Compte tenu de la récurrence des infections invasives à méningocoques après la pandémie de Covid et de l’évolution des souches circulantes, la HAS redéfinit la stratégie vaccinale contre ces pathogènes, à la fois chez les nourrissons et les adolescents. Tout ce qu’il faut savoir pour la pratique.

Les infections à méningocoques sont dues à Neisseria meningitidis des sérogroupes A, B, C, W, X et Y. La fréquence du portage pharyngé est estimée à environ 10 % en population générale. Rarement, l’acquisition d’un méningocoque est suivie d’une infection invasive (IIM), se manifestant par des méningites et des méningococcémies (bactériémies à méningocoques) aiguës, dont le purpura fulminans. Les symptômes débutent en général 1 à 4 jours après l’infection. Même avec des soins appropriés, le décès survient dans environ 10 % des cas et des séquelles permanentes peuvent concerner 10 à 40 % des survivants (cutanées, orthopédiques, neurologiques, cognitives, comportementales, etc.), en particulier chez les nourrissons et les adolescents.

Évolution épidémiologique en France

En 2023, 560 cas d’IIM ont été déclarés, soit une augmentation de 72 % par rapport à 2022, avec un pic d’incidence précoce et très élevé durant l’hiver 2022 - 23. La distribution par sérogroupe était la suivante : 240 cas d’IIM B (44 %), 160 cas d’IIM W (29 %), 130 cas d’IIM Y (24 %) et une part très faible du sérogroupe C (0,9 %). On constate en particulier une augmentation du nombre de cas d’IIM W (x 2,5 par rapport à 2022) et d’IIM Y (x 1,7 par rapport à 2022) à des niveaux qui n’avaient jamais été observés auparavant (fig. 1).

L’évolution épidémiologique dépend de la classe d’âge (fig. 2). Chez les nourrissons de moins de 1 an et les moins de 5 ans, le sérogroupe B restait majoritaire, représentant 60 % des cas (en déclin par rapport à 2022 : 67 % des cas), tandis que les sérogroupes Y et W étaient en augmentation, représentant 41 % des cas chez les moins de 5 ans (versus 30 % en 2022). Chez les adolescents à partir de 15 ans, la part de cas liés au sérogroupes W et Y augmentait avec l’âge. Dans la tranche 5 - 14 ans, le nombre de cas d’IIM Y et W était faible.

Important : une létalité élevée des IIM W (19 %) a été observée en comparaison aux autres sérogroupes (7 % pour les IIM B et 8 % pour les IIM Y), confirmant la virulence des souches du sérogroupe W/cc11 et suggérant une virulence accrue des souches W/cc9316 en comparaison à la période prépandémique.

Efficacité et sécurité des vaccins

Dans son analyse, la HAS s’est fondée sur les données de vie réelle des vaccins tétravalents dans les pays ayant adopté la vaccination et sur des modélisations sur l’introduction de la vaccination en France. Les données dans les pays ayant mis en place la vaccination (Royaume-Uni, Pays-Bas, Chili, Australie) montrent un bénéfice direct de la vaccination tétravalente chez les personnes éligibles, en particulier sur le taux d’incidence des cas d’IIM dues au sérogroupe W ainsi qu’un bénéfice indirect dans les populations non vaccinées. Aux Pays-Bas par exemple – où la couverture vaccinale était de 93 % et 86 % respectivement chez les nourrissons de 14 mois et les adolescents de 14 à 18 ans – on a observé une réduction du taux d’incidence des IIM dues au sérogroupe W de 82 % dans le groupe d’âge éligible à la vaccination et de 57 % dans la population non éligible.

Les résultats de la modélisation effectuée à partir des données françaises suggèrent que, afin de maximiser les bénéfices de santé publique, la vaccination tétravalente devrait cibler les nourrissons et les adolescents. Pour le sérotype B, la vaccination des nourrissons seuls, sans ajout de la vaccination chez les adolescents, maximiserait le nombre de cas évités pour 10 000 vaccinations (même si l’ajout de la vaccination des adolescents conduirait à une réduction supplémentaire de 5 % de l’ensemble des cas d’IIM B).

Enfin, les données de sécurité et de tolérance disponibles sur les vaccins méningococciques (Bexsero, Trumenba, Nimenrix, Menquadfi, Menveo) sont en faveur d’une sécurité d’emploi. Les profils de tolérance des différents vaccins tétravalents sont similaires. Le bilan de pharmacovigilance effectué par l’ANSM conclut que les profils de sécurité sont en accord avec leurs RCP respectifs.

En pratique : ce qui change

Vaccination contre les sérogroupes ACWY

La HAS recommande de rendre obligatoire la vaccination tétravalente chez tous les nourrissons, en remplacement de la vaccination contre le sérogroupe C, selon un schéma à deux doses : une dose à l’âge de 6 mois puis un rappel à 12 mois. Le changement de schéma vaccinal avec une première dose à 6 mois au lieu de 5 mois (âge actuellement en vigueur pour la première dose de vaccins contre le sérogroupe C) permet de conserver un schéma vaccinal complet réduit à 2 doses et débuté précocement dans la première année de vie.

À savoir : une vaccination initiée avec un vaccin monovalent C chez le nourrisson peut être poursuivie avec un tétravalent ACWY, et une vaccination ACWY initiée avant 12 mois doit être poursuivie avec le même vaccin Nimenrix. Ce dernier peut être co-administré avec la plupart des vaccins recommandés à cet âge (encadré 1).

Le rattrapage de la vaccination ACWY chez les enfants de plus de 1 an n’est pas recommandé.

La HAS recommande la vaccination tétravalente chez tous les adolescents selon un schéma à une dose administrée entre 11 et 14 ans, indépendamment de leur statut vaccinal, et la mise en place à l’échelle nationale d’un rattrapage vaccinal chez les 15 - 24 ans. Les trois vaccins tétravalents disponibles en France (Nimenrix, Menquadfi et Menveo) peuvent être considérés comme interchangeables et peuvent être administrés dans le cadre du rattrapage, en même temps que les autres vaccins qui sont recommandés à cet âge.

Pour les populations particulières, les professionnels et autour d’un ou plusieurs cas d’infections invasives à méningocoques, les recommandations en vigueur demeurent inchangées.

Vaccination dirigée contre le sérogroupe B

La HAS recommande de rendre la vaccination contre le sérogroupe B obligatoire pour tous les nourrissons (actuellement elle est juste recommandée).

Si elle ne recommande pas de l’étendre à tous les adolescents, elle préconise que la vaccination puisse être remboursée chez tous les jeunes de 15 à 24 ans souhaitant se faire vacciner.

La stratégie actuellement en vigueur chez les personnes à risque et en situation d’hyperendémie reste inchangée.

Qu’en retenir ?

Voir tableau récapitulatif ci-contre.

Encadre

1. Les vaccins méningococciques sont-ils interchangeables ?

Aucune donnée n’a été identifiée concernant l’interchangeabilité des vaccins monovalents dirigés contre le sérogroupe B entre eux (Bexsero, Trumenba). Conformément au calendrier vaccinal en vigueur, les personnes qui ont commencé un programme de vaccination avec l’un des vaccins doivent le poursuivre avec le même vaccin.

Concernant les vaccins méningococciques ACWY (Menquadfi, Nimenrix, Menveo), plusieurs études démontrent leur capacité d’effet de rappel satisfaisant après une primovaccination par des vaccins tétravalents et, pour Nimenrix et Menquadfi, après une primovaccination avec un vaccin contre le méningocoque de sérogroupe C. Conformément au RCP, les trois vaccins tétravalents peuvent être administrés en dose de rappel pour les personnes ayant reçu une primovaccination avec un autre vaccin méningococcique conjugué. À noter cependant que les résultats des études sur l’interchangeabilité d’une dose de rappel avec Menquadfi chez les nourrissons âgés de 12 à 23 mois après une première dose de Nimenrix ne sont pas disponibles à ce jour.

Encadre

2. Quelle durée de protection ?

La durée de protection conférée par les vaccins méningococciques monovalents C et B ou tétravalents ACWY et la nécessité de rappels ne sont pas établies selon les données des AMM.

En théorie, sur un plan strictement individuel, la durée de protection peut être prédite par la persistance d’anticorps vaccinaux (ou naturels) à un taux élevé et bactéricide. En l’absence de rappel vaccinal, les taux d’anticorps diminuent rapidement avec le temps, et ce d’autant plus que le sujet a reçu sa primovaccination tôt dans l’enfance (avant l’âge de 5 ans).

Sur la base de la baisse progressive des taux d’anticorps bactéricides sériques post-vaccinaux avec le temps et de la persistance dans la durée du risque d’infection, il est recommandé chez des sujets à risque élevé et durable d’IIM qu’une vaccination de rappel monovalente B et tétravalente ACWY conjuguée soit effectuée tous les cinq ans.

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