L’alerte provient du Centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella à l’Institut Pasteur, à la suite de cas survenus majoritairement chez des adultes de sexe masculin, et notamment des HSH.

La shigellose est une maladie diarrhéique très contagieuse, provoquée par des bactéries du genre Shigella (qui sont des clones spécialisés d’Escherichia coli). En France et dans d’autres pays à hauts revenus, le sérogroupe le plus fréquent est S. sonnei, mais il émerge aussi dans les pays en développement, où il est en train de remplacer S. flexneri.

Ces infections entraînent généralement une diarrhée de courte durée (3-4 jours) cédant spontanément, mais les cas modérés à sévères (diarrhée sanglante, risque de complications) nécessitent un traitement antibiotique, qui est aussi utilisé dans des contextes épidémiques pour freiner la transmission.

La surveillance de cette bactérie à l’échelle nationale est effectuée par le Centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella (CNR-ESS) à l’Institut Pasteur. Ces chercheurs ont récemment détecté l’apparition de souches de S. sonnei hautement résistantes aux antibiotiques. Leurs résultats sont parus dans Nature Communications.

Augmentation des souches ultrarésistantes depuis 2015

L’étude est fondée sur l’analyse de plus de 7 000 souches de S. sonneiet d’informations épidémiologiques recueillies par le CNR-ESS entre 2005 et 2021, sur tout le territoire français.

Des souches dites hautement résistantes aux antibiotiques (XDR : extensively drug-resistant) ont été identifiées pour la première fois en 2015. Leur proportion a ensuite augmenté, pour atteindre, en 2021 22,3 % de toutes les souches de S. sonnei collectées (99 cas).

Elles appartiendraient toutes à une même lignée évolutive devenue résistante à la ciprofloxacine vers 2007 en Asie du Sud, selon une analyse par séquençage génomique. De plus, elles auraient acquis dans plusieurs régions du monde, dont la France, des résistances à d’autres antibiotiques de première ligne (azithromycine et céphalosporines de troisième génération notamment). Cela ne laisse que très peu d’options pour le traitement des cas sévères : les seuls antibiotiques restant efficaces sont les carbapénèmes ou la colistine qui doivent être administrés par voie intraveineuse (traitement plus agressif avec un suivi plus complexe en milieu hospitalier).

Selon l’OMS, une recrudescence des infections à S. sonnei ultra-résistantes a été signalée également au Royaume-Uni et dans 9 autres pays européens depuis 2020.

Quelles sont les populations les plus exposées ?

Ces souches XDR ont été observées en France majoritairement dans des contextes en lien avec des voyages en Asie du Sud et du Sud-Est (chez des voyageurs revenant de ces régions ; au cours d’une épidémie dans une école en 2017 où le cas initial revenait d’un voyage en Asie du Sud-Est) ainsi que chez des HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes). Le sous-groupe circulant chez les HSH était majoritaire (97 % des souches XDR en France en 2021). 

L’utilisation fréquente des antibiotiques dans ces régions d’Asie ainsi que les traitements répétés d’IST chez des populations particulièrement exposées pourraient en effet augmenter le risque de sélection de ces souches de Shigella hautement résistantes.

D’autres études sont nécessaires pour mieux connaître les différentes formes cliniques de ces infections, afin de déceler en particulier d’éventuelles formes asymptomatiques qui favoriseraient une plus grande dissémination de la bactérie. Des essais thérapeutiques sont également indispensables pour identifier des antibiotiques efficaces par voie orale pour traiter ces souches de Shigella hautement résistantes.

En pratique

L’analyse des séquences du génome bactérien et les caractéristiques des cas suggèrent que ces souches originaires d’Asie du Sud se propagent notamment chez des HSH en France : l’Institut Pasteur recommande d’en tenir compte dans le cadre des consultations pour IST, avec pratique d’un antibiogramme systématique en cas d’isolement d’une Shigella pour une meilleure prise en charge des patients infectés par ces souches hautement résistantes. 

Afin, pour réduire la transmission des Shigella, il est important d’appliquer des mesures d’hygiène générales, notamment le lavage des mains à l’eau et au savon.

D’après
Institut Pasteur. Emergence en France d’une souche de Schigellasonnei hautement résistante aux antibiotiques. 15 mars 2023.
Institut Pasteur. Shigellose. janvier 2022.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés