Un profil de sécurité acceptable et une efficacité contre le développement d’une Covid-19 symptomatique sont les conclusions de ces analyses intermédiaires des essais cliniques de phase II/III qui sont toujours en cours. Ces résultats étaient très attendus, compte tenu des nombreuses polémiques qui ont rythmé les essais : l’arrêt temporaire en septembre des tests à la suite d’un cas d’effet indésirable grave (une myélite transverse) chez l’un des participants au Royaume-Uni ; les interrogations suscitées par une différence importante d’efficacité selon les dosages du vaccin, découverte à la suite de l’administration par erreur d’une première dose plus faible chez un petit groupe de patients…
Vaccin à vecteur viral (adénovirus du chimpanzé exprimant la protéine Spike), le ChAdOx1 nCoV-19 esttesté en phase III sur plus de 23 000 sujets âgés de 18 ans et plus, au Royaume-Uni, au Brésil et en Afrique du Sud, assignés aléatoirement et à parts égales soit au groupe contrôle (ayant reçu un vaccin antiméningococcique tétravalent conjugué ou de la solution saline), soit au groupe ChAdOx1 nCoV-19, recevant deux doses standard de 5 × 1010 particules virales à des intervalles qui ont varié entre 4 et 12 semaines (ou, pour une partie d’entre eux, une première dose plus faible, c’est-à-dire 2·2 × 1010 particules, suivie de la dose standard).
La publication des résultats préliminaires ne concerne toutefois que 11 636 de ces participants, la plupart âgés de 18 à 55 ans. Résultats : à partir de J21 après la première dose, 10 hospitalisations pour une Covid sévère sont survenues, toutes dans le bras contrôle, dont une s’est soldée par la mort du patient. Des effets indésirables locaux et systémiques modérés (fièvre, maux de tête, frissons, etc.) ont été enregistrés, et 175 effets indésirables sévères ont été recensés chez 168 participants (84 dans le groupe ChAdOx1 nCoV-19). En ce qui concerne les effets indésirables graves qui avaient entraîné l’arrêt temporaire des essais, à savoir les myélites transverses, 3 cas ont été reportés au total : pour 2 d’entre eux, une étude indépendante a conclu qu’il était peu probable qu’ils soient liés au vaccin (1 dans le groupe ChAdOx1 nCoV-19 et 1 dans le groupe contrôle) ; pour le 3e cas, une relation n’a pas pu être définitivement écartée à ce stade.
Ces résultats ont donc révélé uneefficacité de 62 % dans le groupe ayant reçu deux doses standard et de 90 % dans le groupe ayant reçu une première dose plus faible suivie d’une dose standard. Le laboratoire en conclut donc une efficacité moyenne de 70 %, ce qui est discutable car l’échantillon ayant reçu cette petite dose est près de 4 fois moins important que celui ayant reçu la dose standard : difficile, donc, d’en tirer des conclusions définitives. Cette différence d’efficacité est encore incomprise, quoiqu’elle ait suscité de nombreuses hypothèses (une première dose plus faible aurait-elle réussi à mieux à stimuler les cellules T qui soutiennent la production d’anticorps, ou alors les cellules immunitaires « mémoire » ? ou bien la réponse immunitaire au virus du chimpanzé – et non seulement à la protéine Spike – aurait-elle, au contraire, pu être émoussée par une première dose standard ?).
Mais cette différence pourrait-elle amener à modifier le schéma vaccinal initialement prévu ? Ou retiendra-t-on l’efficacité de 62 % ? Là est la vraie question, qui devra attendre l’avis de la FDA pour être tranchée – l’agence a fait savoir qu’elle exigerait des études complémentaires. En effet, le groupe ayant reçu la dose plus faible n’avait pas de participant âgé de plus de 55 ans, une population qui est pourtant la première cible de la stratégie vaccinale. La cohorte concernée par ces résultats préliminaires n’a, d’ailleurs, dans sa totalité, que 12 % de personnes de plus de 56 ans, celles-ci ayant fait l’objet d’un recrutement plus tardif. Les minorités ethniques sont aussi faiblement représentées dans cette cohorte (moins de 10 % dans le groupe britannique, mais 35 % dans le groupe brésilien), alors qu’elles sont aussi des populations à risque de développer une forme grave.
Autre question en suspens : ce vaccin serait-il aussi capable de lutter contre les infections asymptomatiques ? Contrairement aux essais de Pfizer/BioNTech et Moderna/NIAID, celui-ci est pour l’instant le seul des trois à avoir fait un suivi des infections asymptomatiques, en collectant des auto-prélèvements hebdomadaires sur une partie des participants (le groupe britannique uniquement). Des données qui auraient montré une efficacité de 60 % dans la réduction d’infections asymptomatiques, mais cela concernait là encore le groupe ayant reçu une première dose faible – donc un plus petit échantillon de sujets –, et il n’est pas sûr que la dose standard puisse afficher les mêmes résultats.
S’il y a donc bien des raisons d’attendre les résultats complémentaires, une chose est sûre : le vaccin d’Oxford compte quelques avantages par rapport à ses concurrents à ARNm – un prix bien moins cher (2,50 €) et la possibilité d’être conservé à des températures moins basses, à savoir -20 °C (contre -70 °C pour les vaccins à ARNm). Une nouvelle encourageante, tout bien considéré – et compte tenu surtout du fait que le seuil de 50 % exigé par l’OMS a bien été dépassé.
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien