La rougeole est encore un important problème de santé publique. Le virus en cause appartient au genre Morbillivirus et à la famille des Paramyxovirus ; à réservoir strictement humain, il est hautement contagieux. La transmission se fait par voie aérienne. La phase de contagiosité débute 5 jours avant l’éruption et s’étend jusqu’à au moins 5 jours après. Après une période d’incubation de 10 à 12 jours, le stade d’invasion (durant 2 à 4 jours) se manifeste par l’apparition d’une fièvre volontiers élevée, accompagnée d’un catarrhe oculo-respiratoire avec conjonctivite, rhinite, toux, parfois diarrhée chez un enfant « grognon et pleurard » souvent fatigué. Le signe de Koplik, pathognomonique et précèdant l’éruption, est inconstant.Ensuite, une éruption maculo-papuleuse débute derrière les oreilles puis touche le visage, le tronc, les membres, suivant une topographie descendante, en 3 jours. Peuvent survenir : otites et diarrhées en premier lieu, sévères avant l’âge de 1 an ; pneumonies (responsables de la plupart des décès), atteintes neurologiques (encéphalite aiguë, panencéphalite sclérosante subaiguë [PESS] d’évolution toujours mortelle). Le risque de complications est plus élevé chez le jeune enfant, l’adulte et l’immunodéprimé.
Cette maladie a longtemps été un fléau pandémique, étant jusqu’au début du XXe siècle une des premières causes de mortalité infantile. Selon l’OMS, en 1963 – à la veille de la mise à disposition d’un vaccin efficace – 2,6 millions de décès avaient été rapportés dans le monde, en majorité chez les moins de 5 ans. En 2016, on comptait 89 780 victimes. On estime à plus de 20 millions le nombre de décès évités entre 2000 et 2016 grâce à la vaccination.
En France, les données les plus recentes rapportent la survenue de 2 674 cas entre decembre 2018 et novembre 2019 dont 2 décès (https://bit.ly/3aqhlLP) placant la France parmi les pays d’europe ayant la plus forte incidence de rougeole (40 cas/million d’habitant).
Couverture vaccinale : trop faible
L’élimination et, à terme, l’éradication de la rougeole sont un objectif possible, l’homme étant le seul réservoir du virus. Pour cela, une couverture vaccinale (CV) élevée, au minimum de 95 % pour 2 doses de vaccin, est nécessaire. Elle n’était que de 67 % en 2017 dans le monde. Ainsi, une recrudescence des épidémies a été observée pendant les 3 premiers mois de 2019, avec 192 213 cas déclarés versus 90 108 sur la même période en 2018 (après 2 années de hausse consécutives). Selon l’OMS, la rougeole a causé plus de 140 000 décès dans le monde.
En France, la couverture (2 doses) était de 79 % chez les enfants de 2 ans en 2017, après avoir progressivement atteint les 80,1 % en 2016. Entre 2008 et 2017 : 24 500 cas déclarés sur le territoire et 20 décès dont 8 survenus chez des personnes immunodéprimées ne pouvant pas être vaccinées et dont la protection dépend de la CV générale.
Pour les enfants nés depuis le 1er janvier 2018, la vaccination est désormais obligatoire par l’administration du vaccin combiné trivalent rougeole-oreillons- rubéole (ROR) en 2 injections, la première à 12 mois et la deuxième entre 16 et 18 mois. Cette seconde n’est pas un rappel, l’immunité acquise après une seule injection étant de longue durée ; elle constitue un rattrapage pour les enfants n’ayant pas répondu à la première dose.
L’objectif de la vaccination généralisée est double : prévenir l’infection chez les vaccinés et induire une protection indirecte des populations vulnérables chez qui le ROR est contre-indiqué (nouveau-nés et immunodéprimés).
Quelle durée de protection ?
Avant la découverte du vaccin, les épidémies se succédaient tous les 2 ou 3 ans. Pour cette raison, les très jeunes enfants représentaient la très grande majorité des cas : les adultes et les enfants ayant guéri lors de la flambée précédente étaient immunisés.
En 1846, la documentation minutieuse d’une épidémie dans les îles Féroé, 65 ans après la précédente, révélait que si près de 100 % de la population générale avait contracté la maladie, aucun individu de plus de 65 ans n’avait été atteint.1
On considère donc depuis le XIXe siècle que l’infection par le virus de la rougeole confère une très forte immunité.
La protection donnée par le vaccin (vivant atténué) et sa durée sont très proba- blement inférieures à celles induites par la maladie elle-même.
Bien que rares, des cas chez des individus vaccinés à 2 doses et dont l’immunisation a été vérifiée, sont régulièrement décrits, le plus souvent chez des adultes.
