L’urticaire, souvent assimilée à des manifestations allergiques, ne l’est finalement que rarement. Aiguë ou chronique ? Superficielle ou profonde ? Distinguer ces différentes entités permet d’orienter le diagnostic étiologique et d’optimiser ainsi la prise en charge.
Un diagnostic clinique
L’urticaire est une dermatose inflammatoire fréquente. La prévalence de la forme aiguë est de l’ordre de 15 à 20 % dans la population générale.
Le diagnostic repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique. Deux types de lésions sont à distinguer : l’urticaire superficielle et l’urticaire profonde, qui sont d’ailleurs fréquemment associées. L’urticaire peut aussi être classée, selon la durée d’évolution, en urticaire aiguë ou chronique.
Urticaire superficielle : fluctuante et brève
L’urticaire superficielle (
L’œdème signe l’urticaire profonde
L’urticaire profonde (
Aiguë ou chronique ?
Toute urticaire, qu’elle soit superficielle ou profonde, évoluant depuis moins de six semaines est par définition une urticaire aiguë.
Une urticaire superficielle et/ou profonde évoluant depuis plus de six semaines d’affilée est, quant à elle, dite chronique. Les patients peuvent alors n’avoir que des plaques d’urticaire superficielle, plus rarement des angiœdèmes isolés. Plaques et angioœdèmes s’associent fréquemment. Si le diagnostic d’urticaire chronique est simple devant une évolution continue ou quasi continue depuis plus de six semaines, il peut être plus difficile devant des urticaires intermittentes ou récurrentes. Ainsi, il faut savoir rechercher à l’interrogatoire la survenue itérative de plaques d’urticaire – le patient ayant tendance à ne signaler que les grandes poussées généralisées. Cette distinction entre urticaire aiguë et chronique est importante car leur prise en charge est différente.
Urticaire aiguë : rarement allergique
Les urticaires aiguës non allergiques sont de loin les plus fréquentes. Cependant, il est important de ne pas méconnaître une cause « allergique » devant une urticaire aiguë car, bien que rare, elle peut potentiellement mettre en jeu le pronostic vital (choc anaphylactique) [
Urticaire aiguë non allergique : des facteurs prédisposants
De nombreux facteurs favorisent l’urticaire aiguë sur un terrain prédisposé.
Différentes infections, en particulier virales (SARS-CoV-2, mononucléose infectieuse, hépatite B…), mais aussi des parasitoses digestives peuvent s’accompagner d’urticaire. La prévalence d’une infection respiratoire haute au cours de l’urticaire aiguë est évaluée entre 28 et 62 %, selon les études.
La prise de médicaments comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou l’aspirine peut aussi être impliquée dans la survenue d’une urticaire aiguë par un mécanisme d’hypersensibilité non allergique, ne mettant pas en jeu les immunoglobulines E (IgE), par inhibition de la cyclo-oxygénase 1, notamment chez des patients ayant déjà eu des poussées d’urticaire mais pas toujours.
La conjonction de prises médicamenteuses multiples (pénicillines, AINS, produits de contraste iodés…) dans un contexte infectieux est aussi fréquemment retrouvée — l’urticaire survenant généralement après plusieurs jours de traitement. Dans ce cas, aucun risque d’anaphylaxie n’est associé, ces réactions n’étant pas médiées par les IgE.
En outre, il n’est pas exceptionnel de ne retrouver aucun facteur déclenchant.
Urticaire aiguë allergique : des signes generaux
La démarche diagnostique repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique. L’interrogatoire permet, en fonction du contexte et surtout de la chronologie, d’orienter vers une urticaire allergique ou non.
L’examen clinique minutieux permet de poser le diagnostic clinique d’urticaire et de rechercher des signes associés.
Au cours de l’urticaire aiguë allergique, le patient a été en contact avec un allergène au maximum dans les deux heures ayant précédé la poussée d’urticaire. Les facteurs déclenchants sont les médicaments, les aliments, les venins d’hyménoptères (guêpes, abeilles, frelons, bourdons) et certaines substances au contact de la peau et/ou des muqueuses (le latex par exemple). Dans une grande majorité des cas, l’urticaire n’est pas isolée et s’accompagne de signes généraux (prurit palmoplantaire, hypotension artérielle, dyspnée, diarrhées, douleurs abdominales, vomissements, sueurs, malaise et choc anaphylactique dans les cas extrêmes).
