L’inhalation festive de protoxyde d’azote, consommée pour ses effets euphorisants, peut aboutir à une véritable addiction et entraîner de graves complications.
Le protoxyde d’azote est un gaz utilisé par les médecins et les dentistes pour son effet analgésique. Il est alors mélangé à de l’oxygène et inhalé par le patient à l’aide d’un masque. Mais c’est aussi une « star montante » des soirées festives au cours desquelles certains l’inhalent pour son effet euphorisant.
Le protoxyde d’azote n’est pas uniquement un gaz médical, il est aussi utilisé par les cuisiniers par exemple, on le retrouve dans les bonbonnes de crème chantilly (où il sert de gaz propulseur dans les siphons) et dans des recettes de « cuisine moléculaire » notamment. Il est très facile d’en acheter.
Si les médecins sont assez ignorants des pratiques festives d’inhalation, ce n’est pas le cas des jeunes. Ainsi, une enquête publiée en 2003 révélait qu’en Nouvelle-Zélande 57 % des étudiants connaissaient cette pratique et que 12 % inhalaient ce gaz.1 Entre 2013 et 2014, une autre étude révélait qu’en Angleterre et au pays de Galles près de 6 % des 16-24 ans consommaient du protoxyde d’azote lors des festivals ou des soirées étudiantes, chiffre évalué entre 29 à 39 % en 2016 en Angleterre.2, 3
En France, on trouve facilement des vidéos sur YouTube de « délire au proto », des témoignages sur Internet racontant les soirées et l’addiction au protoxyde d’azote.
Si la pratique est mal connue du corps médical, la morbi-mortalité liée à cette utilisation festive l’est encore moins.
Le protoxyde d’azote n’est pas uniquement un gaz médical, il est aussi utilisé par les cuisiniers par exemple, on le retrouve dans les bonbonnes de crème chantilly (où il sert de gaz propulseur dans les siphons) et dans des recettes de « cuisine moléculaire » notamment. Il est très facile d’en acheter.
Si les médecins sont assez ignorants des pratiques festives d’inhalation, ce n’est pas le cas des jeunes. Ainsi, une enquête publiée en 2003 révélait qu’en Nouvelle-Zélande 57 % des étudiants connaissaient cette pratique et que 12 % inhalaient ce gaz.1 Entre 2013 et 2014, une autre étude révélait qu’en Angleterre et au pays de Galles près de 6 % des 16-24 ans consommaient du protoxyde d’azote lors des festivals ou des soirées étudiantes, chiffre évalué entre 29 à 39 % en 2016 en Angleterre.2, 3
En France, on trouve facilement des vidéos sur YouTube de « délire au proto », des témoignages sur Internet racontant les soirées et l’addiction au protoxyde d’azote.
Si la pratique est mal connue du corps médical, la morbi-mortalité liée à cette utilisation festive l’est encore moins.
Des risques nombreux
L’emploi récréatif et répété de ce gaz n’est pas anodin : une méta-analyse recense des risques de complications neuropsychiatriques dans 79 % des cas, pulmonaires (aiguës et chroniques) dans 5 % des cas ; mais aussi et surtout plus de 30 % de décès (29/91) liés à cette pratique (par hypoxie).4 Ce risque létal est connu depuis plus de 40 ans.5, 6
La littérature abonde en articles rapportant des troubles aigus et chroniques neurologiques et psychiatriques. Ces troubles sont liés à un déficit en vitamine B12 induit par le protoxyde d’azote.7-13 Les troubles pulmonaires, plus rares, sont liés à la toxicité du gaz. Certains patients ayant plusieurs atteintes en même temps (v. figure ).
