Une psychothérapie ne guérit pas un psoriasis. En revanche, elle peut aider les patients à mieux accepter la chronicité de leur maladie. Les traitements actuels sont très efficaces, mais il est rare que les patients soient améliorés à 100 % et surtout durablement.
Il est important de souligner que, pour le patient, le stress peut être un facteur déclenchant de la maladie et de poussées ultérieures et que le médecin doit éviter de culpabiliser les patients.
Le psoriasis n’est pas une maladie psychosomatique. Cette affection chronique dépend de facteurs génétiques et environnementaux. C’est une maladie polygénique (25 variantes génétiques identifiées1 et dans 40 % des cas il existe une histoire familiale de psoriasis). Les saisons, les infections, certains médicaments, les traumatismes locaux et enfin le stress sont les principaux facteurs environnementaux intervenant pour l’expression génétique. Les traitements actuels peuvent radicalement changer la vie des patients sévèrement atteints.

Le stress peut déclencher le psoriasis


Le stress peut déclencher la première poussée de la maladie (deuil, séparation, échec…) et pour certains patients de nombreuses poussées ultérieures. Même si le stress n’est identifié comme promoteur de poussées que dans 30 à 40 % des cas, ce pourcentage en fait le plus fréquent des facteurs environnementaux favorisants. Il semble y avoir des patients atteints de psoriasis « répondeurs » au stress et d’autres « non répondeurs ».
Ce facteur est donc loin d’être univoque comme déclencheur, mais s’il n’est jamais la cause du psoriasis, il est souvent présent dans l’histoire de la maladie.
Le mécanisme physiologique2 qui aboutit à l’accentuation du psoriasis par le stress passe par les axes hypothalamus-hypophyse-surrénales et adrénomédullaire sympathique qui interagissent avec les fonctions immunitaires. Chez les patients souffrant de psoriasis, on peut induire des taux d’épinéphrine et de norépinéphrine en réaction au stress supérieurs à ceux des témoins non psoriasiques. De même, entre les « répondeurs » et les « non-répondeurs » au stress, le dosage du cortisol plasmatique et salivaire montre un taux plus faible chez les répondeurs.2
Les « répondeurs » au stress semblent juger leur psoriasis plus grave2 que les non-répondeurs lors d’évaluations objectives comparables faites par des médecins expérimentés. Ils déclenchent aussi plus que les « non-répondeurs » des psoriasis qui, à surface totale atteinte égale, touchent plus souvent les zones fortement émotionnelles (et plus gênantes) comme le cuir chevelu, le visage, le dos des mains et les organes génitaux externes.
En consultation spécialisée, on rencontre souvent des patients qui répètent « c’est psychologique », « je suis trop stressé » parce qu’on le leur a répété sans cesse. Ils culpabilisent. En les interrogeant bien, nombre de ces patients ne voient pas en fait de relation nette entre des événements stressants et l’apparition des poussées de psoriasis et ne doivent pas être considérés comme des répondeurs au stress.
Il a été prouvé que les mécanismes biologiques reliant le stress au psoriasis aboutissent à la plaque caractéristique en 2 jours à 1 mois3 et il n’est pas rare qu’un patient dise par exemple « mon psoriasis est apparu après la mort de mon père » qui a eu lieu 3 ans plus tôt ! Tant on lui a répété que son psoriasis était « psychologique ».
Le médecin, est un peu désarçonné par la difficulté de prendre en charge une maladie chronique qui semble très mal vécue par le patient mais qui, somme toute, lui paraît moins grave qu’une maladie cardiovasculaire ou un diabète. Il ne doit pas céder à la tentation de « rejeter le patient dans les cordes » et de penser que « c’est le stress » car cela ne solutionne rien et culpabilise le malade (v. encadré). D’autant plus que les thérapeutiques actuelles peuvent radicalement changer la vie des patients sévèrement atteints.

Le psoriasis est facteur de stress


Les patients psoriasiques ont plus que les autres des troubles psychologiques avérés :
– dans 30 % des cas des dépressions surtout mais aussi des troubles anxieux ou des idées suicidaires (fig. 1 et 2) ;
– des addictions à l’alcool (3 fois plus fréquentes que dans la population générale) et au tabac (8 fois plus fréquentes dans le psoriasis pustuleux palmo-plantaire et 2 fois plus fréquentes chez la femme pour les autres formes de psoriasis à partir de 15 cigarettes par jour).
Il est difficile de faire la part des facteurs psychologiques favorisant le psoriasis de ceux liés au poids de la maladie. En effet, il donne une mauvaise image de soi, crée des problèmes relationnels dans la vie amoureuse, sexuelle, dans le travail et dans toutes les activités sociales où le corps est découvert, voire en permanence pour ceux qui ont des lésions socialement évidentes (fig. 3).
Les questionnaires de qualité de vie montrent avec quelle intensité les patients atteints de psoriasis modéré à sévère ont la vie bouleversée par la maladie.
Des comparaisons d’échelles de vécu des maladies en général ont montré que le psoriasis était aussi lourd psychologiquement que les maladies cardiovasculaires graves ou les cancers.

Le stress nuit à l’efficacité du traitement du psoriasis


La dépression et le stress diminuent l’énergie et la confiance dans l’avenir. Bien entendu, ces facteurs rendent plus difficiles les traitements au long cours. Cette maladie chronique nécessite des soins locaux plus ou moins contraignants ou la prise régulière de traitements impliquant des contrôles biologiques réguliers ou des déplacements fréquents comme la photothérapie. L’observance correcte est seulement évaluée à 50 % chez les psoriasiques.
La dépression perturbe le choix du traitement, en rendant plus difficile pour le patient l’acceptation d’un traitement systémique, cela à son détriment.

