Les biomédicaments sont des thérapeutiques ciblées dont la conception fait appel aux outils de la biotechnologie. Ils sont différents dans leur mode de fabrication et dans leur mode d’action des traitements synthétiques conventionnels, issus de la chimie classique, qui agissent en général de manière moins spécifique. Les biomédicaments de la polyarthrite rhumatoïde sont des immunothérapies ayant pour cibles des cytokines, des cellules de l’immunité ou des interactions de cellules de l’immunité. La plupart d’entre eux sont des anticorps monoclonaux, caractéristique identifiable par l’intermédiaire du suffixe -mab terminant le nom en dénomination commune internationale (DCI) du médicament. L’infliximab, par exemple, est ainsi un anticorps monoclonal (-mab) et sa nature est chimérique (-xi) ­– dans le cas présent humain-souris. Ils sont indiqués en cas d’échec des autres traitements de fond dits conventionnels et dans les formes particulièrement sévères de la maladie.
L’arsenal thérapeutique de la polyarthrite rhumatoïde s’est par ailleurs récemment étoffé grâce à une nouvelle catégorie de traitements de fond, les traitements synthétiques ciblés, représentés par les inhibiteurs de Janus kinase (anti-JAK). De ­façon schématique, ceux-ci sont, comme les traitements synthétiques conventionnels, issus du génie chimique, mais ciblent de façon très précise un élément clé de la physiopathologie de la maladie, pour lequel ils ont précisément été élaborés.
Les anti-TNFα restent à ce jour la classe de thérapie ciblée la plus prescrite dans la polyarthrite rhumatoïde, principalement en raison du recul important sur leur efficacité et leur tolérance à long terme. Le recours à une thérapie ciblée conduisant à l’inhibition durable de voies impliquées dans le contrôle de soi, des infections et dans la surveillance antitumorale, leur prescription doit s’accompagner d’une prise en charge spécifique. Cette prise en charge dépend de la cible de l’immunothérapie mais reste superposable dans ses grandes lignes quel que soit le biomédicament. Nous en présentons ici les principales modalités, à travers l’exemple des anti-TNFα, qui restent toujours aujourd’hui représentatifs de la démarche d’initiation d’une thérapie ciblée dans le contexte d’une affection rhumatismale inflammatoire.

Mise en route d’un anti-TNFα

Un bilan est réalisé systématiquement avant l'administration d'un anti-TNFα (tableau 1)

Éliminer une contre-indication

Avant de débuter un anti-TNFα, il convient de s’assurer de l’absence de contre-indication, à savoir les antécédents de cancer solide ou d’hémopathie maligne en rémission depuis moins de cinq ans, certaines lésions précancéreuses, les antécédents personnels de pathologie démyélinisante, l’existence d’une infection active ou d’une situation à haut risque d’infection, l’existence d’une insuffisance cardiaque congestive modérée ou sévère. La grossesse et l’allaitement restent également à ce jour des contre-indications relatives aux anti-TNFα en contexte de polyarthrite rhumatoïde, levées au cas par cas dans les situations cliniques complexes. À ce jour, on s’assure donc d’une contraception efficace chez les femmes en âge de procréer.

Dépister une tuberculose latente

Dans la mesure où il existe un risque majeur de réactiver une tuberculose latente sous anti-TNFα, le bilan comporte un dépistage, fondé sur l’interrogatoire, l’examen clinique, la radiographie thoracique et la réalisation de l’intradermoréaction et/ou d’un test IGRA (interferon gamma release assay).
En cas de confirmation d’une tuberculose latente, un traitement associant rifampicine et isoniazide est instauré pour une durée de trois mois.
La mise en route de l’anti-TNFα est autorisée trois semaines après l’instauration des antituberculeux.

