Un vaccin thérapeutique contre le cancer du poumon en phase avancée ? C’est un grand pas accompli par les investigateurs de l’essai inter­national ATALANTE-1 pour un cancer fréquent dont le pronostic reste défavorable lorsque les traitements classiques, comme la chimiothérapie, et plus récents, comme l’immunothérapie avec les inhibiteurs de checkpoints, échouent ! Utilisant un polypeptide de synthèse, OSE2101 (Tedopi), produit par la société de biotechnologies Ose Immunotherapeutics, installée à Nantes, les auteurs de l’article publié ce mois-ci dans Annals of Oncology, le journal officiel de la Société euro­péenne d’oncologie médicale (ESMO), mon-trent un bénéfice proche de quatre mois en survie chez des patients avec un cancer du poumon métastatique résistant aux traitements standard.1
Le polypeptide rassemble neuf épitopes couvrant cinq protéines largement exprimées dans les cancers du poumon et un épitope polyvalent stimulant la réaction immunitaire lymphocytaire, d’où son nom de « vaccin théra­peutique ». Il est capable de réveiller le système immunitaire chez 50 % des patients, ceux qui présentent un sérotype HLA-A2, entraînant une activité des lymphocytes T dont un reflet biologique concret est la production accrue d’interféron γ.
Ces résultats sur la survie globale peuvent paraître modestes (3,6 mois exactement) mais ils sont cohérents avec d’autres retrouvés pour le mélanome ou le cancer de la prostate, utilisant une stratégie similaire. Ils suggèrent un avantage significatif de la réactivation des capacités immunitaires induite par la vaccination plutôt que de la réponse tumorale rapide, mais souvent courte, sous chimiothérapie. Le vaccin permettrait d’atteindre un frein plus solide à la progression tumorale, rejoignant le principe général du « bénéfice clinique » (clinical benefit rate) ; celui-ci, largement utili­sé dans les situations de cancer avancé, dépasse le cadre réducteur de la réponse tumorale en intégrant également la stabilisation tumorale, insistant donc sur la durée du contrôle tumoral plutôt que sur la réponse ou « fonte » tumorale, souvent transitoire, avant le déclenchement de mécanismes de résis­tance. D’où apparaît le paradoxe d’une ré­ponse tumorale moindre mais d’un meilleur impact du vaccin sur le pronostic, compara­tivement à la chimiothérapie dans l’étude ATALANTE-1 ; cet apparent paradoxe alimente le débat méthodo­logique sur le meilleur critère de jugement pour apprécier l’intérêt de ces nouveaux trai­tements, survie globale plutôt que réponse et survie sans progression.2 Important pour les patients : l’amélioration de la survie observée n’était pas dissociée d’un meilleur maintien de la qualité de vie, paramètre essentiel en cas de cancer avancé, avec moins d’effets indésirables que sous chimiothérapie.
L’étude ayant souffert d’un arrêt du recrutement lors de la pandémie de Covid-19, ses résultats manquent de puissance, et il faut rester attentif aux données complémentaires à venir pour le cancer du poumon mais aussi pour d’autres tumeurs solides, comme le cancer de l’ovaire. Néanmoins, OSE2101 rejoint les traitements prometteurs et disponibles à court terme pour encourager le système immunitaire à restaurer ses capacités de contrôle tumoral, rattrapant les échappements aux inhibiteurs de checkpoints anti-­PD-1 et anti-PD-L1 et à la chimiothérapie classique.
Références
1. Besse B, Felip E, Garcia Campelo R, Cobo M, Mascaux C, Madroszyk A, Cappuzzo F, et al; ATALANTE-1 study group. Randomized open-label controlled study of cancer vaccine OSE2101 versus chemotherapy in HLA-A2-positive patients with advanced non-small-cell lung cancer with resistance to immunotherapy: ATALANTE-1. Ann Oncol 2023;34(10):920-33.
2. Xu Z, Zhen B, Park Y, Zhu B. Designing therapeutic cancer vaccine trials with delayed treatment effect. Stat Med 2017;36(4):592-605.