Des cas de syndrome de Guillain-Barré ont été rapportés après vaccination anti-Covid, mais le taux d’incidence précis de cet EI n’était pas connu. Pour la première fois, une vaste étude de pharmacovigilance américaine sur près de 500 millions de doses a comparé les différents vaccins, avec des résultats rassurants pour les vaccins à ARNm… 

Le syndrome de Guillain-Barré (SGB) est une polyradiculoneuropathie à médiation auto-immune d’installation aiguë. Cette affection rare (environ 1,1 cas pour 100 000 habitants),dans laquelle le système immunitaire du patient attaque les nerfs périphériques, se caractérise par une faiblesse ascendante des membres et une paralysie. Si son étiologie est encore peu claire, le SGB est souvent précédée d’un épisode infectieux ou, beaucoup plus rarement, d’une vaccination.

Il figure actuellement en tant qu’effet indésirable « très rare » (< 1/10 000) dans les RCP des vaccins anti-Covid Jcovden (Ad26.COV2-S, Janssen) et Vaxzevria (ChAdOx1-S, AstraZeneca), qui sont des vaccins à vecteur viral. Pour le vaccin Comirnaty (BNT162b2, Pfizer), à ARNm, il s’agit d’un événement sous surveillance d’après les rapports de pharmacovigilance française, mais pour lequel « les données disponibles ne permettent pas de se prononcer, au niveau populationnel, en faveur d’un signal potentiel » ; enfin, il ne figure pas dans les signaux potentiels ni les événements sous surveillance pour Spikevax (mRNA-1273, Moderna).

Pour la première fois, une vaste étude de cohorte avec des données de pharmacovigilance américaines a permis de mieux caractériser le risque de survenue de cet effet indésirable après vaccination anti-Covid, en le comparant entre les différents vaccins.

Cette étude rétrospective a été conduite avec les données du VAERS (Vaccine Adverse Event Reporting System), système de surveillance passive de la sécurité des vaccins, co-administré par les CDC et la FDA aux États-Unis.

Entre décembre 2020 et janvier 2022, plus de 487 millions de doses de vaccins anti-Covid ont été administrées dans ce pays, dont 54,7 % avec Comirnaty, 41,6 % avec Spikevax et 3,7 % avec Jcovden. Durant cette même période, 912 cas de possible SGB ont été rapportés dans le VAERS, dont 295 cas ont pu être vérifiés par les auteurs (diagnostic établi avec les définitions du Brighton Collaboration). Parmi ces cas, 27,8 % étaient rapportés après une vaccination par Jcovden, 35,3 % après Comirnaty et 36,3 % après Spikevax. Les taux rapportés de SGB dans les 21 jours puis les 42 jours suivant l’injection ont été calculés pour ces trois vaccins. De plus, le ratio entre le nombre de cas observés versus les cas attendus a été estimé en comparant avec des taux d’incidence de référence.

Ainsi, les taux de survenue de SGB après l’administration d’un vaccin anti-Covid étaient de 3,29 pour 1 million de doses du vaccin Jcovden, contre 0,29 et 0,35 pour 1 million pour les vaccins à ARNm (respectivement Comirnaty et Spikevax) dans les 21 jours suivant l’injection ; dans les 42 jours, ils étaient respectivement de 4,07 pour 1 million, 0,34 et 0,44 pour 1 million de doses. Les délais médians de survenue entre la vaccination et le début des symptômes se situaient entre 7 et 13 jours, selon les vaccins et les intervalles considérés.

Les cas rapportés de SGB étaient donc 9 à 12 fois plus nombreux après vaccination par Jcovden qu’après administration d’un vaccin à ARNm. De plus, les cas de SGB rapportés après ce même vaccin étaient 2 à 3 fois supérieurs au nombre de cas attendus de référence durant les intervalles étudiés. En revanche, aucune différence significative avec les taux de référence n’a été observée pour les cas de SGB survenus après les vaccins à ARNm.

Ces résultats confirment donc ceux d’études précédentes de moindre envergure qui montraient une association potentielle entre le vaccin Jcovden et la survenue d’un SGB, et sont rassurants quant aux vaccins à ARNm. Le sur-risque de SGB après l’administration de Jcovden, comme après celle de Vaxzevria évoquée aussi par d’autres études, suggère en effet une association avec la classe des vaccins à vecteur adénoviral d’après les auteurs, il est possible que des anticorps induits par ces vaccins provoquent des réactions croisées avec les glycoprotéines de la gaine de myéline des axones des nerfs périphériques, favorisant un SGB. Cet effet indésirable reste toutefois rare.

Pour en savoir plus
Abara WE, Gee J, Marquez P, et al. Reports of Guillain-Barré Syndrome After COVID-19 Vaccination in the United States.  JAMA 2023;6(2):e2253845.