Cette urticaire est toujours de résolution rapide : sa durée n’excède pas les vingt-quatre heures. Une nouvelle exposition à l’allergène entraîne une récidive, souvent plus rapide et plus sévère.
En cas de suspicion d’urticaire allergique, l’interrogatoire et les explorations allergologiques permettent de mettre en évidence l’allergène. Des tests cutanés sont alors réalisés à distance de la réaction, environ quatre à six semaines après la poussée. L’éviction totale de toute nouvelle exposition avec l’allergène est alors recommandée. Dans l’attente du bilan et surtout si l’allergène n’a pas été identifié, une trousse d’urgence contenant de l’adrénaline auto-injectable doit être prescrite.
Formes inhabituelles d’urticaires aiguës allergiques
Certaines formes d’urticaires aiguës allergiques, bien que rares, doivent être connues.
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Anaphylaxie alimentaire à l’effort
Ses manifestations peuvent aller jusqu’au choc anaphylactique. Elle survient à l’effort lorsqu’il y a eu consommation dans les quatre à cinq heures précédentes d’un aliment auquel le patient est allergique. L’aliment le plus souvent mis en évidence est le blé, mais pas exclusivement car d’autres aliments peuvent être en cause. Ces réactions ne surviennent que lorsqu’il y a conjonction de la prise alimentaire et d’un effort physique, le plus souvent intense. Des cofacteurs comme la prise d’AINS, d’alcool ou d’aspirine dans les heures qui précèdent peuvent aussi aggraver ou précipiter les manifestations cliniques.
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Allergie à Anisakis simplex
Extrêmement rare, elle s’observe surtout dans les pays du sud de l’Europe, chez des personnes consommant des poissons crus ou marinés (Espagne et Italie en particulier). Anisakis simplex, ou « ver de hareng », nématode parasitant les poissons, est responsable de manifestations digestives, rarement allergiques. Seule la consommation de larves vivantes peut être à l’origine de tableaux allergiques. Cliniquement, les patients ont une urticaire, des douleurs abdominales, un angiœdème, voire un choc anaphylactique, de façon aiguë ou parfois retardée (24 heures après), à la suite d’une consommation de poisson cru, mariné ou peu cuit.
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Urticaires de contact immunologiques
Elles surviennent dans les minutes qui suivent le contact avec une substance à laquelle le patient est allergique, au niveau de la peau ou des muqueuses (le latex par exemple). Cette réaction, même après simple contact, peut diffuser à distance et s’accompagner de signes généraux pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique.
Traiter en fonction de la cause
Dans l’urticaire aiguë allergique, l’allergène en cause doit être identifié et totalement supprimé. En phase aiguë d’une urticaire allergique, le traitement est guidé par les signes cliniques l’accompagnant. En cas de choc anaphylactique, l’injection d’adrénaline par voie intramusculaire (0,01 mg/kg chez l’enfant et entre 0,3 et 0,5 mg chez l’adulte en fonction du poids) est une urgence thérapeutique.
Devant une urticaire aiguë isolée, les antihistaminiques anti-H1 sont le traitement de première intention. Qu’elle soit d’origine allergique ou non, les corticoïdes ne sont pas indiqués (
Urticaire chronique : maladie inflammatoire altérant fortement la qualité de vie
L’urticaire chronique est une maladie inflammatoire cutanée, qui peut durer de six semaines à plusieurs années. Son retentissement sur la qualité de vie est important.
Définitions et quelques chiffres
L’urticaire chronique comprend principalement l’urticaire chronique spontanée (UCS) mais aussi les urticaires chroniques inductibles (UCI).
Dans l’UCS, l’apparition spontanée de plaques d’urticaire et/ou d’angiœdèmes est quotidienne, pendant plus de six semaines. Dans 40 à 50 % des cas, plaques et angiœdèmes coexistent.
Dans l’UCI, les plaques et/ou les œdèmes sont généralement provoqués par un facteur physique en contact avec la peau (le froid, la pression…) ou une situation déclenchante comme l’effort (urticaire cholinergique).
Ces deux formes, UCS et UCI, sont souvent associées.
