Pour faire face à l’antibiorésistance, la recherche de nouveaux traitements se poursuit. Dans deux essais randomisés parus dans le Lancet, un nouvel antibiotique a prouvé son efficacité dans les cystites, y compris celles impliquant des souches résistantes aux antibiotiques.

La gépotidacine est un nouvel antibiotique triazaacénaphthylène en cours d’étude pour le traitement des cystites non compliquées et des infections à Neisseria gonorrhoeae y compris avec les souches multirésistantes. C’est un inhibiteur de topo-isomérase qui interfère avec la réplication de l’ADN bactérien.

Deux essais de phase III randomisés, en double aveugle, multicentriques, ont été conduites entre 2019 et 2022 dans 15 pays (219 centres au total). Des femmes (âge > 12 ans), non enceintes, pesant au moins 40 kg et ayant au moins deux symptômes associés à la cystite non compliquée (signes fonctionnels urinaires tels que dysurie, urgenturie ou pollakiurie ; douleur abdominale basse) et la présence de nitrites et/ou de leucocytes à la bandelette urinaire étaient éligibles. Elles ont été aléatoirement réparties pour recevoir soit de la gépotidacine per os (1 500 mg 2 fois par jour, pendant 5 jours) soit de la nitrofurantoïne per os (100 mg 2 fois par jour, pendant 5 jours). Pour rappel, cette dernière est actuellement indiquée en première intention dans le traitement probabiliste des cystites aiguës à risque de complications ; les cystite aiguës simple (sans facteur de risque de complication) sont traitées en première intention par fosfomycine-trométamol (HAS, 2021).

Dans l’essai EAGLE- 2, sur les 1 531 patientes (âge moyen : 52,4 ans), 767 ont reçu de la gépotidacine et 764 de la nitrofurantoïne. Dans l’essai EAGLE- 3, sur les 1 605 patientes (âge moyen : 50,4 ans) 805 de la gépotidacine et 800 de la nitrofurantoïne.

Le critère de jugement était la guérison définie à la fois par la résolution clinique complète des symptômes et la résolution microbiologique (réduction de la concentration des pathogènes dans les urines à moins de 10^3 CFU/mL) sans qu’il y ait eu besoin de recourir à d’autres antibiothérapies systémiques. Cette définition restrictive de la guérison recommandée par la FDA et l’EMA avait été peu utilisée dans les essais jusqu’à présent. Quatre visites médicales ont été menées pour évaluer l’efficacité et la sécurité des traitements : à l’inclusion (J1), durant le traitement (entre J2 et J4), évaluation de la guérison (entre J10 et J13) et suivi (entre J25 et J30). Après une analyse intermédiaire, les deux études ont été interrompues pour des raisons d’efficacité ; la population analysée a donc inclus seulement les patientes qui, à ce moment-là, avaient déjà la visite d’évaluation de la guérison ou dont on connaissait déjà l’échec thérapeutique.

Résultats : dans EAGLE- 2, 50,6 % des patientes ayant reçu de la gépotidacine et 47 % de celles ayant reçu de la nitrofurantoïne étaient guéries (différence ajustée de 4,3 % ; IC95 % : - 3,6 à 12,1). Dans EAGLE- 3, ces proportions étaient respectivement de 58,5 % et 43,6 % (différence ajustée de 14,6 %, IC95 % : 6,4 à 22,8). La gépotidacine était donc non inférieure à la nitrofurantoïne dans les deux études et supérieure à la nitrofurantoïne dans l’étude EAGLE- 3.

Les effets indésirables, dont la plupart étaient légers à modérés, ont concerné 35 % des participantes traitées par gépotidacine dans les deux essais, contre 22 % et 25 % de celles traitées par nitrofurantoïne respectivement dans EAGLE- 2 et EAGLE- 3 ; ceux considérés en lien avec le traitement ont concerné 26 % et 27 % des patientes dans les groupes gépotidacine contre 12 % et 14 % dans les groupes nitrofurantoïne. Dans les groupes gépotidacine, la diarrhée était l’EI le plus fréquent (14 % et 18 % des patientes, contre 4 % dans les groupes nitrofurantoïne), suivie des nausées (11 % et 8 % des patientes, contre 4 % et 3 % dans les groupes nitrofurantoïne). Aucun événement menaçant le pronostic vital n’est survenu.

Par ailleurs, l’utilisation d’antibiothérapies supplémentaires avec d’autres molécules est restée faible (< 12 %) dans tous les groupes jusqu’à la visite de suivi et les taux de récidive clinique (en l’absence d’antibiothérapie supplémentaire) étaient également faibles lors de la visite de suivi (< 4 %).

Enfin, dans des analyses de sous-groupes, la gépotidacine a montré une efficacité thérapeutique contre E. coli , le principal pathogène responsable des cystites non compliquées, y compris les phénotypes d’E. coli  résistants aux antibiotiques, mais aussi contre d’autres espèces moins souvent en cause (K. pneumoniae, P. mirabilis, les souches du complexe C  freundii, S. saprophyticus et E. faecalis). Compte tenu de la prévalence mondiale croissante de la résistance aux antimicrobiens, ces résultats suggèrent que la gépotidacine pourrait être un nouveau traitement oral des cystites non compliquées.