticus, Lepidoglyphus destructor, Tyrophagus putrescentiae, Blomia tropicalis.
Impact du formaldéhyde
Ce produit cancérogène, irritant et allergisant fait partie des composés organiques volatils (COV) polluants. L’exposition à une faible dose de formaldéhyde potentialise la réponse de la muqueuse bronchique aux acariens chez les asthmatiques allergiques, selon une étude strasbourgeoise : les auteurs ont constaté une aggravation de la réponse à l’allergène inhalé lors des tests de provocation bronchique, après une exposition de 30 min à 100 µg/m3 de formaldéhyde (qui correspond à valeur limite pour l’air intérieur proposée par l’OMS en 2010).
Ainsi, il faut être très attentif à tous les éléments pouvant libérer du formaldéhyde dans l’environnement intérieur : peintures, meubles en bois aggloméré, colles pour les revêtements muraux et le sol, produits d’entretien, fumée de tabac. Pour un nourrisson dormant 20 h/j jour, il faut être vigilant lorsque l’on installe sa nouvelle chambre, avec des meubles en kit. Il faudrait aérer le lit et le matelas pendant 15 jours avant de le faire dormir dedans.
Des allergènes multiples
Les acariens sont des réservoirs à allergènes dont la quantité varie selon les espèces (encadré 1). C’est en général dans leur intestin moyen qu’ils sont sécrétés pour ensuite être expulsés dans leurs matières fécales. Ces allergènes se dispersent ensuite dans l’atmosphère et sur les textiles.
La majorité des allergènes d’acariens pyroglyphides sont des enzymes : cystéïnes-protéases, trypsine et chymotrypsine, amylases, collagénases, chitinases. Ces allergènes persistent longtemps après la mort des acariens. Pour les acariens de stockage, les allergènes sont des protéines de liaison aux acides gras, des homologues de la tropomyosine et de la paramyosine. Certains allergènes sont à l’origine d’allergies croisées alimentaires, avec la tropomyosine des crustacés, des mollusques, des insectes, ou respiratoires avec les blattes.
Cause d’asthme professionnel
Les acariens de stockage peuvent être à l’origine d’asthme professionnel chez les employés travaillant dans le stockage ou le transport de céréales (silos à grains), les dockers, les bateliers, les livreurs de produits en vrac, les meuniers, les boulangers, les pâtissiers. Pour les fromagers, l’A. siro et le Tyrophagus casei doivent être suspectés en cas d’asthme sur le lieu de travail. Les tapissiers ne sont pas épargnés, ainsi que les salariés de l’industrie de la pâte à papier. Les employés de zoo peuvent être concernés lorsqu’ils sont en contact avec les litières d’animaux contenant des acariens Tyrophagus. Les bibliothécaires aussi : les acariens peuvent propager les moisissures comme A. alternata dans les archives universitaires.
Fiche-patient : conseils de prévention
(Une version téléchargeable de cette fiche est disponible sur ce lien : https://www.larevuedupraticien.fr/outil/fiche-patient-mesures-deviction-des-acariens.)
La prise en charge d’une allergie aux acariens repose sur trois axes : les mesures d’éviction, le traitement médical et la désensibilisation. Les mesures de prévention à appliquer sont listées ci-dessous. Pour optimiser leur efficacité, elles doivent être réalisées conjointement.
Dans la chambre
- Éviter de faire sécher du linge humide, d’y installer un aquarium, des plantes vertes ou d’utiliser un appareil à vapeur.
- Fini le matelas en laine de grand-mère ou celui ayant un côté été et une face hiver ! Un modèle en mousse ou en latex (à condition de ne pas y être allergique) est l’option la plus adaptée. Oreiller, couette et couverture doivent être en tissu synthétique.
- Le matelas doit être aspiré longuement plusieurs fois par an. Il doit reposer sur un sommier à lattes et non tapissier ; pas de futon. C’est inutile est inefficace d’investir dans un matelas « traité contre les acariens » (attention aux publicités mensongères de la grande distribution !).
- L’aération de la chambre matin et soir (fenêtres ouvertes pendant 15 à 20 minutes) permet de renouveler l’air. Ouvrir le lit durant ce laps de temps.
- La température ambiante ne doit pas dépasser 19 °C et l’humidité relative doit se situer impérativement aux alentours de 50 % de taux d’hygrométrie.
- En cas de lits superposés, l’allergique doit choisir si possible le lit supérieur.
- Se doter d’une housse anti-acariens à tissage serré +++ (et pas d’une alèse !) qui entoure totalement le matelas et est hermétiquement fermée par une fermeture à glissière. Elle est étanche (grâce au film en polyuréthane) et la trame est suffisamment dense pour éviter le passage des acariens et permettre de les couper de la nourriture (squames de peau, kératine) et de la transpiration humaine (encadré 2).
- Laver draps, housse d’oreillers et couettes en coton à 60 °C, une fois par semaine.
