Des chercheurs de l’université de Pennsylvanie, aux États-Unis, ont développé un moyen original pour réduire la quantité de particules virales dans la bouche des personnes infectées par le SARS-CoV-2 : il s’agit d’un chewing-gum qui piégerait le virus, réduisant potentiellement sa transmission…

 

Compte tenu du rôle que joue la cavité buccale dans la production d’aérosols infectieux (par la respiration, la toux, la parole…), sources de transmission du SARS-CoV-2, ces chercheurs ont voulu trouver un moyen d’y réduire la charge virale. Ils ont donc fabriqué un chewing-gum contenant des « pièges » à SARS-CoV-2 : l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2), récepteur utilisé par le virus pour infecter les cellules, et la toxine cholérique B (CTB), qui se lie aux récepteurs GM1 (une autre porte d’entrée possible du SARS-CoV-2 dans les cellules).

Ce chewing-gum jouerait ainsi un double rôle : d’une part, les protéines ACE2 qu’il contient peuvent se lier directement aux protéines Spike des particules du coronavirus présentes dans la salive pour les piéger ; d’autre part, la protéine CTB, en se liant aux récepteurs GM1 des cellules épithéliales orales, pourrait les « saturer » et empêcher alors l’entrée du virus dans celles-ci.

Dans cette étude préclinique, une dragée de chewing-gum (2 g) était fabriquée avec 50 mg de cellules végétales exprimant les protéines ACE2 et CTB (jusqu’à 17,2 mg d’ACE2/g de poids sec), libérées lors de la mastication. Sa composition était par ailleurs identique aux chewing-gums placebo utilisés dans l’expérience, et tous deux avaient les mêmes caractéristiques qu’un chewing-gum classique (composition : base de gomme 28,2 %, maltitol 20,4 %, sorbitol 13 %, xylitol 13 %, isomalt 13 %, arômes naturels et artificiels, stéarate de magnésium 3 %, dioxyde de silicium 0,43 % et stévia 0,65 %).

Les échantillons salivaires (0,15 mL) de 3 personnes positives au Covid-19 ont été traités in vitro avec soit 25 mg de gomme (participants 1 et 2) soit 50 mg (participant 3). La quantité de particules virales observée ensuite dans les échantillons traités avec le chewing-gum (même en faible quantité, 25 mg) était significativement réduite (de 95 %) par rapport aux échantillons traités avec la gomme placebo, eux-mêmes peu différents en termes de charge virale des échantillons non traités.

Ensuite, pour savoir si l’utilisation de cette technique permettait aussi de réduire potentiellement l’infectiosité des particules virales, les chercheurs ont utilisé des lentivirus exprimant la protéine Spike du SARS-CoV-2, avec lesquels ils ont infecté des cellules de hamster chinois exprimant l’ACE2. Pour tester la capacité du complexe ACE2-CTB des chewing-gums à neutraliser in vitro l’infection virale médiée par Spike, ils ont d’abord cultivé les lentivirus avec différentes quantités de chewing-gum (5 à 50 mg) pendant 90 min à température ambiante. Ces particules virales ont ensuite été cultivées pendant 72 heures avec les cellules de hamster. L’infection de ces cellules, mesurée via l’activité de la luciférase, était d’autant moins importante que la dose de chewing-gum ayant « traité » les particules virales avait été importante : autrement dit, le chewing-gum semblait utile pour inhiber l’infection des cellules, et ces capacités inhibitrices étaient fonction de la dose (à 50 mg d’ACE2-CTB, l’inhibition était la plus forte).

Ce second volet de l’expérience suggère donc que, outre son rôle de « piège à virus » pour réduire la charge virale dans les aérosols émis par les personnes infectées, ce chewing-gum pourrait aussi bloquer l’entrée du virus dans les cellules de l’hôte, soit par liaison directe à Spike, soit par liaison du complexe ACE2-CBTB aux récepteurs ACE2/GM1 des cellules.

Pour les auteurs de cette étude, ce dispositif pourrait être une option novatrice et abordable à ajouter dans la stratégie de lutte contre le Covid-19, en l’utilisant par exemple comme une solution provisoire dans les pays où les vaccins ne sont pas encore massivement disponibles, ou comme un complément à d’autres mesures barrières (masques…), en particulier pour augmenter la protection dans certains contextes (à domicile, lors de procédures orales et le nettoyage dentaire…).

Enfin, les auteurs expliquent que ces « pièges » que sont les récepteurs ACE2 utilisés dans le chewing-gum ont des interfaces de liaison suffisamment larges pour être efficaces dans l’inhibition des différents variants du SARS-CoV-2.

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus :

Daniell H, Nair SK, Esmaeili N, et al. Debulking SARS-CoV-2 in saliva using angiotensin converting enzyme 2 in chewing gum to decrease oral virus transmission and infection.Molecular Therapy 10 novembre 2021.