S’assurer du dépistage des cancers

La survenue d’un cancer étant l’un des risques théoriquement associés à la prescription des anti-TNFα, il convient de s’assurer que les mesures de dépistage sont à jour. Les modalités de dépistage du cancer colorectal, du sein et de l’utérus chez les patients traités par anti-TNFα sont les mêmes que celles de la population générale.
Chez les hommes âgés de plus de 50 ans, il est licite de réaliser un dépistage du cancer de la prostate.
L’incidence des cancers cutanés étant augmentée sous anti-TNFα, une consultation dermatologique est systématiquement proposée en parallèle de l’instauration du traitement, pour le dépistage des lésions précancéreuses et la planification du suivi.

Mettre à jour les vaccinations

L’ensemble des vaccinations recommandées en population générale doit être réalisé. Par ailleurs, d’autres vaccins sont recommandés en lien avec la ­prescription des traitements immunosuppresseurs et en particulier des biothérapies. La vaccination antipneumococcique est indiquée tous les trois à cinq ans, tout comme la vaccination grippale annuelle.
Le vaccin contre l’hépatite B est indiqué chez les patients séronégatifs.
Les vaccins vivants sont contre-indiqués sous anti-TNFα, le risque étant de déclencher une maladie expérimentale. Ils peuvent être réalisés avant l’instauration du biomédicament, en respectant un délai de trois semaines.

Rechercher la présence d’anticorps antinucléaires

Dans la mesure où il existe un risque de survenue de lupus induit sous anti-­TNFα, il convient de rechercher, afin de disposer d’un examen de référence, la présence préalable d’anticorps anti­nucléaires (± anti-ADN natifs).
Cette attitude peut constituer une aide ultérieure à la caractérisation et à la prise en charge d’un événement inattendu.

Associer un traitement par méthotrexate à chaque fois que cela est possible

Le recours prolongé aux biothérapies expose à l’immunisation contre le biomédicament, qui peut être à l’origine d’une perte d’efficacité de la molécule. La poursuite du méthotrexate permet de diminuer ce risque. Par ailleurs, la plupart des études montrent que l’association du biomédicament au méthotrexate augmente l’efficacité clinique sans contrepartie significative au niveau de la tolérance. Une telle démonstration n’a jamais été faite dans le rhumatisme psoriasique, ce qui explique que la stratégie thérapeutique est distincte sur ce point.

Réaliser une éducation thérapeutique

Il est essentiel que les patients traités par une biothérapie bénéficient d’une éducation thérapeutique au moment de l’instauration du traitement. Celle-ci a pour objectif d’éduquer le patient à s’administrer son traitement (pour les formes sous-cutanées) et à réagir de manière appropriée dans certaines situations précises : conduite à tenir en cas de réaction allergique, arrêt de l’anti-­TNFα en cas d’infection, d’apparition d’une lésion cutanée ou de chirurgie programmée.

Principaux effets indésirables

Les principaux effets indésirables des anti-­TNFα sont résumés dans le tableau 2. ­L’augmentation de l’incidence des cancers cutanés (spino- et basocellulaires) sous traitement est clairement démontrée, posant l’indication d'un suivi dermatologique régulier, dont la rythmicité dépend du phototype. Celle des autres cancers et des hémopathies malignes ne l’est pas, mais la prudence s’impose.
Les infections bactériennes et virales sont plus fréquentes sous traitement et généralement plus sévères. Des infections opportunistes ont été rapportées. La survenue d’un épisode infectieux impose l’interruption transitoire du biomédicament, sauf si l’épisode est particulièrement mineur et clairement caractérisé (une cystite non compliquée chez la femme, par exemple).
Les réactions allergiques sévères sont rares et imposent l’arrêt définitif de la molécule.
Les réactions au point d’injection des formes sous-cutanées sont fréquentes et n’empêchent en général pas la poursuite du traitement.
Enfin, des événements indésirables para­doxaux sont possibles. Il s’agit principalement de lupus induit, de psoriasis, ­d’entérocolopathies inflammatoires et d’uvéites imputables au biomédicament. 
Pour en savoir plus
Le site du Centre de référence sur les agents tératogènes : https://www.lecrat.fr/
Les recommandations vaccinales : www.sante.gouv.fr/calendrier-vaccinal.html
Les recommandations sur l’utilisation des anti-TNFα :
https://hal.science/hal-03486207/document

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