L’incidence exacte de l’urticaire chronique n’est pas connue mais elle est évaluée entre 0,1 et 0,5 % de la population générale. L’association à une dysthyroïdie auto-immmune est constatée chez 14 % des patients avec UCS contre 6 % dans la population générale. L’évolution de l’urticaire chronique peut être longue, et la prise en charge doit se faire à moyen et long termes : 40 % des urticaires persistant depuis plus de six mois sont toujours présentes dix ans plus tard et 20 % le sont encore vingt ans après ; 40 % de celles évoluant depuis plus de trois mois sont susceptibles d’être encore présentes à un an, et 30 % à deux ans. Environ 20 % des urticaires chroniques persisteront après vingt ans d’évolution.
Quels examens effectuer ?
Les recommandations internationales sur l’urticaire, actualisées en décembre 2020, préconisent de réaliser un bilan très limité (hémogramme et dosage de la protéine C-réactive).
D’autres examens complémentaires peuvent être proposés, guidés par les signes émergeant de l’interrogatoire et/ou de l’examen clinique. Le seul intérêt des examens complémentaires est d’éliminer un diagnostic différentiel et des comorbidités éventuellement associées, en particulier une dysthyroïdie. Une auto-immunité de la thyroïde est donc à rechercher et, en cas de positivité, à compléter par un dosage de la thyréostimuline (TSH).
L’UCS n’est pas une maladie allergique, il n’y a donc aucune place pour un bilan allergologique. Il n’y a pas lieu de rechercher un allergène alimentaire ou mycosique. En effet, les publications sur les liens entre l’urticaire chronique et les allergènes fongiques (en particulier Candida albicans) datent de plus de vingt ans. Cela est bien précisé lors des deux dernières conférences de consensus internationales.
Les régimes d’éviction sont-ils efficaces dans l’UCS ?
Le rôle de l’alimentation dans la survenue de l’UCS, bien que fréquemment évoqué, ne fait pas l’unanimité parmi les experts de l’urticaire à travers le monde.
Une étude menée chez des patients urticariens chroniques n’a retrouvé aucun bénéfice chez 50 % des patients ayant suivi un régime strict d’éviction de tous les aliments riches en histamine et en additifs alimentaires pendant trois semaines, une aggravation de l’urticaire chez 16 % et une amélioration chez un tiers d’entre eux. Plusieurs données plaident en faveur de l’influence positive d’un régime pauvre en allergènes sur le nombre de poussées. Mais, en pratique, très peu d’études de bonne qualité méthodologique ont été réalisées, et les critères de jugement sont variables d’un travail à l’autre, rendant leur interprétation difficile.
Les dernières conférences de consensus internationales sur l’urticaire rappellent qu’en raison de niveaux de preuves très faibles sur l’intérêt de ces régimes pauvres en histamine et/ou tyramine et en pseudo-allergènes, et compte tenu du nombre limité d’études de bonne qualité méthodologique, de tels régimes ne sont pas recommandés dans la prise en charge thérapeutique de l’UCS.
En revanche, l’interrogatoire reste primordial dans l’urticaire chronique ; il permet de poser le diagnostic et de mettre en évidence les facteurs déclenchants ou favorisants (stress, froid, chaud, exercice physique, pression sur la peau, contexte infectieux, prises médicamenteuses – en particulier aspirine et AINS, responsables d’une poussée d’urticaire chez plus de 30 % des patients urticariens chroniques).
Urticaires chroniques physiques ou inductibles (UCI)
Ces formes d’urticaire sont souvent associées à l’UCS mais peuvent exister de façon isolée ou coexister entre elles. La prévalence des UCI n’est pas connue ; l’intensité du stimulus les déclenchant peut varier d’un sujet à l’autre, rendant les critères diagnostiques difficiles à standardiser.
Habituellement, elles apparaissent moins de dix minutes après le stimulus déclenchant (soleil, froid…) et sont résolutives en moins d’une heure – à l’exception des urticaires retardées à la pression, qui surviennent plusieurs heures après la pression et peuvent durer au moins une journée.
Un examen clinique soigneux est primordial ; il permet d’éliminer un diagnostic différentiel et de rechercher une maladie associée.
