En juillet 2022, la HAS a recommandé de remettre en place la vaccination contre le rotavirus chez tous les nourrissons. Vivants et oraux (solutions buvables), ces vaccins imposent certaines précautions, suscitant des questionnements par les soignants vaccinateurs. Pour y répondre, les experts d’Infovac ont rédigé un document très pratique.

D’après : Cohen R, Dommergues MA, Haas H, et al. Bulletin spécial vaccins rotavirus 2022 : foire aux questions (FAQ). Infovac-France 18 octobre 2022.

À quel moment les administrer ?

Deux vaccins oraux vivants atténués contre le rotavirus sont actuellement disponibles : 

  • Rotarix (vaccin monovalent) : schéma à 2 doses entre 6 semaines et 24 semaines de vie, à au moins 4 semaines d’intervalle.
  • Rotateq (vaccin pentavalent) : schéma 3 doses à partir de l’âge de 6 semaines et au plus tard à l’âge de 12 semaines, avec un intervalle entre chaque dose d’au moins 4 semaines. Il est préférable que le schéma de vaccination en 3 doses soit terminé à l’âge de 20-22 semaines. Si nécessaire, la 3e dose peut cependant être administrée jusqu’à l’âge de 32 semaines.

Ces vaccins sont désormais pris en charge par la Sécurité sociale (arrêté du 17 novembre paru au Journal officiel le 22 novembre 2022).

En pratique, ces doses entrent dans le calendrier vaccinal à 2 mois, 3 mois (et 4 mois) de vie.

Elles peuvent être administrées avant les vaccins injectables prévus lors de la même consultation, pour participer à l’antalgie des piqûres, en complétant par la succion (tétine, index, sein) : ces vaccins, très sucrés, sont en effet aussi efficaces que l’administration de solution sucrées pour diminuer la douleur des vaccins. L’administration doit se faire lentement dans le creux de la joue.

Ces vaccins sont-ils interchangeables ?

D’une façon générale, pour tous les vaccins, il est recommandé de réaliser le schéma vaccinal complet avec le même produit. Toutefois, malgré leur composition différente (Rotarix est un vaccin monovalent G1P1A [P8] dérivé d’une souche humaine et partage des épitopes neutralisants avec des RV G1, G3, G4, et G9 ; Rotateq a 5 valences d’origine bovine « réassorties » avec des souches humaines : G1, G2, G3, G4 et P1 [P8]), une étude prospective montre que l’alternance de ces deux vaccins est bien tolérée et que la réponse immunitaire est non-inférieure à celle générée par l’immunisation avec un seul produit. L’interchangeabilité est donc possible. Ainsi, si après avoir fait une 2e dose avec Rotarix, vous vous apercevez que la 1re dose avait été faite avec Rotateq, pas de panique…

Enfin, la HAS souligne l’importance de respecter de manière stricte le calendrier vaccinal contre le rotavirus, afin de compléter le schéma avant l’âge limite (6 mois pour Rotarix et 8 mois pour RotaTeq).

Et si le bébé recrache le vaccin ou vomit ?

L’administration d’une dose supplémentaire n’est pas nécessaire pour un bébé qui a recraché une partie du vaccin et/ou qui a vomi quelques minutes après, contrairement à la recommandation générale pour les vaccins (selon laquelle une dose incomplète ne doit pas être comptée et le vaccin doit être administré de nouveau dans les plus brefs délais).

En effet, si les RCP des deux vaccins indiquent qu’« une dose unique de remplacement peut être donnée lors de la même consultation » en cas de dose avalée de façon incomplète, cette pratique n’a pas été étudiée dans des essais cliniques. L’efficacité de schémas « incomplets » a, en revanche, été étudiée, avec de bons résultats : pour Rotateq, par exemple, elle est déjà > 90 % avec 2 doses pour les hospitalisations et passages aux urgences, très proche du schéma à 3 doses ; pour Rotarix, la différence d’efficacité entre un schéma monodose et celui à 2 doses serait de 10 %. Enfin, les recommandations nord-américaines (États-Unis, Canada) ne préconisent pas de renouveler l’administration dans cette situation.

Situations particulières

Nourrissons dont la mère a pris de l’infliximab durant la grossesse

L’ANSM a récemment émis une alerte sur les risques infectieux encourus par les nourrissons exposés in utero ou pendant l’allaitement à l’infliximab (Flixabi, Inflectra, Remicade, Remsima, Zessly).

Cet anticorps monoclonal de type IgG1 est un médicament anti-inflammatoire indiqué chez l’adulte pour le traitement de plusieurs maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, maladie de Crohn, rectocolite hémorragique, psoriasis, etc.). Lorsqu’il est utilisé pendant la grossesse, il traverse le placenta et peut être détecté jusqu’à 12 mois après la naissance dans le sang des bébés exposés in utero. Il a également été détecté à de faibles concentrations dans le lait maternel et dans le sérum de nourrissons exposés via l’allaitement. Or, par leur mode d’action, les médicaments à base d’infliximab affaiblissent le système immunitaire.

C’est pourquoi, pour les vaccins BCG et ROR (vaccins vivants atténués indiqués normalement chez les moins de 12 mois dans le calendrier vaccinal français), il est recommandé de différer leur administration pendant 12 mois après la naissance pour les nourrissons qui ont été exposés in utero et jusqu’à la fin de l’allaitement si la mère est traitée pendant cette période.

Pour les vaccins contre le rotavirus (dont l’âge limite d’administration est 6-8 mois), la question de la balance bénéfice/risque se pose, et doit prendre en compte le risque de la maladie naturelle (l’infection due aux rotavirus « sauvages » étant très fréquente dans la première année de vie) comparé à celui lié à un vaccin vivant atténué. En effet, d’après Infovac, s’il n’est pas décrit d’incident ou d’accident après vaccination contre les rotavirus, l’administration de ces vaccins chez les nourrissons souffrant de déficit immunitaire peut entraîner des diarrhées prolongées…

Dans les pays où la vaccination est déjà largement mis en place, les infections dues au rotavirus sont devenues rares grâce à l’immunité collective, et la prudence est de mise.

Nourrissons ayant reçu une injection d’immunoglobulines

Les immunoglobulines administrées à un nourrisson lorsque, par exemple, la mère a eu une rougeole dans les premiers jours de vie, ne sont pas une contre-indication au vaccin contre le rotavirus. En effet, les immunoglobulines ne contiennent que très peu d’anticorps antirotavirus, et pas assez pour interférer avec un vaccin administré par voie orale et qui agit essentiellement sur l’immunité muqueuse ; c’est pourquoi on considère que l’administration d’immunoglobulines n’interfère pas avec les vaccins oraux (rotavirus, polio).

Suspicion d’agénésie thymique

Peut-on vacciner un nourrisson de 2 mois auquel on a découvert une absence de thymus au cours d’une échocardiographie (agénésie potentiellement due à une pathologie génétique en cours d’exploration) ? Si l’absence de visualisation échographique ne suffit pas à poser le diagnostic d’agénésie thymique (qui nécessite un typage lymphocytaire), en attendant les résultats, les vaccins vivants sont contre-indiqués (BCG et rotavirus étant les seuls à considérer à cet âge), mais les vaccins inactivés sont sans risque et recommandés sans délai.

Pour en savoir plus
Delarue K. Vaccination contre le rotavirus : la France se met ai pas… enfin !  Rev Prat (en ligne) 14 juillet 2022.

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