Le traitement hypolipémiant par statines a amplement démontré son efficacité dans la baisse du LDL-cholestérol et la prévention CV, mais les problèmes de tolérance limitent son utilisation dans les populations à haut risque. Une nouvelle molécule ayant un mode d’action original (active dans le foie et non dans les muscles) semble une alternative efficace d’après une étude parue dans le NEJM sur 14 000 patients intolérants aux statines.

Les inquiétudes sur la tolérance aux statines limitent leur utilisation chez les patients à haut risque CV. L’adhérence au traitement est parfois problématique, ne permettant pas dans tous les cas d’atteindre les taux de LDL-c recommandés. Il existe donc un réel besoin d’alternatives thérapeutiques.

L’acide bempédoïque est une nouvelle molécule hypolipémiante ayant une pharmacocinétique et un mode d’action original. Il s’agit en effet d’une prodrogue inhibitrice de l’ATP citrate lyase sélectivement métabolisée dans le foie et non dans les tissus périphériques, capable de diminuer le LDL-cholestérol en agissant en amont des statines dans le métabolisme des lipides. Grâce à ces caractéristiques, elle est associée à une faible incidence d’événements indésirables musculaires.

Dans ce vaste essai clinique de phase III – CLEAR –, les auteurs ont évalué pour la première fois son efficacité clinique, c’est-à-dire sa capacité à prévenir les événements cardiovasculaires chez des patients à haut risque CV intolérants aux statines.

Ainsi, cette étude a inclus des patients de 18 à 85 ans (âge moyen : 65 ans ; 48 % des femmes ; 44 % de diabétiques), dont 70 % en prévention secondaire et 30 % en prévention primaire à haut risque, avec un LDL-c  > à 1 g/L, intolérants aux statines prises à dose efficace, généralement en raison d’effets indésirables musculosquelettiques ; 22 % étaient sous statines à faible dose.

Au total, 13 970 patients ont été randomisés en double aveugle pour recevoir soit un placebo soit de l’acide bempédoïque par voie orale, à la posologie de 180 mg par jour. La durée médiane du suivi était de 40,6 mois. Le critère d’évaluation principal était un critère composite constitué de 4 événements cardiovasculaires majeurs : décès de causes cardiovasculaires, infarctus du myocarde non fatal, AVC non fatal ou revascularisation coronaire.

Une réduction des événements cardiovasculaires 

Les résultats sont parus dans le NEJM en mars 2023. Le taux moyen de LDL-c était au départ de 1,39 g/L en moyenne dans les deux groupes. Après 6 mois, la réduction du LDL-c était significativement plus importante, de 21,1 %, avec l’acide bempédoïque qu’avec le placebo (– 0,29 g/L). Le taux moyen de hsCRP était également significativement abaissé par cette molécule.

Après un suivi médian de 40,6 mois, l’incidence du critère principal de jugement est significativement inférieure dans le groupe de patients traités par acide bempédoïque : 11,7 % vs 13,3 %, soit une diminution de 13 %. C’était le cas aussi pour la plupart des critères secondaires : critère composite décès de cause CV + infarctus du myocarde + AVC ; incidence des infarctus myocardiques fatals et non fatals ; revascularisation coronaire seule. Pour les AVC ou les décès seuls, les différences n’étaient pas significatives.

Et la tolérance ?

L’incidence des douleurs musculaires était similaire dans les 2 groupes : des myalgies étaient rapportées par 5,6 % des patients du groupe acide bempédoïque versus 6,8 % du groupe placebo. Le taux d’arrêt du traitement pour effets secondaires était également comparable (10 % dans les 2 groupes). En revanche, l’incidence des crises de goutte et des lithiases était plus élevée avec l’acide bempédoïque qu’avec le placebo (3,1 % contre 2,1 % et 2,2 % contre 1,2 %, respectivement), de même que l’augmentation de la créatininémie (11,5 % vs 8,6 %), de l’uricémie (10,9 % vs 5,6 %) et des taux d’enzymes hépatiques (4,9 % vs 3,0 %).

Les auteurs en concluent que, chez les patients à haut risque CV intolérants aux statines, le traitement par acide bempédoïque est associé à un risque plus faible d’événements CV majeurs (décès de cause CV, infarctus du myocarde non fatal, AVC non fatal ou revascularisation coronaire), sans sur-risque de symptômes musculaires ou d’arrêt du traitement par rapport au groupe placebo.

Cette molécule pourrait donc être proposée aux patients intolérants ou réfractaires aux statines, sous réserve de confirmer sa bonne tolérance, notamment hépatique, en vie réelle. Le coût du traitement sera aussi un élément clé pour sa prescription. L’acide bempédoïque a actuellement un AMM européenne pour « le traitement des adultes atteints d’hypercholestérolémie primaire (hétérozygote familiale et non familiale) ou de dyslipidémie mixte, en complément d’un régime alimentaire ».

Pour en savoir plus
Nissen SE, Lincoff AM, Brennan D, et al. Bempedoic Acid and Cardiovascular Outcomes in Statin-Intolerant Patients.  N Engl J Med 4 mars 2023.

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