Si plusieurs études ont évoqué un lien entre sommeil et santé CV, elles se sont généralement focalisées sur un seul paramètre (durée, apnées du sommeil…). Pour la première fois, un grand essai francosuisse a examiné l’effet conjoint de 5 paramètres du sommeil et de leur évolution dans le temps sur la survenue de coronaropathies et d’AVC.

Les travaux portant sur les liens entre le sommeil et le risque cardiovasculaire ont jusqu’à présent surtout étudié un seul paramètre du sommeil (durée, présence ou non d’apnées du sommeil, d’insomnie, de ronflements…) à un moment précis. Pour la première fois, une grande étude francosuisse a examiné l’effet conjoint de 5 paramètres du sommeil et de leur évolution dans le temps sur la survenue de coronaropathies et d’accidents vasculaires cérébraux.

Les chercheurs ont combiné les données de deux cohortes prospectives des études « Paris Prospective Study III (PPS3) » et « CoLaus | PsyCoLaus Study » (à Lausanne), pour un total de 11 347 participants âgés d’entre 53 et 64 ans sans antécédent de maladie CV (âge moyen : 58,9 ans ; 44,6 % de femmes). Les covariables prises en compte comprenaient des facteurs de risque tels que le tabagisme, la consommation d’alcool, le niveau d’activité physique, l’IMC, l’HTA, la dyslipidémie…

Plus le score de « bon » sommeil est élevé, plus le risque CV diminue

À l’inclusion, un score de sommeil (Healthy Sleep Score [HSS] allant de 0 à 5) a été constitué pour chaque participant à partir de ses réponses (autoévaluation) à des questionnaires validés concernant 5 paramètres du sommeil : durée du sommeil et symptômes d’insomnie (grâce au Modified Pittsburgh Sleep Quality Index), syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil [SAHOS] (Berlin Questionnaire), somnolence diurne excessive (Epworth Sleepiness Scale) et chronotype (réponse à la question : « êtes-vous plutôt du matin ou du soir ? »).

Chaque paramètre valait 1 point s’il était optimal et 0 dans les autres cas. Ainsi, un participant avait un score HSS plus élevé (reflétant un comportement de sommeil optimal) s’il réunissait les conditions suivantes : chronotype « du matin », durée du sommeil de 7 à 8 heures par nuit, absence (ou quasi-absence) de symptômes d’insomnie, absence de SAHOS et de somnolence diurne excessive.

Durant un suivi de durée médiane 8,9 ans, 499 événements CV sont survenus (399 coronaropathies et 175 AVC). L’analyse statistique a révélé que le risque CV était plus faible lorsque le score HSS initial était élevé, c’est-à-dire lorsque la qualité du sommeil était meilleure : en effet, une diminution de 18 % du risque était observée pour chaque augmentation de 1 point du score HSS. Plus précisément, par rapport aux personnes ayant un score de 0 - 1, le risque était réduit de 10 % pour celles ayant un score de 2, de 19 % pour celles ayant un score de 3 (catégorie comprenant un tiers des participants), de 38 % pour un score de 4 et enfin de 63 % pour celles ayant un score optimal de 5.

Les auteurs ont ainsi estimé la proportion d’événements CV qui serait potentiellement attribuable à une mauvaise qualité du sommeil : d’après cette analyse, entre 30 % et 60 % de ces événements pourraient être évités si au moins 4 des 5 paramètres de sommeil examinés étaient à des niveaux optimaux.

L’amélioration du sommeil au cours du temps est aussi associée à un moindre risque CV

Pour un sous-groupe de participants (N = 9 309), une nouvelle estimation du score HSS a été réalisée 2 à 5 ans après l’inclusion. Elle a révélé une évolution des comportements du sommeil chez 19,1 % de ces personnes : 11 % ont eu une dégradation de la qualité du sommeil (diminution du score HSS, passant de ≥ 3 à l’inclusion à < 3 à la seconde mesure) et 8,1 % une amélioration (hausse du score, de < 3 à l’inclusion à ≥ 3 à la seconde mesure).

Ce sous-groupe a ensuite été suivi pendant une durée médiane 6,0 ans. Dans cette période, 262 événements CV sont survenus (194 coronaropathies et 72 AVC). Selon l’analyse statistique, le risque CV diminuait de 16 % pour chaque augmentation de 1 point du score HSS.

Ces résultats étayent l’importance de mieux informer la population sur l’importance d’avoir des comportements de sommeil adéquats, ainsi que de traiter, le cas échéant, les troubles du sommeil tels que les SAHOS et l’insomnie.

Pour en savoir plus
Nambiema A, Lisan Q, Vaucher J, et al. Healthy sleep score changes and incident cardiovascular disease in European prospective community-based cohorts.  Eur Heart J 20 octobre 2023.

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