En France, le calendrier vaccinal recommande, pour les personnes âgées de 65 ans et plus, quatre vaccins (Covid-19, grippe, DTP [diphtérie, tétanos, poliomyélite] et zona) et trois autres en cas de risque particulier (pneumocoque, coqueluche, hépatite A). Pourtant, les couvertures vaccinales restent insuffisantes. La vaccination des seniors doit devenir un objectif prioritaire de santé publique et impliquer tous les professionnels de santé.
La pandémie de Covid-19 a rappelé la nécessité de ­vacciner les seniors dont la fragilité face aux risques infectieux s’accroît avec l’âge et les comorbidités, l’immunosénescence tendant à diminuer la protection conférée par les vaccins. Pourtant, malgré les recommandations annuelles du calendrier des vacci­nations,1 les taux de couverture vaccinale restent notoirement insuffisants dans les tranches d’âge les plus élevées, non seulement contre le SARS-CoV-2 et la grippe saisonnière mais plus encore contre les pneumocoques et le zona. Bien que la vaccination soit reconnue comme un atout pour vieillir en bonne santé, ces recommandations restent souvent ignorées du grand public et sont insuffisamment appliquées en médecine générale. En France, où les seniors représentent 21 % de la population, L’amélioration de la couverture vaccinale dans cette tranche d’âge doit devenir un objectif majeur de la médecine préventive.

Quels sont les risques infectieux évitables par la vaccination chez les seniors ?

Le calendrier vaccinal des seniors cible en priorité cinq maladies : la grippe, le Covid-19, les infections dues au pneumocoque et au virus respiratoire syncytial (VRS) et le zona (tableaux 1 et 2).1
La grippe saisonnière tue chaque année 10 000 personnes en moyenne, dont 90 % de seniors. La vaccination, prise en charge à 100 % annuel­lement par l’Assurance maladie dès 65 ans, est efficace à 35 % contre la mortalité,2 mais la couverture vaccinale reste insuffisante (56 % pour la saison 2022-2023).
Avec le Covid-19, plus de 90 % des décès surviennent après 60 ans. Les vaccins à ARN messager sont immunogènes chez les seniors, mais ils confèrent une protection de courte durée, nécessitant des rappels réguliers. La couverture vaccinale, très élevée en 2021 (plus de 90 %), s’est effondrée par négligence de ces rappels malgré les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS).3 Les recommandations en faveur des rappels ont été peu suivies : à la fin juin 2023, 91 % des 60-79 ans n’avaient pas reçu de rappel dans les six derniers mois et 98 % des 80 ans et plus dans les trois derniers mois.4
Contre le pneumocoque, responsable d’une létalité élevée chez les personnes très âgées ou ayant plus de deux comorbidités,5 la couverture vaccinale est médiocre. Depuis 2013, la vaccination des personnes immunodéprimées consiste en une dose de VPC13 suivie d’une dose de VPP23. En 2017, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a étendu ce schéma vaccinal aux adultes porteurs d’une comorbidité à risque (insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, bronchopneumo­pathie chronique obstructive et diabète non contrôlé par le régime seul), soit au moins 20 % de la population âgée de plus de 65 ans et 40 % des personnes vivant en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il n’a pas été étendu plus largement, le rapport coût/effi­cacité étant favorable pour la vaccination des adultes à risque, mais pas pour son extension à l’ensemble des personnes de plus de 65 ans. En 2018, 3 % des adultes à risque et 19 % des immunodéprimés avaient bénéficié de ce nouveau schéma.4 Un nouveau vaccin est recommandé préférentiellement au schéma séquentiel en vigueur chez l’adulte :6 Apexxnar, conjugué et adjuvanté, qui couvre 20 sérotypes (dose unique par voie intramusculaire. Il devrait être prochainement commercialisé en France.
Contre le VRS, responsable d’au moins 1 000 décès chaque année en France,7 deux vaccins recombinants, Arexvy (adjuvanté, dose unique par voie intramusculaire) et Abrysvo (non adjuvanté, dose unique par voie intramusculaire), sont approuvés par l’Agence européenne du médicament pour les personnes de plus de 60 ans, mais ils ne sont pas encore recommandés en France.
Malgré l’augmentation de l’incidence du zona après 70 ans et la fréquence des douleurs post-zostériennes, la vaccination par Zostavax (une dose par voie sous-cutanée ou intramusculaire) reste anecdotique. Cette vaccination est recommandée depuis 2013 par le HCSP pour les adultes âgés de 65 à 74 ans révolus avec un schéma vaccinal à une dose, mais la couverture vaccinale reste inférieure à 5 % en France.4 Un vaccin plus efficace (Shingrix, une dose initiale suivie d’une seconde administrée deux mois plus tard par voie intramusculaire), recombinant et adjuvanté, utilisable chez l’immunodéprimé est commercialisé en France depuis fin 2023. La HAS a publié des recommandations en février 2024 qui préconisent la vaccination contre le zona des adultes immunocompétents de 65 ans et plus, préférentiellement avec le vaccin Shingrix.8
La diphtérie, le tétanos et la coqueluche n’ont pas disparu et justifient un rappel de vaccin combiné, trivalent (Revaxis) ou tétravalent (Boostrixtetra, Repevax) avec la valence coqueluche, à l’âge de 65 ans puis tous les dix ans.
Certaines arboviroses et maladies du voyageur comme l’encéphalite à tiques et la dengue (vaccin non disponible en France) peuvent occasionner des foyers autochtones. De plus, les voyages touristiques attirent de plus en plus de seniors vers des séjours exotiques qui peuvent les exposer à la fièvre jaune, aux hépatites virales A et B, aux méningites à méningocoque, à la fièvre typhoïde, au choléra, à la rage et à l’encéphalite japonaise.

L’immunosénescence compromet-elle la protection vaccinale ?

L’immunosénescence est un déclin fonctionnel du système immunitaire qui risque de diminuer l’efficacité des vaccinations et de ne pas assurer de protection durable. Différents moyens peuvent améliorer l’immunogénicité des vaccins :9
  • l’augmentation des doses d’antigènes est mise à profit contre la grippe avec le vaccin quadrivalent haute dose Efluelda recommandé chez les personnes de 60 ans et plus ;
  • de nouveaux adjuvants à base de squalènes dans une émulsion huile et eau sont utilisés, comme MF59 pour le vaccin grippal Fluad Tetra ou AS01 pour les vaccins Shingrix et Arexvy ;
  • la voie intradermique, plus immunogène, a été proposée pour vacciner les personnes âgées contre la grippe ;10
  • la pratique de rappels réguliers tout au long de la vie (rappels dTP [diphtérie, tétanos, poliomyélite] tous les dix à vingt ans) contribue à maintenir durablement un taux d’anticorps supérieur au seuil de protection.11

Comment la vaccination maintient-elle les seniors en bonne santé ?

Son rôle essentiel est d’éviter le déclin fonctionnel post-infectieux, surtout observé après la grippe, le Covid-19, les infections à pneumocoque et à VRS, qui représente la sixième cause d’invalidité chez les personnes âgées. Mais il existe d’autres bénéfices, ne se limitant pas à la prévention des infections. Des études multicentriques récentes démontrent en effet que, au niveau individuel, le vaccin contre la grippe peut prévenir l’infarctus du myocarde et la mortalité toutes causes confondues en cas d’insuffisance cardiaque, d’infarctus récent et de diabète et diminuer le risque de démence.12 De même, le vaccin contre le zona est associé à une réduction d’incidence des accidents vasculaires cérébraux,13 le vaccin contre l’hépatite B à celle du diabète,14 et le vaccin pneumococcique à celle des accidents coronariens.15

Pourquoi les seniors sont-ils si peu vaccinés ?

L’isolement, le déclin de la cognition ou de l’autonomie sont souvent évoqués pour expliquer la faible couverture vaccinale des seniors, mais l’implication des praticiens est le facteur essentiel. Bien que la majorité d’entre eux soient favorables à la vaccination et qu’ils bénéficient d’un taux de confiance élevé, ils peuvent hésiter devant la fragilité des patients âgés, redouter les effets indésirables des vaccins davantage que les maladies cibles et manquer d’expérience dans l’application de recommandations souvent évolutives. Le temps limité de la consultation peut les inciter à omettre ou à reporter la mise à jour du calendrier vaccinal.
Dans le cas particulier des EHPAD, l’augmentation du nombre d’établissements sans médecin coordonnateur limite la vaccination des résidents.

Comment améliorer la couverture vaccinale des seniors ?

L’Académie nationale de médecine, dans son rapport sur la vaccination des seniors,4 propose un certain nombre de recommandations. Plusieurs démarches peuvent être entreprises :
  • renforcer et valoriser le rôle pivot du médecin traitant, qui doit entretenir ses connaissances en vaccinologie, assurer le suivi personnalisé du statut vaccinal de chaque patient et organiser le partage d’informations avec les autres professionnels de santé pour éviter les oublis et les occasions manquées ;
  • étendre les compétences vaccinales aux professionnels non médecins, infirmiers et pharmaciens d’officine, pour faciliter le parcours vaccinal et multiplier les opportunités de contacts avec un vaccinateur ;16
  • concentrer les efforts vers les résidents en EHPAD et les personnes âgées vivant en situation d’isolement en développant les équipes mobiles de vaccination selon le principe de l’« aller vers » ;
  • promouvoir des campagnes de sensibilisation, non limitées à la grippe et au SARS-CoV-2, en rappelant les risques encourus par les personnes âgées non vaccinées ;
  • établir et maintenir un taux élevé de couverture vaccinale chez les professionnels de santé et d’aide à la personne, notamment contre la grippe et contre le SARS-CoV-2 ;
  • tirer parti des progrès techno­logiques pour remplacer l’ancien carnet vaccinal (jamais à jour, inexploitable ou égaré) par un carnet de vaccination numérique relié à un système d’aide à la décision vaccinale et pouvant être partagé avec le médecin traitant et une personne aidante.17