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Dermographisme
Il se définit par des lésions linéaires et papuleuses apparaissant habituellement quelques minutes après un frottement ou une friction sur la peau (
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Urticaire retardée à la pression
Il apparaît plusieurs heures après une pression importante (entre quatre et huit heures) ; les lésions sont souvent douloureuses et profondes, contrairement au dermographisme. Cette urticaire peut être prolongée (atteinte durant parfois jusqu’à quarante-huit heures). Elle touche deux fois plus d’hommes que de femmes et apparaît en moyenne à l’âge de 30 ans. Elle peut évoluer pendant plusieurs années, en moyenne entre six et neuf ans. Les localisations préférentielles sont les zones de pression comme les épaules, les fesses, les mains et les pieds. Elle ne répond généralement pas bien aux antihistaminiques et peut être invalidante.
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Urticaire au froid
Les lésions apparaissent ici rapidement, principalement sur les zones exposées au froid (parfois sur des zones non exposées), généralement après un bain de mer ou une douche, ou après une activité sportive au grand air au contact du vent. Elle touche le plus souvent la femme jeune et peut durer plusieurs années (quatre ans en moyenne). Elle reste localisée la plupart du temps, mais des manifestations oropharyngées après ingestion de glaces ou de produits froids sont possibles ; des cas d’urticaires généralisées au froid avec angiœdèmes et anaphylaxie ont été rapportés, en particulier lors de baignades (l’ensemble du tégument est alors immergé et en contact avec le froid), avec un risque de noyade : il s’agit de la seule forme d’urticaire chronique dans laquelle le pronostic vital peut être engagé.
Le test au glaçon est alors souvent positif (laissant apparaître une papule urticarienne cinq à vingt minutes après l’application d’un glaçon sur la peau). Il est nécessaire d’éliminer les diagnostics différentiels, en particulier s’il existe des formes familiales d’urticaire au froid débutant dans l’enfance ou bien s’il existe d’autres points d’appel cliniques associés.
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Urticaire cholinergique
Elle est faite d’un semis cutané de petites papules de 2 à 3 mm de diamètre entourées d’un halo érythémateux, transitoires, survenant généralement chez le jeune adulte ou l’adolescent, secondairement à une augmentation de température après un exercice physique, un bain chaud ou un stress ; elle est à distinguer de l’anaphylaxie à l’effort.
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Urticaire de contact
Elle peut être allergique (le plus souvent médiée par les IgE), alors appelée immunologique, ou non allergique non immunologique. Cliniquement, des papules sur la peau au niveau des zones de contact avec un allergène ou une substance urticante sont observées. Souvent localisée, elle peut se généraliser, en particulier lorsqu’elle est médiée par les IgE.
Le cas le plus commun d’urticaire de contact non médiée par les IgE est celui dû aux feuilles d’ortie, qui contiennent des substances urticantes (histamine, acétylcholine et sérotonine). Le latex est l’archétype de l’urticaire de contact allergique médiée par les IgE spécifiquement dirigées contre certaines protéines du latex (Hev b 1 à Hev b 13) : l’urticaire survient initialement au niveau des mains en contact avec les gants en latex par exemple, mais peut se généraliser dans certains cas.
D’autres formes d’UCI beaucoup plus rares ont été décrites, comme l’urticaire solaire, l’angiœdème vibratoire, l’urticaire aquagénique…
Une prise en charge au long cours
Il n’existe pas de traitement curatif de l’urticaire chronique. La prise en charge est donc suspensive et s’inscrit dans le temps, nécessitant que le patient en comprenne le sens.
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Éducation thérapeutique primordiale
L’urticaire chronique (UCS ou UCI) a un retentissement réel sur la qualité de vie des patients, les incitant à rechercher la cause de leur maladie, bien qu’elle soit multifactorielle.
Plusieurs études ont montré que les patients qui en sont atteints ont une altération importante de la qualité de vie. De plus, dans 48 % des cas, l’urticaire chronique est associée à des troubles psychiatriques : anxiété, syndrome dépressif, troubles émotionnels, pouvant requérir une prise en charge spécialisée.
Certaines équipes proposent des séances d’éducation thérapeutique. Cette démarche, en apportant une information claire et détaillée au patient et en évaluant les répercussions de la maladie sur la vie quotidienne, peut améliorer l’adhésion thérapeutique et la prise en charge globale. Il existe un nomadisme médical important chez les patients atteints d’urticaire chronique ; il est donc important, une fois le diagnostic porté, de fournir des explications claires et compréhensibles au malade sur la chronicité, le caractère bénin de la maladie – malgré son fort retentissement sur la qualité de vie – et l’absence de traitement curatif.