Le protoxyde d’azote génère des polyneuropathies, neuropathies périphériques, paresthésies, troubles de la marche et de la coordination et plus rarement au niveau pulmonaire des emphysèmes sous-cutanés, pneumothorax, pneumomédiastins, dyspnées de repos.14-16 Au niveau psychiatrique, les troubles décrits sont des dépressions, des hallucinations, des suicides et des psychoses.4
En milieu festif, le protoxyde d’azote est le plus souvent aspiré à l’aide de l’appareil permettant de servir la crème chantilly. Les lésions de type pneumomédiastin, pneumothorax, emphysème sous-cutané sont induites par l’augmentation de la pression dans les voies respiratoires. Le mécanisme physiopathologique en cause est le même que celui observé chez les consommateurs de drogues qui utilisent la manœuvre de Vasalva et/ou le bouche-à-bouche pour augmenter la diffusion des drogues.14-16
Les témoignages des consommateurs démontrent que l’emploi du protoxyde d’azote risque de devenir une véritable addiction au même titre que les autres drogues, et les doses inhalées peuvent augmenter rapidement et devenir massives, dépassant 60 bouffées par soirée. Les doses toxiques sont aisément dépassées et sont à l’origine des troubles neurologiques précédemment décrits.
Les étudiants en médecine ne sont pas épargnés. Ainsi, nous avons rapporté un des trois cas de pneumomédiastin publiés dans le monde chez une étudiante en médecine survenu au cours de sa soirée d’intégration.17
La mortalité rapportée dans ce contexte est liée au mode d’utilisation qui peut entraîner des hypoxies sévères et dans les cas les plus graves mener au décès de l’utilisateur.4-6, 17
La littérature abonde en articles rapportant des troubles aigus et chroniques neurologiques et psychiatriques. Ces troubles sont liés à un déficit en vitamine B12 induit par le protoxyde d’azote.7-13 Les troubles pulmonaires, plus rares, sont liés à la toxicité du gaz. Certains patients ayant plusieurs atteintes en même temps (
Le protoxyde d’azote génère des polyneuropathies, neuropathies périphériques, paresthésies, troubles de la marche et de la coordination et plus rarement au niveau pulmonaire des emphysèmes sous-cutanés, pneumothorax, pneumomédiastins, dyspnées de repos.14-16 Au niveau psychiatrique, les troubles décrits sont des dépressions, des hallucinations, des suicides et des psychoses.4
En milieu festif, le protoxyde d’azote est le plus souvent aspiré à l’aide de l’appareil permettant de servir la crème chantilly. Les lésions de type pneumomédiastin, pneumothorax, emphysème sous-cutané sont induites par l’augmentation de la pression dans les voies respiratoires. Le mécanisme physiopathologique en cause est le même que celui observé chez les consommateurs de drogues qui utilisent la manœuvre de Vasalva et/ou le bouche-à-bouche pour augmenter la diffusion des drogues.14-16
Les témoignages des consommateurs démontrent que l’emploi du protoxyde d’azote risque de devenir une véritable addiction au même titre que les autres drogues, et les doses inhalées peuvent augmenter rapidement et devenir massives, dépassant 60 bouffées par soirée. Les doses toxiques sont aisément dépassées et sont à l’origine des troubles neurologiques précédemment décrits.
Les étudiants en médecine ne sont pas épargnés. Ainsi, nous avons rapporté un des trois cas de pneumomédiastin publiés dans le monde chez une étudiante en médecine survenu au cours de sa soirée d’intégration.17
La mortalité rapportée dans ce contexte est liée au mode d’utilisation qui peut entraîner des hypoxies sévères et dans les cas les plus graves mener au décès de l’utilisateur.4-6, 17
Détecter et informer les consommateurs
Les associations de lutte contre la toxicomanie informent sur les dangers de cette utilisation festive du protoxyde d’azote et donnent des conseils spécifiques consultables en ligne.18-21
L’utilisation festive du protoxyde d’azote est reconnue aujourd’hui comme un vrai problème d’abus et un problème signifiant de santé publique, en rappelant encore une fois que cette pratique est très sous- estimée.
Les médecins doivent connaître cette pratique chez les jeunes et savoir en initier la prise en charge : tout trouble neurologique atypique ne cache-t-il pas un consommateur de protoxyde d’azote ? Tout pneumomédiastin ou pneumothorax dit idiopathique l’est-il vraiment ?
