Le vieillissement est associé à une perte de souplesse des artères, elle-même liée à un risque cardiovasculaire accru. De plus, au cours du vieillissement, d’autres facteurs, comme l’hypertension ou le diabète, peuvent accélérer ce processus de perte de souplesse artérielle. Plusieurs méthodes utilisées pour évaluer la rigidité artérielle permettent de prédire le risque de survenue d’événements cardiovasculaires, mais ne sont pas recommandées actuellement pour l’évaluation de ce risque en pratique clinique.
Le CAVI (Cardio-Ankle Vascular Index) est un outil relativement nouveau permettant d’évaluer la rigidité artérielle de façon non invasive. Deux brassards sont placés autour de chaque bras, deux autres autour des chevilles et un microphone au niveau du cœur pour mesurer la vitesse de circulation du sang, ce qui permet d’estimer la rigidité de l’artère fémorale à l’artère tibiale de façon indépendante de la PA. Ensuite, un indice chiffré est calculé : plus le numéro est élevé, plus les artères sont rigides (une valeur < 8 est considérée normale, entre 8 et 9 elle est considérée comme « limite », et une valeur ≥ 9 signe une rigidité artérielle importante). Si la valeur du CAVI est associée à la prévalence de facteurs de risque CV, sa valeur prédictive quant au risque de survenue d’événements CV reste à établir.
Une équipe de recherche de l’Inserm, l’Université de Lorraine et le CHRU de Nancy a donc recruté plus de 2 000 participants âgés de 40 ans et plus dans 18 pays européens pour explorer cette association et évaluer l’intérêt de la mesure du CAVI pour prédire le risque CV. Les résultats de cette étude de cohorte longitudinale internationale nommée TRIPLE-A-Stiffness sont publiés dans la revue eBioMedicine .
Le risque CV augmente de 25 % pour chaque point supplémentaire de CAVI
Dans cette cohorte, 1 250 sujets ont été suivis pendant une durée médiane de 3,82 ans. Dans ce groupe, 51 % étaient des femmes, la prévalence du syndrome métabolique était de 75 % – plus précisément, l’IMC moyen était de 29,30 kg/m2, 81 % avaient une HTA, 71 % une dyslipidémie, 33 % une maladie CV et 23 % un diabète. Enfin, 78 % prenaient un traitement antihypertenseur et 51 % un traitement hypolipémiant. Le score CAVI moyen à l’inclusion était de 8,35.
Trois visites étaient réalisées pendant le suivi – à l’inclusion, à 2 ans et à 5 ans – pour évaluer la progression de la rigidité artérielle et surveiller les facteurs de risque et la morbimortalité CV. Cette dernière incluait les pathologies cardiaques et cérébrovasculaires, tels qu’infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, AVC, AIT, et les interventions cardiaques. La mortalité toutes causes a aussi été enregistrée.
La valeur du CAVI à l’inclusion était associée au risque de morbimortalité CV chez les sujets de 60 ans et plus, d’après l’analyse statistique ajustée pour le sexe, l’âge et les facteurs de risque CV : chaque augmentation d’un point du CAVI – signant une hausse d’environ 10 % de la rigidité artérielle – était associée à un risque accru de 25 % de survenue d’un événement cardiovasculaire dans les années suivant la mesure (HR = 1,25 ; IC95 % : 1,03 - 1,51). Pour la mortalité toutes causes, l’augmentation du risque était de 37 % pour chaque augmentation d’un point du CAVI.
Lorsqu’ils se sont intéressés à l’évolution du CAVI sur la période de suivi, les chercheurs ont constaté que l’âge, la PA et les traitements antidiabétique et hypolipémiant étaient des facteurs prédictifs indépendants de l’évolution de la rigidité artérielle. Ces observations, encore à l’étude, soulignent le potentiel du CAVI en tant que mesure des facteurs de risque CV modifiables, et suggèrent que ces traitements pourraient permettre de ralentir la progression de la rigidité artérielle.
Enfin, ils ont observé qu’un CAVI > 9,25 était associé à un risque CV élevé à partir de 60 ans.
« Nos résultats suggèrent que l’indice CAVI pourrait être un outil de mesure de prédiction du risque cardiovasculaire, facile, rapide et non invasif. [Il] pourrait figurer à l’avenir parmi la liste des examens recommandés en clinique pour prédire le risque cardiovasculaire d’une personne et lui apporter un suivi préventif », explique Magnus Bäck, premier auteur de l’étude.
Bäck M, Topouchian J, Labat C, et al. Cardio-ankle vascular index for predicting cardiovascular morbimortality and determinants for its progression in the prospective advanced approach to arterial stiffness (TRIPLE-A-Stiffness) study. eBioMedecine 16 avril 2024.