Un document explicatif téléchargeable, en accès libre, peut être remis au patient ; il est disponible sur le site de la Société française de dermatologie : https://bit.ly/3J5DQYj.
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En l’absence de traitement curatif : antihistaminiques anti-H1 comme premier recours
Les traitements utilisés dans l’UCS ou l’UCI sont uniquement suspensifs. Actuellement, aucun traitement curatif n’a fait la preuve de son efficacité dans cette pathologie.
Les antihistaminiques anti-H1 de deuxième génération prescrits en continu sont le traitement de première intention de l’urticaire chronique. Ils sont plus sélectifs et ont moins d’effets anticholinergiques et sédatifs que les antihistaminiques anti-H1 de première génération. Il n’a pas été montré de supériorité en efficacité d’un antihistaminique anti-H1 par rapport aux autres. Les antihistaminiques anti-H1 de deuxième génération disponibles en France ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’urticaire sont la bilastine, la cétirizine, la desloratadine, l’ébastine, la fexofénadine, la lévocétirizine, la loratadine, la mizolastine et la rupatadine.
En cas de réponse insuffisante à la monothérapie antihistaminique, les recommandations internationales privilégient la majoration d’une seule molécule ayant un bon profil de tolérance, jusqu’à 4 comprimés par jour, permettant d’accroître l’effet thérapeutique. Les données publiées de majoration de doses des anti-H1 de deuxième génération concernent les molécules telles que la desloratadine, la fexofénadine, la lévocétirizine, la cétirizine, la rupatadine et la bilastine. Il n’est pas recommandé de dépasser 4 fois la dose d’antihistaminique anti-H1.
L’action des antihistaminiques anti-H1 de deuxième génération dans l’UCS a été évaluée dans une méta-analyse de la littérature récente, montrant une efficacité chez 39 % des patients à dose AMM (1 comprimé par jour) ; 63 % des patients non répondeurs s’améliorent lors des augmentations de dose. Les antihistaminiques anti-H1 de deuxième génération ont un bon profil de tolérance ; la question du risque de toxicité cardiaque (allongement du QT) reste néanmoins un sujet de préoccupation, notamment lors de la prescription hors AMM à dose majorée. Une revue récente centrée sur le risque cardiaque a conclu à l’absence de risque de cardiotoxicité, même à 4 fois la dose AMM, concernant les molécules de bilastine, cétirizine, lévocétirizine, ébastine, fexofénadine, loratadine, desloratadine, mizolastine et rupatadine – sous réserve de l’absence de potentiels facteurs de risque de cardiotoxicité (syndrome QT long, personne âgée, maladie cardiovasculaire, hypokaliémie ou hypomagnésémie et association médicamenteuse allongeant le QT ou inhibant le métabolisme des anti-H1).
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Quels recours en cas d’échec des anti-H1 ?
En cas d’échec des antihistaminiques anti-H1 seuls, l’omalizumab peut être prescrit en association avec ces derniers. Anticorps monoclonal recombinant humanisé IgG1 kappa anti-IgE, il a l’AMM en France depuis novembre 2015 pour le traitement de l’UCS en cas de réponse insuffisante au traitement par antihistaminique anti-H1 chez l’adulte et l’adolescent à partir de 12 ans. Son mécanisme d’action n’est pas clairement élucidé dans l’UCS. Sa seule contre-indication est l’hypersensibilité au principe actif ou à l’un des excipients.
Il est administré par voie sous-cutanée à la dose de 300 mg toutes les quatre semaines.
Au même titre que les antihistaminiques, il s’agit d’un traitement symptomatique suspensif et non curatif, dont la durée n’est pas actuellement définie. L’initiation de l’omalizumab dans l’UCS est hospitalière, annuelle, et son renouvellement est réservé aux spécialistes en dermatologie, pédiatrie, allergologie ou médecine interne. Les trois premières injections doivent être réalisées par un professionnel de santé ; à partir de la quatrième, l’auto-injection par le patient peut être mise en place.
