Otite moyenne aiguë
L’otite moyenne aiguë (OMA) est fréquente chez l’enfant, surtout entre 6 et 24 mois, rare chez l’adulte. En cause le plus souvent : Streptococcus pneumoniae (30-40 %), Haemophilus influenzae (25-45 %) et Moraxella catarrhalis (5-10 %). Elle se manifeste par une otalgie accompagnée parfois d’une fièvre, une otorrhée spontanée, des vomissements ou une diarrhée. Chez le nourrisson, en raison des signes non spécifiques (pleurs, irritabilité, enfant grognon, se touchant l’oreille, insomnie), un examen otoscopique doit être systématique devant toute fièvre. L’otoscopie permet de poser le diagnostic (fig. 1). Traitement de 1re intention (seulement en cas d’OMA purulente) : amoxicilline 80 à 90 mg/kg pendant 10 jours si < 2 ans et 5 jours si > 2 ans (réduite à 5 jours quel que soit l’âge dans le contexte de pénurie actuelle). En cas d’allergie aux pénicillines : cefpodoxime proxétil à 8 mg/kg/j. Chez l’enfant > 2 ans avec des symptômes modérés, on recommande en 1re intention un traitement symptomatique, sous couvert d’une réévaluation entre la 48e et la 72e heure. La paracentèse est indiquée en cas de : otite hyperalgique résistante au traitement antalgique, échec de l’antibiothérapie probabiliste, enfant âgé de moins de 3 mois, enfant immunodéprimé.
Mastoïdite
C’est la complication la plus fréquente des otites. On distingue deux formes : la mastoïdite aiguë extériorisée et la mastoïdite subaiguë.
La mastoïdite aiguë extériorisée, rare, réalise un tableau d’OMA qui s’aggrave, avec otalgie intense, fièvre souvent élevée, altération de l’état général. La forme rétro-auriculaire est la plus fréquente : au stade du début, on observe un œdème inflammatoire rétro-auriculaire avec comblement du sillon et décollement du pavillon de l’oreille (fig. 2) ; à un stade ultérieur : une tuméfaction fluctuante, témoignant d’un abcès sous-périosté. L’otoscopie peut montrer une chute de la paroi postérieure du conduit avec une disparition de l’angle de raccordement. Le tympan peut être déformé en pis de vache avec un écoulement purulent pulsatile à travers une petite perforation postérieure ou alors être épaissi et infiltré, sans otorrhée.
Hormis les stades de début, où l’on peut tenter un traitement médical exclusif (antibiothérapie par voie parentérale probabiliste puis adaptée à l’antibiogramme), une mastoïdectomie est souvent indiquée.
La forme subaiguë est plus fréquente : il s’agit d’otites traînantes malgré un ou plusieurs traitements antibiotiques. Fièvre, otalgie, anorexie peuvent réapparaître de façon intermittente. Le tympan ne revient jamais à la normale, restant infiltré, parfois bombant. Le traitement est une antibiothérapie par voie générale adaptée à l’antibiogramme (amoxicilline à de fortes doses, 150-200 mg/kg/j, si pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline) ; en l’absence d’amélioration, ou en cas de rechute précoce, une mastoïdectomie est indiquée.
La mastoïdite peut être à l’origine de complications extracrâniennes (paralysie faciale périphérique, mastoïdite de Bezold, arthrite de l’articulation temporomandibulaire) et intracrâniennes (thrombophlébites du sinus latéral, méningite, empyèmes cérébraux).
Perforations tympaniques
Les perforations tympaniques traumatiques peuvent être la conséquence d’un traumatisme direct – coton-tige, clé de voiture, aiguille à tricoter – ou indirect – barotraumatisme lors d’un accident de plongée (encadré ci-dessous). Les patients décrivent le plus souvent une hypoacousie brutale associée à une otalgie qui peut s’accompagner d’une otorrhée. Peut s’y associer un traumatisme de la chaîne ossiculaire et de l’oreille interne (vertiges, surdité neurosensorielle, acouphènes).
Le diagnostic est otoscopique (fig. 3). Des débris épidermiques visibles à travers la perforation et une masse blanchâtre dans un des quadrants du tympan encore intact sont évocateurs.
On examine le cadre osseux du conduit entourant le tympan surtout dans sa partie supérieure : une destruction de cette structure associée à une perforation marginale (souvent supérieure) avec éventuellement une traînée de croûte sortant de cette zone dans le conduit signent le cholestéatome (fig. 4).
Attention : une otorrhée profuse témoigne d’une perforation même si le tympan n’est pas visible.
Une otorrhée doit être prélevée à l’écouvillon, surtout dans un contexte de résistance aux antibiotiques, de récidive ou d’otite chronique. L’acoumétrie et le test de Weber montrent une surdité de transmission légère.
Les perforations simples (sans atteinte associée) après un traumatisme ou une otite moyenne aiguë ne nécessitent pas de traitement spécifique : elles guérissent spontanément en 4 à 12 semaines. Une protection de l’oreille s’impose jusqu’à cicatrisation complète, et un contrôle otoscopique associé à une audiométrie doivent être réalisés tous les 3 mois pendant 6 mois.
