Pour évaluer le risque à court terme (3 semaines suivant chaque injection) de 4 événements cardiovasculaires (infarctus aigu du myocarde, accident vasculaire cérébral [AVC] ischémique ou hémorragique et embolie pulmonaire) après l’administration de chacun des 4 vaccins utilisés en France (Pfizer, Moderna, AstraZeneca, Janssen), les chercheurs ont conjugué le Système national des données de santé (SNDS), comprenant les données anonymes de toute la population française, à la base de données nationale de vaccination anti-Covid (VAC-SI).
Les participants étaient tous les adultes en France âgés de moins de 75 ans admis à l’hôpital pour l’un de ces 4 événements cardiovasculaires, du début de la campagne vaccinale à l’arrêt du suivi le 20 juillet 2021.
Il s’agit donc de l’étude de vie réelle la plus complète effectuée à ce jour concernant les effets indésirables cardiovasculaires graves des vaccins anti-Covid, et la seule pour l’instant à considérer séparément la 1ère et la 2e dose. Les chercheurs ont ainsi calculé les incidences relatives de ces 4 événements entre les périodes « exposées » au vaccin, soit chacune des 3 semaines suivant la 1ère et la 2e dose des différents vaccins, et les périodes dites « de référence » (toutes les autres périodes d’observation), avec une méthode dite de « séries de cas autocontrôlés » où la comparaison des risques est faite au niveau de chaque individu, permettant de compenser l’absence de randomisation de l’étude observationnelle.
Au 20 juillet 2021, 67 % des adultes de moins de 75 ans (31 millions sur 46,5) avaient reçu au moins 1 dose de vaccin. La majorité (environ 23,3 millions) avaient eu le vaccin Pfizer (dont 17,1 millions les 2 doses), 3,0 millions le vaccin Moderna (2 doses : 2,1 millions), 3,9 millions le vaccin AstraZeneca (2 doses : 3,5 millions) et 0,6 million la dose unique de Janssen. Sur la période d’observation, 8 232 cas d’embolie pulmonaire, 38 054 d’infarctus aigu du myocarde, 27 626 d’AVC ischémiques et 10 040 d’AVC hémorragiques ont été enregistrés au total (sujets vaccinés et non vaccinés).
Chez les personnes ayant reçu un vaccin à ARNm (Pfizer, Moderna), l’incidence de ces 4 événements ne différait pas significativement entre les 3 semaines suivant la 1ère ou la 2e dose et les périodes de référence.
En revanche, l’incidence de l’infarctus aigu du myocarde était significativement plus élevée au cours des 2 semaines suivant l’injection unique de Janssen (incidence relative [IR] = 1,57 pour la 1ère semaine et 1,75 pour la 2e semaine) que pendant les périodes de référence. Les incidences d’infarctus aigu du myocarde et d’embolie pulmonaire étaient aussi plus élevées au cours de la 2e semaine suivant la 1ère dose d’AstraZeneca que pendant les périodes de référence (IR de 1,29 et 1,41 respectivement). L’incidence de l’embolie pulmonaire était également augmentée au cours de la 2e semaine suivant la 2e dose de ce vaccin, mais de manière moins marquée qu’après la 1ère dose (IR = 1,29).
En conclusion, les résultats de cette étude ne mettent pas en évidence d’association entre les vaccins à ARNm et le risque d’infarctus aigu du myocarde, d’AVC ou d’embolie pulmonaire au cours des 3 semaines suivant les injections chez les personnes de moins de 75 ans, confirmant la sécurité de ces vaccins vis-à-vis du risque d’événements cardiovasculaires graves.
Ils suggèrent en revanche une légère augmentation des risques d’infarctus aigu du myocarde avec les vaccins à vecteur viral, mais aussi d’embolie pulmonaire (uniquement avec le vaccin AstraZeneca). Au cours de la 2e semaine suivant la 1ère dose de celui-ci, l’augmentation du risque d’embolie pulmonaire et d’infarctus aigu du myocarde atteindrait jusqu’à 30 %.
Les risques éventuellement associés aux doses de rappel, effectuées avec les vaccins à ARN, restent à évaluer (administrées en dehors de la période d’observation de cette étude). Le suivi de pharmacovigilance en cours concernant les rappels a identifié, au 3 janvier, environ 700 cas graves notifiés après vaccination avec Pfizer (survenus en majorité chez les 65 ans et plus), dont plus de 40 % concernaient des événements cardiovasculaires (embolie pulmonaire, AVC, AIT, myocardite/péricardite, HTA…), mais sans qu’il existe à ce jour un signal sur une réactogénicité plus importante après le rappel par rapport à la primovaccination.
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Épi-Phare. Vaccins Covid-19 et évènements cardiovasculaires chez les 18-74 ans. 18 janvier 2022.