En cas d’échec de l’omalizumab, un traitement par immunosuppresseur de type ciclosporine peut être proposé.
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Pas de place pour la corticothérapie !
La corticothérapie générale n’a pas de place en traitement continu dans la prise en charge d’une urticaire chronique. En effet, il existe un risque important et imprévisible de développer une corticodépendance. Des auteurs français ont même rapporté une résistance transitoire au traitement antihistaminique des urticaires chroniques chez des patients ayant été traités régulièrement par corticothérapie générale.
Évoquer les diagnostics différentiels
Le caractère fugace et migrateur ainsi que la disparition des lésions sans cicatrice sont autant de signes cliniques fondamentaux amenant au diagnostic d’urticaire. Toutefois, des diagnostics différentiels de l’urticaire superficielle et profonde existent.
Urticaire superficielle, ne pas confondre avec…
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... une vascularite urticarienne
Les lésions cutanées prennent ici un aspect urticarien ; elles ont comme particularité d’être fixes, durant plus de vingt-quatre heures au même endroit, avec des séquelles pigmentées. La biopsie cutanée permet le diagnostic de vascularite. Des anomalies cliniques et/ou biologiques orientent vers une maladie systémique (syndrome de Goujerot-Sjögren, vascularite urticarienne hypocomplémentémique, hémopathies lymphoïdes, lupus érythémateux disséminé…).
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... une urticaire pigmentaire
Elle se rencontre au cours de la mastocytose. C’est une éruption prurigineuse faite de macules ou parfois de papules ovalaires pigmentées brunes (
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... un exanthème maculopapuleux
Il s’agit d’une éruption fixe d’origine médicamenteuse ou infectieuse, essentiellement virale, parfois difficile à distinguer d’une urticaire (
Urticaire profonde isolée : un diagnostic différentiel essentiel
Les angiœdèmes bradykiniques sont le diagnostic différentiel de l’urticaire profonde isolée.
Il s’agit d’angiœdèmes isolés acquis pouvant survenir dans un contexte d’auto-immunité ou d’hémopathies ; des formes œstrogenodépendantes ou familiales ont été décrites (anciennement appelées angiœdèmes neurotiques familiaux). Les angiœdèmes sont isolés sans urticaire superficielle associée, de durée prolongée (au moins soixante-douze heures), parfois associés à des douleurs abdominales intenses.
Il existe un risque de décès par angiœdème laryngé asphyxique.
Les antihistaminiques à posologie augmentée sont totalement inefficaces. Des explorations de la voie du complément et une prise en charge spécialisée de ces patients sont nécessaires.
Que dire à vos patients ?
L’urticaire est une atteinte cutanée inflammatoire fréquente.
Les lésions peuvent être classées, selon la durée d’évolution, en urticaire aiguë ou chronique.
La prise de corticoïde n’est pas indiquée dans le traitement de l’urticaire chronique au vu du risque non négligeable de développer une corticodépendance.
Le site de la Société française de dermatologie apporte des informations complémentaires :
Zuberbier T, Abdul Latiff AH, Abuzakouk M, et al. The international EAACI/GA2LEN/EuroGuiDerm/APAAACI guideline for the definition, classification, diagnosis, and management of urticaria. Allergy 2022;77(3):734-66.
Hacard F, Giraudeau B, d’Acremont G, et al. Guidelines for the management of chronic spontaneous urticaria: recommendations supported by the Centre of Evidence of the French Society of Dermatology. Br J Dermatol 2021;185(3):658-60.
Fricke J, Ávila G, Keller T, et al. Prevalence of chronic urticaria in children and adults across the globe: Systematic review with meta-analysis. Allergy 2020;75(2):423-32.
Amsler E, Du Thanh A, Soria A, et al. Management of urticaria by French specialists compared to international guideline recommendations. J Allergy Clin Immunol Pract 2020;8(5):1761-63.e2.
Cataldi M, Maurer M, Taglialatela M, et al. Cardiac safety of second-generation H1-antihistamines when updosed in chronic spontaneous urticaria. Clin Exp Allergy 2019;49(12):1615-23.
Augey F, Nosbaum A, Berard F, et al. Corticosteroids should not be used in urticaria because of the potential risk of steroid dependence and development of severe anti-H1-resistant urticaria. Eur J Dermatol 2011;21(3):431.