Le rotavirus est l’un des deux virus les plus fréquents en cause dans les gastroentérites avant l’âge de 5 ans (128 500 décès d’enfants de cette tranche d’âge dans le monde en 2016). En France, il est responsable en moyenne de 20 000 hospitalisations par an.1
La gastro-entérite à rotavirus est une virose hivernale dont la fréquence de survenue est maximale entre 3 mois et 2 ans ; son incubation est de 24 à 48 heures et elle dure de 4 à 7 jours. Si l’infection peut être asymptomatique, elle peut également, et c’est bien cela qu’il faut prévenir, se manifester par des diarrhées et vomissements profus, occasionnant une déshydratation grave des nourrissons. On ne distingue pas de profil de patients plus à risque d’infection sévère.
Deux vaccins actuellement disponibles
Les premiers vaccins contre le rotavirus ont été obtenus en modifiant un sérotype simien par ajout d’antigènes de virus humain. Leur efficacité était réelle mais, en 1999, un an après avoir été introduite aux États-Unis, la vaccination est stoppée à la suite de la survenue de cas d’invagination intestinale aiguë (IIA) (1 cas pour 10 000 vaccinés). Il est possible que l’exposition au rotavirus ait été responsable d’une réponse immunitaire excessive, occasionnant la formation de ganglions mésentériques multiples. Ces ganglions auraient pu faire le lit des invaginations sus-décrites.
Depuis lors, deux vaccins, vivants et buvables, sont disponibles (encadré ci-dessous) :
- Le Rotarix composé d’un sérotype humain atténué monovalent (AMM depuis 2006) ;
- Le Rotateq composé d’un réassortiment de sérotype animal autre que simien (bovin en l’occurrence) et de sérotype humain pentavalent (AMM depuis 2007).
L‘utilisation de ces vaccins augmente le risque de survenue d’une invagination intestinale aiguë (IIA) de 2 à 6 cas pour 100 000 enfants,2 le plus souvent dans les 7 jours qui suivent la 1re dose et plus fréquemment lorsque l’âge du nourrisson est plus élevé. En cas de survenue de symptômes évocateurs (douleurs abdominales avec pleurs et pâleur, vomissements, rectorragies), les parents doivent être prévenus qu’ils doivent rapidement consulter aux urgences, en précisant que leur enfant a bénéficié de cette vaccination quelques jours auparavant. (Deux fiches à destination du grand public, rédigées par le groupe Infovac et expliquant la maladie et le vaccin peuvent être téléchargées à cette adresse : https://www.infovac.fr/docman-marc/public/1125-fiche-rotavirus-destine-e-aux-parents14-08/file)2
Efficaces !
L’efficacité vaccinale est évaluée entre 68 et 98 %. Une étude a montré une corrélation directe entre le taux de couverture vaccinale et la réduction du nombre d’hospitalisations pour gastroentérite aiguë à rotavirus (un taux de couverture de 9,5 % équivaut à une baisse de 10 % des hospitalisations).5
Le vaccin induit une immunité de groupe et diminue la sévérité des réinfections (qu’il ne prévient cependant pas). Le risque, parfois évoqué, de sélectionner des génotypes autres que ceux inclus dans les vaccins, est inexistant. En effet, les variations génotypiques de ce virus sont naturelles par switch avec des souches circulantes.
La France faisait bande à part
Dans son avis du 29 novembre 2013, le Haut conseil de Santé publique (HCSP) recommandait la vaccination pour tous les nourrissons de moins de 6 mois en France. Cependant le vaccin n’a pas eu le temps d’être inscrit au calendrier ! En effet, un avis rendu public le 31 mars 2014 par le Comité technique de pharmacovigilance (CTPV) a jugé le taux de notifications d'effets secondaires « préoccupant » et « bien supérieur à celui d'autres vaccins pédiatriques » (201 effets secondaires graves dont 2 décès).
Depuis cet avis, les débats sont restés actifs. Un défaut d’objectivité scientifique a été reproché à l’avis du CPTV : les deux décès seraient survenus par suite d’un retard de prise en charge.6 Depuis cette polémique de 2014, la recommandation vaccinale généralisée contre le rotavirus était suspendue en France. À noter que la Société européenne des maladies infectieuses pédiatriques (ESPID [European society for pediatric infectious diseases]) avait maintenu en 2014 des recommandations pour la vaccination contre le rotavirus en Europe, mais avec incitation à vacciner le plus tôt possible (6-8 semaines pour la première dose). Et, malgré le surrisque avéré d’IIA, aucun autre pays n’a modifié sa politique vaccinale, contrairement à la France.
Et maintenant ?
La HAS recommande donc la vaccination généralisée contre le rotavirus. Elle précise que l’obligation vaccinale n’est pas à l’ordre du jour.
Pour autant, il risque de se passer encore quelques mois avant son remboursement (passage en commission de transparence, négociation du prix de vente…). Le coût élevé (environ 130 euros pour un schéma complet) peut être un frein ; certaines mutuelles le remboursent.
Enfin, la HAS rappelle que la prévention des gastroentérites par les mesures d’hygiène reste de mise puisque ces vaccins ne préviennent pas toutes leurs causes.
Buvables mais pas pour autant à administrer par les parents eux-mêmes !1,3,4
Rotarix (vaccin monovalent) : 2 doses entre 6 semaines et 24 semaines de vie, à au moins 4 semaines d’intervalle.
Rotateq (vaccin pentavalent) : 3 doses à partir de l’âge de 6 semaines et au plus tard à l’âge de 12 semaines, avec un intervalle entre chaque dose d’au moins 4 semaines. Il est préférable que le schéma de vaccination en 3 doses soit terminé à l'âge de 20-22 semaines. Si nécessaire, la 3e dose peut cependant être administrée jusqu'à l'âge de 32 semaines.
En pratique, ces doses entrent dans le calendrier vaccinal à 2 mois, 3 mois, et (4 mois) de vie.
Elles peuvent être administrées avant les vaccins injectables prévus lors de la même consultation ; le liquide étant sucré, il peut ainsi faire participer à l’antalgie des piqûres en le complétant par la succion (tétine, index, sein). L’administration doit se faire lentement dans le creux de la joue.
2. Infovac. Gastro-entérites à rotavirus : la maladie. 10 août 2014.
3. Agence européenne des médicaments. Rotarix : résumé des caractéristiques du produit. 10 décembre 2021.
4. Agence européenne des médicaments. Rotateq : résumé des caractéristiques du produit. 9 février 2022.
5. Lamrani A, Tubert-Bitter P, Hill C, et al. A benefit-risk analysis of rotavirus vaccination, France, 2015. Euro Surveill 2017;22(50):17-00041.
6. Cohen R, Vie Le Sage F, Grimprel E. Info-vaccins. Arch Pediatr 2015;28:1309-11.