L’étude d’un foyer de rougeole à New York en 2011 a permis de déterminer le statut vaccinal et immunitaire des 5 patients concernés (1 cas index et 4 contacts ;
Par ailleurs, d’après une méta-analyse de 1996 regroupant 2 031 sujets, le risque de développer la maladie pour un individu correctement vacciné serait inférieur à 0,15 % (IC 95 % = 0,00 %-0,147 %).3
Principal mécanisme évoqué pour expliquer ces échecs : déclin de l’immunité induite par le vaccin vivant atténué :4 les titres d’IgG anti-rougeole sont inférieurs et diminuent plus vite chez les sujets vaccinés que chez ceux ayant été infectés5 (mais il n’y a pas de consensus sur ce point).
Selon des modélisations, la persistance actuelle d’épidémies pourrait entraîner des rebonds d’immunisation des adultes vaccinés, en les réexposant au virus. Leur raréfaction (liée à l’augmentation de la CV) pourrait aboutir à une perte de protection chez certains individus vaccinés.4 Ainsi, après une période de couverture optimale, une réémergence de la rougeole parmi des adultes correctement vaccinés serait possible.4 L’introduction de rappels dans cette population sera peut-être l’enjeu des décennies à venir. Notons toutefois que cette théorie doit être interprétée avec prudence.
En France en 2018, 89 % des cas déclarés sont survenus chez des sujets non vaccinés ou n’ayant reçu qu’une dose. Aujourd’hui, le principal objectif est donc de lutter contre la persistance et la résurgence de la rougeole dans des populations aux couvertures vaccinales insuffisantes.
L’obtention d’une CV durable à 95 % est une étape cruciale vers l’éradication de cette maladie !
Source : DGS. Circulaire rougeole. https://bit.ly/2TM4EFc
1. Rougeole : qui sont les sujets contacts ?
Parmi les personnes ayant côtoyé le malade pendant sa période de contagiosité (5 jours avant, jusqu’à 5 jours après le début de l’éruption), sont pris en compte :
Les contacts proches
• entourage familial : personnes de la famille vivant sous le même toit ;
• enfants et adultes de la même section en crèche ou en halte-garderie ;
• enfants et adultes exposés au domicile de garde quand le cas est gardé par une assistante maternelle.
Les contacts dans les autres collectivités (école, collège, lycée, internat, lieu de travail) : personne, enfant ou adulte, ayant fréquenté de manière concomitante les mêmes locaux que le malade (classe, cantine, dortoir, bureau…), quelle que soit la durée.
Source : DGS. Circulaire rougeole.
2. Rougeole : quelle prophylaxie pour les cas contacts ?
Il est recommandé de vacciner dans les 72 heures les sujets n’ayant pas eu la rougeole (ou dont l’histoire est douteuse), non vaccinés ou n’ayant pas le nombre requis de doses, et ayant été en contact avec un malade :
– enfants âgés de 6 à 11 mois révolus : 1 dose de trivalent ROR ; par la suite : 2 doses de ROR suivant les recommandations officielles ;
– sujets de plus de 1 an et ceux nés depuis 1980 : mise à jour du calendrier vaccinal pour atteindre au total 2 doses de trivalent ;
– professionnels de santé ou personnel en charge de la petite enfance, sans antécédent de rougeole ou n’ayant pas reçu 2 doses, quel que soit leur âge : 1 dose de trivalent.
Les immunoglobulines polyvalentes sont recommandées dans les 6 jours après exposition à un cas confirmé pour :
– la femme enceinte non vaccinée et sans antécédent de rougeole ;
– l’immunodéprimé quel que soit son statut vaccinal et ses antécédents avérés de rougeole ;
– les nourrissons de moins de 6 mois dont la mère a une rougeole, ceux de moins de 6 mois dont la mère n’a pas d’antécédent de rougeole et n’a pas été vaccinée, ceux de 6 à 11 mois non vaccinés en post-exposition dans les 72 heures après contact, quels que soient le statut vaccinal de la mère ou ses antécédents de rougeole.
Source : DGS. Circulaire rougeole. https://bit.ly/2TM4EFc
1. Panum PL. Observations Made During the Epidemic of Measles on the Faroe Islands in the Year 1846. Chall Epidemiol Issues Sel Read 2004;3:37‑41.
2. Rosen JB, Rota JS, Hickman CJ, et al. Outbreak of measles among persons with prior evidence of immunity, New York City, 2011. Clin Infect Dis 2014; 58:1205‑10.
3. Plotkin SA. Failures of protection by measles vaccine. J Pediatr 1973;82:908‑11.
4. Mossong J, Muller CP. Modelling measles re-emergence as a result of waning of immunity in vaccinated populations. Vaccine 2003;21:4597-603.
5. Christenson B, Böttiger M. Measles antibody: comparison of long-term vaccination titres, early vaccination titres and naturally acquired immunity to and booster effects on the measles virus. Vaccine 1994;12:129‑33.