Comment réduire l’impact psychologique de la maladie ?


Le premier objectif est de traiter efficacement le psoriasis – ce qui est désormais possible (v. p. 978) – en tenant compte de la sévérité de la maladie, des désirs du patient, de ses peurs et de sa vie quotidienne. L’impact positif sur la dépression peut être net sans même nécessiter d’autre intervention.
Il faut également tenir compte de la dimension psychologique de cette affection :
– par une relation médecin-patient de qualité, empathique, aidante qui sera déjà d’une grande utilité d’autant plus que les résultats du traitement, bien qu’appréciables, ne sont pas immédiats ;
– par une bonne appréciation du niveau de stress et de dépression pour dépister, parmi les patients, ceux qui ont besoin de soins en urgence et d’une prise en charge médicamenteuse rapide par antidépresseurs et/ou anxiolytiques, voire une prise en charge spécialisée.

Quelle indication pour une psychothérapie ?


Une psychothérapie peut être proposée aux patients « répondeurs » au stress qui vivent mal le stress au quotidien pour aider à diminuer les récidives et améliorer leur vie par une meilleure gestion de ce stress.
La psychothérapie peut soutenir les patients qui n’arrivent pas à accepter la chronicité de la maladie. Malgré les traitements efficaces, il est rare que l’amélioration soit totale et surtout permanente. Par ailleurs, même si la maladie est bien contrôlée, elle récidive si le patient arrête son traitement. Une psychothérapie peut aider les patients à accepter cet état de fait et vivre mieux avec. Enfin, ce soutien psychologique peut aider les patients indécis à prendre des décisions thérapeutiques

Quelle psychothérapie ?


De nombreux types de psychothérapie ont été proposés (thérapie cognitive et comportementale, thérapie de soutien, thérapie analytique, hypnose, relaxation, groupes de parole). Pour chacune d’elles, des articles vantent leur mérite, mais aucune ne présente une bonne méthodologie et un nombre suffisant de patients inclus permettant de retenir leur intérêt. L’analyse de 730 publications en retient 10, dont seulement 3 concluent à une différence faiblement significative dans le groupe suivant une psychothérapie.4
Les publications les plus nombreuses concernent les thérapies cognitives. Elles montrent qu’elles peuvent être utiles en complément du traitement de la dermatose.

L’éducation thérapeutique ?

L’éducation thérapeutique consiste, pendant 3 à 6 séances, à réunir patients, dermatologues et personnel infirmier pour informer les patients sur leur maladie et son traitement. Ces échanges sont d’excellents groupes de parole qui peuvent aider les indécis à faire tomber des a priori thérapeutiques. Contre toute attente, cette pratique ne semble pas encouragée par les résultats des dernières publications.5 À 1 an, elles ne montrent pas d’amélioration de l’observance thérapeutique ou du bien-être du patient. En revanche, elles montrent que les patients gardent de meilleures connaissances théoriques sur la maladie et ses traitements.

Que retenir ?


Actuellement devant l’efficacité des traitements du psoriasis, le recours à une psychothérapie est certainement moins fréquent, ce qui explique que les publications sur ce sujet soient toutes assez anciennes et relèvent d’une moins bonne méthodologie que celle exigée aujourd’hui par la « médecine fondée sur les preuves ».
Cela ne veut pas dire que l’on ne doit pas tenir compte de la dimension psychologique de la maladie et que la psychothérapie ne puisse pas servir de complément de traitement si besoin.
Mais, rappelons-le, les révolutions thérapeutiques très efficaces dont les patients peuvent bénéficier depuis plusieurs années ont radicalement changé la prise en charge de cette maladie et son poids psychologique.

Encadre

Les patients déroutés par de fausses informations sur Internet

Les nombreux patients atteints de psoriasis qui consultent Internet pour en savoir plus sur leur maladie en tapant « psychothérapie » et « psoriasis » sont déroutés par des informations trompeuses. Ils peuvent tomber sur le site « Retrouver son Nord » qui affirme : « Je peux témoigner que TOUS les cas de personnes que j’ai accompagnées et qui venaient pour se libérer des causes psychologiques ayant entraîné un psoriasis, SE sont guéries relativement rapidement ». De la même eau, le site de la « Libération psycho-émotionnelle » à propos du cas clinique d’une patiente, écrit : « En libérant le conflit ancien qui s’était placé lors du départ du père, elle guérit de manière définitive de ce psoriasis ». Promettre une possibilité de guérison fait naître des étoiles dans les yeux de ces patients atteints d’une maladie chronique qui, quand ils nous consultent, ont toujours un petit espoir de guérison même après des années d’évolution permanente ou récidivante.

Références

1. Site de la National Psoriasis Foundation « genes and psoriasis ». www.psoriasis.org
2. Heller MM, Lee ES, Koo JYM. Stress as an influencing factor in psoriasis. STL 2011;16:875. skintherapyletter.com/2011/16.5/1.html
3. Gupta MA, Gupta AK, Kirkby S, et al. Psychologic and cutaneous profile of psoriasis patients that are good stress responders. A study about 127 patients. Gen Hosp Psychiatry 1989;11:166-73.
4. Fordham B, Griffiths CE, Bundy C. Can stress reduction intervention improve psoriasis? A Review. Psychol Health Med 2016;18:501-14.
5. Balca S, Lauwers V, Mallet S, et al. Évaluation d’un programme structuré d’éducation thérapeutique dans le psoriasis : étude randomisée multicentrique : EDUPSO. Ann Dermatol Venerol 2016;143:S139.

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