Depuis octobre 2022, les saignements menstruels abondants figurent dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP) et les notices des vaccins à ARNm comme un effet secondaire de fréquence inconnue. Le Comité d’évaluation des risques en pharmacovigilance de l’Agence européenne des médicaments avait en effet conclu, après analyse des données disponibles, qu’il existait « au moins une possibilité raisonnable que l’apparition de saignements menstruels abondants soit liée à ces vaccins », tout en soulignant que « les données disponibles examinées concernaient principalement des cas qui semblaient être sans gravité et de nature temporaire ».
Les troubles du cycle après une vaccination Covid ont par ailleurs été étroitement surveillés par les réseaux de pharmacovigilance français, dans le cadre du dispositif de surveillance renforcée de l’efficacité et des effets indésirables de ces vaccins mis en place par l’ANSM. Des recommandations ont été élaborées par l’ANSM et le CNOGF pour la conduite à tenir devant toute patiente ayant des symptômes d’anomalies du cycle après une vaccination anti-Covid.
Aujourd’hui, le groupement Épi-phare publie les résultats d’une nouvelle étude de pharmaco-épidémiologie qui a permis de mesurer le risque de saignements menstruels abondants ayant fait l’objet d’une prise en charge à l’hôpital après l’administration d’un vaccin anti-Covid.
Fondée sur les données du Système national des données de santé (SNDS) et du Système d’information vaccin Covid (VAC-SI), l’étude a identifié 4 610 femmes âgées de 15 - 50 ans (moyenne : 39,3 ans) ayant eu un diagnostic de saignements menstruels abondants à l’hôpital (hospitalisation de jour ou avec hébergement de nuit) en France, entre le 12 mai 2021 et le 31 août 2022.
Chacun de ces cas a été apparié aléatoirement à jusqu’à 30 femmes de mêmes caractéristiques (âge, sociodémographie, méthode contraceptive) n’ayant pas été hospitalisées pour un problème de saignement génital anormal, soit un total de 89 375 cas témoins. Les femmes ayant eu un début de grossesse dans les 18 mois précédents ou une hystérectomie ou un trouble de la coagulation dans les 5 années précédentes ont été exclues.
L’exposition était définie par le nombre de doses reçues et la durée depuis la dernière dose de vaccin administrée. Parmi les cas et les témoins vaccinés, le dernier vaccin reçu était quasi-exclusivement un vaccin à ARN messager (Pfizer dans 75,9 % et 74,9 % des cas respectivement ; Moderna dans 23,8 % et 24,8 % des cas respectivement). Les résultats ont été ajustés sur les comorbidités (obésité, diabète, antécédents CV, respiratoires, psychiatriques ou neurodégénératifs, cancer, affection de l’appareil génital, maladie auto-immune, ménorragies, anémie, consommation d’alcool et de tabac…), les caractéristiques sociodémographiques et de recours aux soins, ainsi que les antécédents d’infection par le SARS-CoV- 2 dans les 2 mois précédents.
Les résultats mettent en évidence une augmentation globale de 15 % du risque de saignements menstruels abondants ayant nécessité une prise en charge à l’hôpital pour les femmes ayant reçu un vaccin anti-Covid dans les 1 à 3 mois précédents (OR ajusté : 1,15 ; IC95 % : [1,04 ; 1,28]).
Plus précisément, il est apparu que ce sur-risque était de 20 % après une primovaccination (OR : 1,20 ; IC95 % : [1,07 ; 1,35]), mais il n’était pas retrouvé pour les doses de rappel (OR : 1,07 ; IC95 % : [0,92 ; 1,26]). Par ailleurs, aucun sur-risque n’a été décelé au-delà de 3 mois après la primovaccination, ni dans le mois suivant celle-ci.
Les femmes les plus concernées étaient celles résidant dans des communes défavorisées socialement (OR : 1,28 ; IC95 % : [1,07 ; 1,52]) et celles n’utilisant pas de contraception hormonale (OR : 1,28 ; IC95 % : [1,11 ; 1,48]).
Les auteurs estiment ainsi, en faisant l’hypothèse d’une relation causale, que le nombre de cas de saignements menstruels abondants ayant requis une hospitalisation attribuables à la primovaccination anti-Covid était de 8 cas par million de femmes vaccinées, soit un nombre total de 103 cas parmi l’ensemble des femmes de 15 - 50 ans ayant été vaccinées en France entre mai 2021 et août 2022.
Quant aux autres troubles du cycle menstruel, notamment les modifications de la durée de celui-ci, plusieurs études ont montré des modification mineures et temporaires (de 1 jour). Enfin, une étude cas-témoin britannique parue en 2023 a déterminé que l’augmentation du risque de rapporter un trouble menstruel (relatif à la durée et régularité des cycles, à la durée des menstruations, au volume des saignements, aux symptômes prémenstruels…) était plus importante après une infection par le SARS-CoV- 2 qu’après vaccination anti-Covid.
ANSM. Nouvelles données en faveur d’un risque accru de saignements menstruels abondants après la primovaccination contre le Covid-19. 24 janv 2024