Il faut détecter les utilisateurs afin de les informer de la gravité potentielle liée à la consommation de ce gaz qui semble si anodine, rigolote et euphorisante, et prendre en charge les « addicts du rire chimique ».
L’utilisation festive du protoxyde d’azote est reconnue aujourd’hui comme un vrai problème d’abus et un problème signifiant de santé publique, en rappelant encore une fois que cette pratique est très sous- estimée.
Les médecins doivent connaître cette pratique chez les jeunes et savoir en initier la prise en charge : tout trouble neurologique atypique ne cache-t-il pas un consommateur de protoxyde d’azote ? Tout pneumomédiastin ou pneumothorax dit idiopathique l’est-il vraiment ?
Il faut détecter les utilisateurs afin de les informer de la gravité potentielle liée à la consommation de ce gaz qui semble si anodine, rigolote et euphorisante, et prendre en charge les « addicts du rire chimique ».
Références
1. Ng J, O’Grady G, Pettit T, Frith R. Nitrous oxide use in first-year students at Aukland University. Lancet 2003;361:1349-50.
2. Randhawa G, Boderham A. The increasing recreational use of nitrous oxide : history revisited. Br J Anaesth 2016;116:321-4.
3. Karr SJ, Ferris J, Waldrom J, et al. Up: the rise of nitrous oxide abuse. An international survey of contemporary nitrous oxide abuse. J Psychopharmacol 2016;30:395-401.
4. Garakani A, Jaffe RJ, Savla D, et al. Neurologic, psychiatric, and other medical manifestations of nitrous oxide abuse : a systematic review of the case literature. Am J Addict 2016;25:358-69.
5. DiMaio VJ, Garriot JC. Four deaths resulting from abuse of nitrous oxyde. J Forensic Sci 1978;23:169-72.
6. Garriott J, Petty CS. Death from inhalant abuse: toxicological and pathological evaluation of 34 cases. Clin Toxicol 1980;16:305-15.
7. Lan SY, Kuo CY, Chou CC, et al. Recreational nitrous oxide abuse related subacute combined degeneration of the spinal cord in adolescents – A case series and literature review. Brain Dev 2019;41 :428-35.
8. Cheng HM, Park JH, Hernstadt D. Subacute combined degenerations of the spinal cord following recreational nitrous oxide use. BMJ Case Rep 2013. pii:bcr2012008509.
9. Antonucci MU. Subacute combined degeneration from recreational nitrous oxide inhalation. J Emerg Med 2018;54:e105-7.
10. Hsu CK, Chen YQ, Lung VZ, His SC, Lo HC, Shyu HY. Myelopathy and polyneuropathy caused by nitrous oxide toxicity : a case report. Am J Emerg Med 2012;30:1016.e3-6.
11. Wong SL, Harrison R, Mattman A, Hsiung GY. Nitrous oxide (N20)- induced acute psychosis. Can J Neurol 2014;41:672-4.
12. Cousaert C, Heylens G, Audenaert K. Laughing gas abuse is no joke. An overview of the implications for psychiatric practise. Clin Neurol Neurosurg 2013;115:859-62.
13. Ehirim EM, Naughton DP, Petroczi A. No laughing matter: presence, consumption trends, drug awareness, and perceptions of « hippy crack » (nitrous oxide) among young adults in England. Psychiatry 2018;22;8:312.
14. McDermott R, Tsang K, Hamilton N, et al. Recreational nitrous oxide inhalation as a rare cause of spontaneous pneumomediastinum. BMJ Case Rep 2015;pii: bcr2015209750:1-3.
15. Lipuma JP, Wellman J, Stern HP. Nitrous oxide abuse: a new cause of pneumomediastinum. Radiology 1982;145:602.
16. Le Floch AS, Lapostolle F, Danhiez F, Adnet F. Pneumomediastinum as a complication of recreational ecstasy use. Ann Fr Anesth Reanim 2002;21:35-7.