Objectif prioritaire de santé publique

La vaccination des seniors doit figurer parmi les objectifs prioritaires de santé publique. Elle augmente la durée de vie active et autonome en réduisant les risques de mortalité toutes causes confondues, elle confère une protection indirecte de l’entourage familial ou institutionnel des personnes âgées en induisant une immunité de groupe, elle permet de réduire la consommation d’antibiotiques. C’est pourquoi il faut saisir toutes les opportunités pour mettre à jour les vaccinations des personnes âgées, mesure fondamentale pour le « bien vieillir ».
Références
1. Ministère de la Santé et de la Prévention. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2023. Juin 2023. https://vu.fr/FDECn
2. Bonmarin I, Belchior E, Levy Bruhl D. Impact of influenza vaccination on mortality in the French elderly population during the 2000-2009 period. Vaccine 2015;33(9):1099-101.
3. Haute Autorité de santé. Recommandation « Stratégie de vaccination contre la Covid-19 : actualisation des recommandations relatives à l’administration concomitante des vaccins contre la Covid-19 et contre la grippe saisonnière », 10 juillet 2023.
4. Rapport de l’Académie nationale de médecine. Vaccination des seniors. 7 novembre 2023.
5. Danis K, Varon E, Lepoutre A, Janssen C, Forestier E, Epaulard O, et al. Factors associated with severe nonmeningitis invasive pneumococcal disease in adults in France. Open Forum Infect Dis 2019;6(12):ofz510.
6. Haute Autorité de santé. Rapport d‘évaluation « Stratégie de vaccination contre les infections à pneumocoque. Place du vaccin pneumococcique polyosidique conjugué (20-valent, adsorbé) chez l’adulte », 27 juillet 2023.
7. Ailhaud L. Infections à virus respiratoire syncytial chez la personne âgée : à propos de 124 cas. Med Mal Infect 2020;50(6 suppl):S195.
8. Haute Autorité de santé. Recommandations vaccinales contre le zona. Place du vaccin Shingrix. Février 2024.
9.. Allen JC, Toapanta FR, Chen W, Tennant SM. Understanding immunosenescence and its impact on vaccination of older adults. Vaccine 2020;38(52):8264-72.
10. Saville M, Marsh G, Hoffenbach A. Improving seasonal and pandemic influenza vaccines. Influenza Other Respir Viruses 2008;2(6):229-35.
11. Kaml M, Weiskirchner I, Keller M, Luft T, Hoster E, Hasford J, et al. Booster vaccination in the elderly: Their success depends on the vaccine type applied earlier in life as well as on pre-vaccination antibody titers. Vaccine 2006;24(47-48):6808-11.
12. Michel JP, Frangos E. The implications of vaccines in older populations. Vaccines (Basel) 2022;10(3):431.
13. Klaric JS, Beltran TA, McClenathan BM. An association between herpes zoster vaccination and stroke reduction among elderly individuals. Mil Med 2019;184(Suppl 1):126-32.
14. Huang J, Ou HY, Lin J, Karnchanasorn R, Feng W, Samoa R, et al. The impact of hepatitis B vaccination status on the risk of diabetes, implicating diabetes risk reduction by successful vaccination. PLoS One 2015;10(10):e0139730.
15. Jaiswal V, Ang SP, Lnu K, Ishak A, Pokhrel NB, Chia JE, et al. Effect of pneumococcal vaccine on mortality and cardiovascular outcomes: A systematic review and meta-analysis. J Clin Med 2022;11(13):3799.
16. Journal officiel de la République française. Décret 2023-736 relatif aux compétences vaccinales des infirmiers, des pharmaciens d’officine, des infirmiers et des pharmaciens exerçant au sein des pharmacies à usage intérieur, des professionnels de santé exerçant au sein des laboratoires de biologie médicale et des étudiants en troisième cycle des études pharmaceutiques, 9 août 2023.
17. Koeck JL, Auguste J, Floret D. MesVaccins.net: A global, multi-functional and integrated platform for information and communication on vaccination. Vaccine 2018;36(25):3572.

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Résumé

En France, le calendrier vaccinal des seniors (personnes âgées de 65 ans et plus) recommande quatre vaccins (Covid-19, grippe, DTP [diphtérie, tétanos, poliomyélite] et zona) et trois autres en cas de risque particulier (pneumocoque, coqueluche, hépatite A). Pourtant, les couvertures vaccinales vis-à-vis de ces maladies infectieuses demeurent insuffisantes, créant un fardeau médical et économique de plus en plus lourd dans une population qui vieillit. La vaccination des seniors doit devenir un objectif prioritaire de santé publique et impliquer tous les professionnels de santé, au premier rang desquels les médecins traitants. Elle doit être améliorée en intégrant les progrès de la vaccinologie et les technologies numériques dans un programme visant à maintenir les couvertures vaccinales tout au long de la vie.