Depuis quelques années, le nombre de diagnostics d’infections sexuellement transmissibles (IST) est en augmentation en France – la « trêve » de ces chiffres observée en 2020-2021 étant davantage liée à la diminution des dépistages durant la pandémie de Covid. Certaines de ces infections bactériennes (syphilis, gonorrhée) touchent particulièrement les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) : 79 % pour la syphilis, 74 % pour les infections à gonocoque (données de 2019).
Cette recrudescence souligne la nécessité d’améliorer la prévention et de trouver de nouveaux moyens de lutter contre ces infections, d’autant plus que l’antibiorésistance rend caducs certains traitements, motivant aussi des changements dans les recommandations thérapeutiques.
C’est dans cette optique qu’une équipe de recherche française a évalué, dans un essai prospectif randomisé incluant plus de 500 patients, l’efficacité de la combinaison d’une prophylaxie post-exposition par doxycycline et de la vaccination contre le méningocoque B dans la réduction du risque d’IST. En effet, les résultats d’un autre essai (ANRS Ipergay) publiés en 2018 montraient déjà une réduction d’environ 70 % du risque d’infection par le Chlamydia et de syphilis grâce à une antibioprophylaxie post-exposition par doxycycline. En parallèle, des études épidémiologiques ont suggéré ces dernières années que les personnes ayant reçu le vaccin Bexsero avaient 30 % moins de risque de contracter une infection par le gonocoque (le méningocoque – Neisseria meningitidis – et Neisseria gonorrhoeae sont deux bactéries proches).
L’essai ANRS Doxyvac, piloté par l’ANRS Maladies infectieuses émergentes, est conduit depuis janvier 2021 chez des HSH très exposés au risque d’IST et ayant eu au moins une IST dans l’année précédant leur inclusion ; les participants sont issus de la même cohorte que l’étude ANRS Prévenir, dont les résultats avaient confirmé en 2021 l’efficacité du schéma « à la demande » de la PrEP contre le VIH. Elle s’inscrit donc dans un cadre de prévention globale et combinée, en association avec d’autres mesures de réduction des risques (dépistages répétés, vaccinations contre les hépatites A et B, distributions de préservatifs…). Les résultats, non encore publiés, ont été soumis pour présentation à un congrès international au début de l’année 2023, selon le service presse de l’Inserm.
Dans cette étude, plus de 500 volontaires vivant en région parisienne ont été répartis par tirage au sort en 4 groupes : le premier recevait une prophylaxie post-exposition par doxycycline dans les 72 heures après les rapports sexuels ; le deuxième, une vaccination par le vaccin Bexsero ; le troisième, la combinaison de ces deux interventions ; le quatrième, aucune des deux (groupe contrôle).
Résultats : le groupe recevant la doxycycline avait significativement moins de risque de contracter diverses IST (syphilis, infections par le Chlamydia et le gonocoque) et le groupe recevant le vaccin contre le méningocoque B avait, quant à lui, une réduction significative du risque d’infection par le gonocoque.
À la suite de ces résultats évalués par un comité indépendant, les responsables scientifiques et le promoteur ont décidé d’interrompre l’étude et recommandé la mise à disposition de ces traitements à tous les participants de l’essai : leur suivi se poursuivra jusqu’à la fin de l’année 2023 pour évaluer l’efficacité sur le moyen terme de ces stratégies de prévention.
« C’est une avancée majeure dans la lutte contre les IST. [Ces] résultats […] devraient faire évoluer les recommandations nationales et internationales en matière de prévention contre ces maladies », a déclaré le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes. Et le coordonnateur de l’étude, le Pr Jean-Michel Molina, d’ajouter : « L’efficacité observée ne doit néanmoins pas faire oublier que le préservatif reste la pierre angulaire de la prévention contre les IST en général. C’est en additionnant tous les outils de prévention qui ont fait leur preuve que nous serons en mesure de contrôler efficacement les infections sexuellement transmissibles ».