Étude CombiVacS
Une étude clinique de phase II réalisée en Espagne, dont les résultats ont publiés dans le Lancet, a évalué ce schéma vaccinal chez 663 personnes de moins de 60 ans (âge moyen : 44 ans ; 56 % de femmes) ayant reçu une première dose d’AstraZeneca, puis, entre 8 et 12 semaines après, dose de rappel de Comirnaty. L’essai était randomisé avec un ratio 2:1 ; ainsi, 441 participants ont reçu cette seconde dose de vaccin à ARNm, tandis que 222 sujets n’ayant pas reçu de seconde dose pour le moment constituaient le groupe témoin.
Ces premiers résultats suggèrent que le schéma hétérologue est hautement immunogène. Deux techniques différentes ont été utilisées pour évaluer l’immunogénicité : la mesure des titres géométriques moyens d’anticorps IgG dirigés contre le receptor-binding domain de la protéine Spike du SARS-CoV-2 et celle des titres d’anticorps dirigés contre la protéine trimérique de pointe du virus. La première mesure a décelé une réponse immunitaire dès 7 jours après la dose de rappel hétérologue, avec ensuite une augmentation par un facteur 109 des titres moyens d’anticorps à 14 jours. La seconde technique a trouvé une augmentation des titres par un facteur 37 à 14 jours (et une réponse qui débutait également dès J7).
Ensuite, la capacité fonctionnelle de ces anticorps a été évaluée par des tests de neutralisation chez 198 participants sélectionnés au hasard. Dans le groupe vacciné avec le schéma hétérologue, 74,4 % des participants ont montré une activité neutralisante nulle ou très faible à J0, alors que 100 % avaient des anticorps neutralisants à J14, avec une activité élevée ou très élevée chez 99,7 % d’entre eux. Les taux d’anticorps neutralisants ont été multipliés par 45 à J14 (passant de 41,84 à 1 905,69 dans le groupe d’intervention, contre un taux de 41,81 à J14 dans le groupe témoin).
Par ailleurs, une réponse immunitaire cellulaire conséquente a également été observée chez 151 participants : à J14, la production d’IFN-gamma avait significativement augmenté dans le groupe d’intervention par rapport au groupe témoin, où celle-ci restait inchangée en comparaison au début de l’étude (des moyennes géométriques respectives de 521,22 pg/mL et 122,67 pg/mL).
Si les auteurs ont effectué une comparaison indirecte avec les données d’immunogénicité des schémas homologues parues dans d’autres études, suggérant que l’intensité de la réponse immunitaire avec le schéma hétérologue serait plus élevée, la limite principale de cette étude est qu’elle ne disposait pas elle-même d’un bras contrôle recevant le schéma homologue pour pouvoir comparer les résultats.
Enfin, en ce qui concerne la réactogénicité à 7 jours, elle se caractérisait par des effets indésirables situés dans la fourchette attendue (semblables à ceux du schéma homologue) : légers ou modérés, se limitant pour la plupart aux 2 ou 3 premiers jours suivant l’administration de la seconde dose, et reportés le plus souvent chez les femmes mais sans différence par ailleurs entre les diverses tranches d’âge. Les effets locaux les plus fréquents étaient la douleur au site d’injection (88 %), l’induration (36 %) et l’érythème (31 %). Les effets systémiques étaient surtout des céphalées (44 %), des myalgies (43 %) et des malaises (43 %).
Étude Com-Cov
L’étude anglaise Com-Cov, évaluant la réactogénicité et l’immunogénicité des schémas hétérologues, incluait 463 sujets âgés de plus de 50 ans (âge moyen : 57,8 ; 45, 8 % de femmes). Randomisés en quatre groupes, ils recevaient à 28 jours d’intervalle l’une des combinaisons suivantes : AstraZeneca/AstraZeneca, AstraZeneca/Pfizer, Pfizer/Pfizer ou Pfizer/AstraZeneca.
Résultat : le schéma AZ/Pf n’était pas inférieur au schéma AZ/AZ ; il induisait même une meilleure réponse humorale que celui-ci(28 jours après la seconde dose, les titres géométriques moyens d’anticorps IgG anti-Spike étaient de 1 392 ELU/mL chez les récipiendaires du schéma AZ/AZ, contre 12 906 ELU/mL dans le groupe ayant reçu AZ/Pf).
Pour le schéma Pf/AZ, les chercheurs n’ont en revanche pas démontré une non-infériorité par rapport au schéma homologue Pf/Pf en termes de production d’anticorps. Mais attention : les résultats moins bons pour AstraZeneca pourraient s’expliquer par le court intervalle entre les deux doses, de 4 semaines, qui n’est pas assez long pour observer une réponse humorale optimale (l’intervalle préconisé actuellement est de 12 semaines pour ce vaccin). À cet égard, les résultats de 4 autres bras de cette même étude, administrant les mêmes 4 schémas cités mais avec un délai de 12 semaines, permettront de mieux éclaircir cette question.
Cet essai randomisé, le premier à disposer d’un bras contrôle avec les schémas homologues, confirme que les schémas combinant AstraZeneca et Pfizer peuvent induire des réponses immunitaires robustes avec un intervalle de 4 semaines entre les deux doses. Ces schémas hétérologues fonctionnent bien, au prix d’une relative augmentation des effets indésirables bénins. Les résultats de cette étude plaident donc en faveur d’une certaine souplesse dans le déploiement des vaccins à ARNm et à vecteur viral, et soulignent l'importance d'obtenir des informations sur d’autres schémas mixtes avec des intervalles différents.
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Borobia AM, Carcas AJ, Pérez-Olmeda M, et al. Immunogenicity and reactogenicity of BNT162b2 booster in ChAdOx1-S-primed participants (CombiVacS): a multicentre, open-label, randomised, controlled, phase 2 trial. The Lancet, 2021.
Liu X, Shaw RH, Stuart AS, et al. Safety and immunogenicity report from the Com-COV study 1 – A single-blind randomised non inferiority trial comparing heterologous and homologous prime-boost schedules with an adenoviral vectored and mRNA COVID-19 vaccine. Preprints with The Lancet, 25 juin 2021.
Nobile C. Schémas mixtes AstraZeneca/vaccin à ARNm : gare aux effets indésirables ! Rev Prat (en ligne), mai 2021.