Lorsqu’elles sont très fréquentes, les cystites récidivantes font l’objet d’une prévention par antibiothérapie au long cours, mais celle-ci est remise en question par ses conséquences sur l’antibiorésistance. Un vaccin pourrait être la solution, selon un essai randomisé contre placebo publié dans le NEJM.

Les cystites récidivantes (> 3 épisodes par an) concerneraient 5 à 10 % des femmes. Aujourd’hui, la stratégie en cas de récidives très fréquentes (au moins 1 épisode par mois) est l’antibiothérapie prophylactique, outre les mesures visant à s’opposer à la colonisation bactérienne de l’urètre (régularisation du transit intestinal, miction post-coïtale, hydratation régulière > 2 L/j notamment avec du jus de cranberry…).

L’antibiothérapie prophylactique est toutefois associée à une incidence non négligeable d’effets indésirables et contribue au risque d’antibiorésistance. C’est pourquoi d’autres stratégies de prévention sont à l’étude.

Des pistes immunomodulatrices sont étudiées depuis plusieurs décennies, notamment un vaccin nommé MV140. Il s’agit d’une suspension orale contenant 4 espèces bactériennes entières inactivées par la chaleur (Escherichia coli, Klebsiella pneumoniæ, Enterococcus fæcalis et Proteus vulgaris). Plusieurs études non randomisées ou observationnelles ont suggéré l’efficacité de ce vaccin sur des périodes de suivi variables. Néanmoins, ces résultats n’avaient pas encore été contrôlés par un essai randomisé en double aveugle contre placebo. C’est chose faite, grâce à une étude parue dans le NEJM, dont les résultats sont encourageants.

60 % moins de récidives avec le vaccin

Dans cet essai conduit en Espagne et au Royaume-Uni, 240 femmes âgées de 18 à 75 ans souffrant de cystites récidivantes (définies par l’occurrence d’au moins 5 épisodes de cystite non compliquée au cours de l’année précédente) ont été recrutées entre octobre 2015 et avril 2019.

Elles ont été aléatoirement assignées (1 :1 :1) pour recevoir : soit un placebo pendant 6 mois, soit le vaccin MV140 pendant 3 mois et un placebo pendant 3 mois, soit le vaccin MV140 pendant 6 mois. L’âge médian dans chacun des trois groupes était respectivement de 48, 55 et 47 ans. Il n’y avait pas de différence entre les groupes concernant les facteurs tels que les pathologies métaboliques, cardiovasculaires, le tabagisme ou la ménopause, ni dans le nombre médian d’épisodes de cystite survenus dans l’année précédant l’inclusion (6 épisodes).

Le vaccin comme le placebo étaient administrés par voie sublinguale (spray), à raison de 200 µL/j tous les jours pendant toute la durée du traitement. Les participantes étaient suivies pendant 6 mois après la fin de celui-ci (pour une durée totale de l’étude de 12 mois).

Le critère principal de jugement était le nombre d’épisodes de cystite survenus dans les 9 mois suivant les 3 premiers mois de traitement. Les critères de jugement secondaire incluaient le nombre de femmes dans chaque groupe n’ayant pas eu d’épisode de cystite du tout pendant le suivi, leur qualité de vie autoévaluée par un questionnaire et le nombre d’épisodes de cystites et/ou de participantes n’ayant pas eu d’épisode dans les 6 derniers mois de l’étude (après 6 mois de traitement).

Résultats : le nombre médian d’épisodes de cystite par patiente sur les 9 mois de suivi était de 3,0 (0,5 - 6,0) dans le groupe placebo, contre 0,0 (0,0 - 1,0) dans les deux groupes traités. Dans le groupe placebo, 42 femmes ont eu au moins 3 épisodes de cystite, contre 12 dans le groupe traité pendant 3 mois et 9 dans celui traité pendant 6 mois. Par ailleurs, 56 % des femmes ayant reçu le vaccin pendant 3 mois et 58 % de celles l’ayant reçu pendant 6 mois n’ont pas eu de cystite pendant le suivi, contre 25 % de celles recevant le placebo. Au total, par rapport aux femmes ayant reçu un placebo, les participantes traitées pendant 3 mois avaient 64 % moins de risque d’avoir une récidive dans les 9 mois suivants (HR = 0,36 ; IC95 : 0,23 - 0,56). Ce chiffre était de 67 % pour celles traitées pendant 6 mois (HR = 0,33 ; IC95 % : 0,21 - 0,54).

Profil d’effets indésirables rassurant

Un total de 205 événements indésirables a été enregistré chez 101 participantes : 81 dans le groupe placebo et respectivement 76 et 48 dans les groupes traités 3 et 6 mois. Les plus fréquents (≥ 5 % des participantes) étaient les infections pulmonaires, les candidoses et les vaginites. Sept événements indésirables graves sont survenus, mais sans lien plausible avec le traitement (embolie pulmonaire, hystérectomie…).

Neuf effets indésirables considérés en lien avec le traitement sont survenus chez 5 participantes (2 dans le groupe placebo et 3 dans le groupe ayant reçu le vaccin pendant 3 mois), résolus sans séquelles. Ils étaient majoritairement locaux et légers (démangeaisons et douleurs buccales).

Les auteurs en ont conclu que ces résultats confirmaient la protection durable (au moins jusqu’à 1 an) conférée par ce vaccin administré pendant 3 mois, avec un profil d’effets indésirables rassurant, mais que l’efficacité et la sûreté à plus long terme doivent encore être évaluées par davantage d’études.

D’après
Sublingual MV140 for Prevention of Recurrent Urinary Tract Infections.  N Engl J Med Evid 2022;1(5).
À lire aussi :
Nobile C. Entretien avec le Pr François Desgrandchamps. Cystites récidivantes : les stratégies qui ont fait leurs preuves.  Rev Prat (en ligne) 2 août 2022.

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