17. Auffret Y, Petit C, Lapostolle F. La chantilly est mauvaise pour la santé. AFMU 2018; 8:346.
18. Questions au Sénat. Dangers résultant de la vente de ballons gonflés au protoxyde d’azote. www.senat.fr/questions ou http://bit.ly/2PFWRVK
19. Drogues Info Service. www.drogues-info-service.fr ou http://bit.ly/2GVIABy
20. http://www.drugaddictiontreatment.com/types-of-addiction/club-drugs/health-effets-of-nitrous-oxyde-abuse/
21. Rehab Center. Nitrous oxide abuse and addiction. www.rehabcenter.net ou http://bit.ly/2J2D2Xa
2. Randhawa G, Boderham A. The increasing recreational use of nitrous oxide : history revisited. Br J Anaesth 2016;116:321-4.
3. Karr SJ, Ferris J, Waldrom J, et al. Up: the rise of nitrous oxide abuse. An international survey of contemporary nitrous oxide abuse. J Psychopharmacol 2016;30:395-401.
4. Garakani A, Jaffe RJ, Savla D, et al. Neurologic, psychiatric, and other medical manifestations of nitrous oxide abuse : a systematic review of the case literature. Am J Addict 2016;25:358-69.
5. DiMaio VJ, Garriot JC. Four deaths resulting from abuse of nitrous oxyde. J Forensic Sci 1978;23:169-72.
6. Garriott J, Petty CS. Death from inhalant abuse: toxicological and pathological evaluation of 34 cases. Clin Toxicol 1980;16:305-15.
7. Lan SY, Kuo CY, Chou CC, et al. Recreational nitrous oxide abuse related subacute combined degeneration of the spinal cord in adolescents – A case series and literature review. Brain Dev 2019;41 :428-35.
8. Cheng HM, Park JH, Hernstadt D. Subacute combined degenerations of the spinal cord following recreational nitrous oxide use. BMJ Case Rep 2013. pii:bcr2012008509.
9. Antonucci MU. Subacute combined degeneration from recreational nitrous oxide inhalation. J Emerg Med 2018;54:e105-7.
10. Hsu CK, Chen YQ, Lung VZ, His SC, Lo HC, Shyu HY. Myelopathy and polyneuropathy caused by nitrous oxide toxicity : a case report. Am J Emerg Med 2012;30:1016.e3-6.
11. Wong SL, Harrison R, Mattman A, Hsiung GY. Nitrous oxide (N20)- induced acute psychosis. Can J Neurol 2014;41:672-4.
12. Cousaert C, Heylens G, Audenaert K. Laughing gas abuse is no joke. An overview of the implications for psychiatric practise. Clin Neurol Neurosurg 2013;115:859-62.
13. Ehirim EM, Naughton DP, Petroczi A. No laughing matter: presence, consumption trends, drug awareness, and perceptions of « hippy crack » (nitrous oxide) among young adults in England. Psychiatry 2018;22;8:312.
14. McDermott R, Tsang K, Hamilton N, et al. Recreational nitrous oxide inhalation as a rare cause of spontaneous pneumomediastinum. BMJ Case Rep 2015;pii: bcr2015209750:1-3.
15. Lipuma JP, Wellman J, Stern HP. Nitrous oxide abuse: a new cause of pneumomediastinum. Radiology 1982;145:602.
16. Le Floch AS, Lapostolle F, Danhiez F, Adnet F. Pneumomediastinum as a complication of recreational ecstasy use. Ann Fr Anesth Reanim 2002;21:35-7.
17. Auffret Y, Petit C, Lapostolle F. La chantilly est mauvaise pour la santé. AFMU 2018; 8:346.
18. Questions au Sénat. Dangers résultant de la vente de ballons gonflés au protoxyde d’azote. www.senat.fr/questions ou http://bit.ly/2PFWRVK
19. Drogues Info Service. www.drogues-info-service.fr ou http://bit.ly/2GVIABy
20. http://www.drugaddictiontreatment.com/types-of-addiction/club-drugs/health-effets-of-nitrous-oxyde-abuse/
21. Rehab Center. Nitrous oxide abuse and addiction. www.rehabcenter.net ou http://bit.ly/2J2D2Xa