- Mettre les peluches au congélateur pendant 24 h pour tuer les acariens puis les laver à 30 °C ou 40 °C pour débarrasser les jouets des corps d’acariens morts et de leurs déjections.
- Pour le sol, préférer le carrelage, le parquet vitrifié à l’eau ou flottant, le linoléum.
- Privilégier les bibliothèques avec vitrine. Les doubles rideaux sont des nids à poussière (donc à acariens), comme les canapés en tissu.
- L’utilisation d’acaricides est désormais fortement déconseillée car responsables de polluants d’air intérieur.
Choisir le bon aspirateur
- Utiliser un aspirateur avec sac et un filtre HEPA indice 13 (haute efficacité pour les particules aériennes). Les modèles sans sac sont à bannir (risque d’aérosol de poussière lorsqu’on vide le réservoir).
- Si système d’aspiration est centralisé : installation dans un local technique annexe. Nettoyage régulier des gaines souples pour limiter le développement de micro-organismes.
- Les purificateurs d’air n’ont pas fait la preuve de leur efficacité dans la lutte contre les acariens.
Ménage : les bons reflexes
- Pour éliminer la poussière, utiliser un tissu en microfibre ou un chiffon en coton légèrement imbibé d’eau, pour capter les acariens sans abimer les meubles. Oublier les sprays dépoussiérants, les huiles essentielles (polluants de l’air intérieur, inutiles et irritants) et les plumeaux qui déplacent la poussière !
- Si compostage à la maison : nettoyer régulièrement autour du bio-seau dans un périmètre de 50 cm.
- Les acariens se nourrissant de moisissures, toute infiltration ou source de développement fongique est à régler rapidement.
- En cas de séjour dans une location ou une résidence secondaire inoccupée pendant plusieurs semaines : bien aérer, passer l’aspirateur, laver les couvertures, mettre les housses anti-acariens.
Ne pas oublier les acariens de stockage !
Les acariens de stockage recherchent les zones les plus favorables pour leur développement : taux d’hygrométrie approchant 80 % et température avoisinant les 25 à 30 °C. Ainsi, ils sont présents dans les granges, les étables, les greniers à foin et les silos à grains, mais aussi dans la cuisine, la salle de bain ou même les toilettes et la literie, les interstices de plancher, les placards à provisions, les garde-manger, les meubles cannés, les chaises paillées ou rembourrées, les toits de chaume, les litières, les paquets de farine (ils peuvent coloniser un paquet ouvert en 2 mois), les murs humides et moisis.
En cas de séjour dans un endroit à climat (sub)tropical, conserver les farines dans des récipients hermétiquement fermés au réfrigérateur. Ces allergènes d’acariens ne sont pas détruits par la chaleur et peuvent être à l’origine d’anaphylaxie (en cas d’ingestion de plats contenant ces farines contaminées).
Limitez les sources de libération de formaldéhyde
- Meubles en agglomérés (aérer pendant 15 jours avant utilisation).
- Choisir des peintures avec le logo A+ garantissant une libération de formaldéhyde modérée.
- Bien aérer une pièce qui vient de bénéficier des transformation (colles pour sol ou papiers peints).
- Éviter certains produits d’entretien.
Dépister la présence d’acariens
La possibilité de dépister la présence d’acariens est offerte par l’Acarex-test, disponible en ligne ou en pharmacie. Il dose la quantité de guanine excrétée uniquement par les acariens. La meilleure solution reste l’intervention à domicile d’un CEI (conseiller en environnement intérieur). L’intervention est remboursée en cas de prescription médicale. Demander à son allergologue.
Allergènes des acariens
- D. pteronnyssinus : 32 allergènes sont actuellement identifiés et répertoriés dans le WHO/ IUIS Allergen nomenclature. Le dernier inscrit fin 2022 est le Der p40. L’allergène du groupe 1 (Der p1 : cystéine-protéase) est détruit à 60 °C, contrairement à l’allergène du groupe 2 (Der p2 : polypeptide se liant aux lipides) qui reste présent même chauffé à 100 °C. On estime qu’environ 20 à 40 particules fécales produites par jour contiennent chacune 0,1 ng à 10 ng de Der p1. Cet allergène majeur a pour particularité de modifier la perméabilité de la barrière bronchique lorsqu’il est inhalé, favorisant ainsi la traversée d’autres allergènes. Son seuil de sensibilisation, variable selon les individus, est estimé à 2 à 10 µg de Der p1/g de poussière. Les symptômes apparaissent dès que ce seuil est 5 fois plus élevé.
Le Der p10 est à l’origine d’allergies croisées alimentaires avec la tropomyosine des crustacés, mollusques, des insectes, ou respiratoires avec les blattes.
- D. farinae : 37 allergènes.
- T. putrescentiae : 16 allergènes.
- L. destructor : 5 allergènes.
Housses anti-acariens
Actuellement, ces housses ne sont pas remboursées, mais certaines mutuelles peuvent les prendre en charge.
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