En cas d’otorrhée, un traitement local est généralement suffisant : antibiotiques non ototoxiques en gouttes auriculaires (ofloxacine, rifampicine) précédés ou non de bains d’oreille antiseptiques (eau oxygénée 10 % volume et boratée à saturation ou solution de Dakin). L’antibiothérapie générale est réservée aux cas avec signes généraux (fièvre et syndrome inflammatoire), complications (mastoïdite, thrombophlébite du sinus sigmoïde, méningite) ou résistance au traitement local.
En l’absence de fermeture après 6 mois de surveillance, une tympanoplastie peut être proposée.
Attention : si on constate des signes cochléo-vestibulaires (acouphènes, vertiges), une prise en charge spécialisée et urgente est nécessaire.
Fractures du rocher
Les fractures du rocher surviennent le plus souvent dans un contexte de traumatisme crânien (accidents de la voie publique, de sport ou domestiques, actes violents). Elles peuvent être responsables d’une atteinte auditive, vestibulaire, vasculaire ou du nerf facial. Le pronostic initial est cérébral mais la prise en charge de la fracture ne doit pas être retardée.
On différencie les fractures longitudinales, plus fréquentes (parallèles à l’axe de la pyramide pétreuse, secondaires à un choc latéral temporopariétal homolatéral), les transversales (perpendiculaires à l’axe du rocher, post-impact frontal ou occipital) et les mixtes (mélange des deux types précédents).
Le bilan ORL initial doit être le plus précoce possible : examen clinique et TDM en haute résolution des rochers pour caractériser la localisation et le type de fracture. Une audiométrie et un bilan vestibulaire sont réalisés en fonction de la clinique. En cas de paralysie faciale, l’exploration électrophysiologique du nerf facial mesure l’évolution et évalue sa sévérité. La prise en charge dépend du type d’atteinte (neuroméningée, paralysie faciale périphérique, atteintes du labyrinthe…).
Surdité brusque
Une surdité brusque impose d’écarter les causes requérant une prise en charge urgente, et notamment une origine virale (labyrinthite compliquant une OMA), tumorale, vasculaire (AVC), traumatique (fracture du rocher). En l’absence de cause retrouvée, on parle de « surdité brusque idiopathique », définie comme une perte d’audition de plus de 30 dB sur 3 fréquences contiguës. Cette affection atteint plutôt l’adulte (bien qu’elle puisse survenir à tout âge, avec un léger pic vers la soixantaine). Son incidence mal connue varierait aux alentours de 5-20 pour 100 000 personnes-années (soit entre 3 250 et 13 000 cas annuels en France).
Le diagnostic est fondé sur l’anamnèse, des tests simples au diapason (Weber latéralisé du côté sain, Rinne positif) ; l’otoscopie montre un tympan inchangé, sans bouchon de cérumen, ni corps étranger ni OMA. L’audiométrie confirme le diagnostic. La corticothérapie est le seul traitement ayant à ce jour prouvé son efficacité : prednisone, 1 mg/kg/j pendant 7 jours, avec arrêt sans décroissance progressive. L’ajout d’un IPP n’est fait qu’au cas par cas (patient de plus de 70 ans, antécédents d’ulcère gastroduodénal, gastrite). Exception à ce protocole : les patients avec surdité brusque bilatérale sont le plus souvent hospitalisés pour administration IV. D’autres thérapeutiques sont parfois utilisées, dont l’efficacité est très controversée : oxygénothérapie, mannitol, pentoxifylline, aspirine à dose antiagrégante.
Les traumatismes sonores peuvent provoquer une perte auditive (qui touche surtout les fréquences aiguës, de 4 000 à 6 000 Hz) et des acouphènes. Ils sont traités comme une surdité brusque idiopathique.
Barotraumatismes de l’oreille moyenne : l’essentiel
Les BTOM surviennent à la descente et sont favorisés par une dysperméabilité tubaire. Une otalgie impose l’arrêt de la plongée, en raison du risque de rupture tympanique et d’atteinte de l’oreille interne.
L’otoscopie est indispensable pour faire le diagnostic et proposer une prise en charge adaptée : pulvérisations nasales de décongestionnants (oxymétazoline, naphazoline, tuaminoheptane...) et de corticoïdes (furoate de mométasone, budésonide, fluticasone, triamcinolone…), aérosols soniques ou manosoniques et, pour les stades les plus évolués, une antibioprophylaxie à large spectre
Un barotraumatisme d’oreille interne associé (signes évocateurs : acouphène aigu, hypo-acousie sévère, vertige rotatoire avec nystagmus) impose une consultation ORL dans les 48 heures.
Bozorg Grayeli A. Perforation du tympan : que faire ? Rev Prat Med Gen 2020;34(1038);258-9.
Raphaële Quatre R, Kaderbay A, Sébastien Schmerber. Fractures du rocher. Rev Prat Med Gen 2019;33(1032);894-5.
Ribadeau Dumas A. Surdité à tympan normal : quelles causes ? Rev Prat Med Gen 2019;34(1033);23-4.
Nicolas R. Vivre avec... Des acouphènes. Rev Prat 2016;66(10):1107-8.
Cathelinaud O, Morvan JB, Podeur P. Barotraumatismes de l’oreille moyenne. Rev Prat Med Gen 2016;30(957):187-9.