La mauvaise haleine est une plainte courante des patients, tant son retentissement social et psychologique est important. Pourtant, à part l’hygiène bucco-dentaire, aucun traitement n’est validé aujourd’hui. Une méta-analyse sur des essais randomisés suggère une nouvelle piste thérapeutique…

L’halitose – mauvaise odeur provenant de la cavité buccale – est une affection fréquente (sa prévalence estimée est très variable : entre 20 % et 50 % selon les études). Son retentissement sur la qualité de vie peut être important, allant jusqu’à favoriser la survenue de troubles psychologiques et l’isolement social.

D’origine intra-orale dans 85 à 90 % des cas, elle est causée principalement par la présence de composés sulfurés volatiles (CSV : méthylmercaptan [CH3SH], sulfure de diméthyle [(CH3)2S], disulfure de diméthyle et sulfure d’hydrogène [H2S]) produits par un processus de putréfaction dans la cavité orale – la dégradation bactérienne des acides aminés (méthionine, cystéine) issus des débris des cellules épithéliales et des leucocytes présents dans la plaque bactérienne, le sang, la salive et l’enduit lingual. Une mauvaise hygiène buccale, l’enduit lingual et les maladies parodontalesen sont les principaux responsables ; des bactéries telles que Fusobacterium nucleatum, Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia, Prevotella nigrescens et Treponema denticola impliquées dans ces dernières pourraient, en effet, favoriser la production de CSV.

Le traitement actuel repose sur une bonne hygiène bucco-dentaire, avec brossage voire raclage de la langue avec des instruments prévus à cet effet chez les patients ayant un enduit lingual épais. Des bains de bouche sont aussi utilisés : « rafraîchissants », vendus dans les commerces, ou antiseptiques, dans les pharmacies, mais l’utilisation prolongée de ces derniers peut entraîner des effets indésirables (dysbioses, coloration des dents, altérations du goût). C’est pourquoi de nouvelles possibilités thérapeutiques sont explorées, en particulier l’utilisation de probiotiques ; en tant que microorganismes vivants, ceux-ci pourraient, en effet, apporter des bénéfices en termes de régulation du microbiote local par la prévention de l’adhésion des agents pathogènes et l’inhibition de leur croissance. L’administration de probiotiques a été évaluée dans le traitement d’autres pathologies buccales (maladies parodontales et péri-implantaires, caries, candidose buccale…), mais dans l’halitose les preuves sont encore insuffisantes. Une revue systématique récente avec méta-analyse sur des essais randomisés suggère un bénéfice… Ses conclusions ont été publiées dans le British Medical Journal.

Les chercheurs ont analysé 7 essais randomisés dont le nombre de participants allait d’une vingtaine à une soixantaine ; les sujets avaient entre 19 et 70 ans. Les groupes traités avec des probiotiques recevaient, selon l’étude, des Lactobacillus saluvarius, Lactobacillus reuteri, Streptococcus salivarius et/ou Weissella cibaria, avec des galéniques et en quantités différentes (allant de 1x108 à 2x10unités, en capsules, tablettes, chewing-gums ou poudre).

Les objectifs primaires étaient évalués par un score organoleptique reflétant la perception subjective de l’halitose, d’une part, et par les concentrations de CSV, d’autre part. Pour le premier score, les sujets devaient fermer la bouche durant 1 minute puis exhaler lentement à 10 cm de distance de l’évaluateur. Pour le second, 1 mL d’air buccal était prélevé pour mesurer les CSV après que les sujets eurent fermé la bouche pendant 5 minutes. Les objectifs secondaires comprenaient une évaluation de l’enduit lingual et de plaque bactérienne.

À court terme (≤ 4 semaines), le score organoleptique et le niveau de CSV diminuaient significativement dans les groupes recevant des probiotiques (différence moyenne standardisée [DMS] = -0,58 pour le premier et DMS = -0,26 pour le second). Néanmoins, à long terme (> 4 semaines), seule la diminution du score organoleptique était significative. Les chercheurs expliquent cette différence par la variation du microbiote oral et de son abondance au fil du temps, qui pourrait affecter l’efficacité des probiotiques au regard de la concentration de CSV. Enfin, aucune différence significative n’a été observée sur les objectifs secondaires.

Ainsi, certains probiotiques semblent pouvoir atténuer l’halitose à court terme, en réduisant la concentration de CSV, mais sans qu’un effet significatif soit constaté sur sa principale cause (plaque bactérienne, enduit de la langue). Compte tenu de l’hétérogénéité des essais cliniques inclus dans cette méta-analyse (en particulier, différence dans les types de probiotiques, dans les doses administrées et leurs fréquences, dans la durée du traitement, limitant la comparaison des résultats), les auteurs en concluent que d’autres essais cliniques randomisés de haute qualité sont encore nécessaires pour fournir davantage de preuves de l’efficacité des probiotiques dans cette indication.

Pour en savoir plus
Huang N, Li J, Qiao X, et al. Efficacy of probiotics in the management of halitosis: a systematic review and meta-analysis.  BMJ Open 2022;12:e060753.