Une nouvelle analyse a été réalisée par les centre régionaux de pharmacovigilance en collaboration avec des médecins ORL, sur l’ensemble de cas de surdité déclarés après une vaccination par Comirnaty (Pfizer) ou Spikevax (Moderna) depuis le début de la campagne vaccinale et jusqu’au 2 février 2022. L’analyse a concerné les cas de surdité de perception (atteinte de l’oreille interne : de la cochlée ou du nerf auditif) ou de surdité mixte (touchant à la fois l’oreille externe et/ou moyenne et l’oreille interne) ; les surdités de transmission (affection de l’oreille externe ou moyenne) n’ont pas été retenues.
Comirnaty : 115 cas de surdité analysés
Pour le vaccin Comirnaty, 115 cas graves de surdité documentés (consultation ORL et/ou audiogramme disponible) ont été retenus et analysés, dont 87 survenus dans un délai inférieur à 21 jours après l’injection (délai médian de 4 jours) ; 62 % des personnes concernées n’avaient pas d’antécédent cardiovasculaire, otoneurologique et/ou auto-immun connu. Ces deux caractéristiques font de ces événements un signal potentiel, bien que le lien de causalité avec le vaccin ne soit pas établi.
Ces cas concernaient 50 hommes et 65 femmes, avec une prédominance dans la tranche d’âge 30-49 ans et 50-56 ans (respectivement 37 % et 31 % des cas), l’âge médian étant de 52 ans. Il s’agissait surtout d’événements survenus après la première dose de vaccin (47 %), 42 % après la 2e dose et 9,5 % après la 3e dose. La majorité des cas ont eu lieu durant le printemps et l’été de l’année dernière, avec un pic en juin 2021.
L’ANSM a estimé le taux de notifications de cas graves de surdité à 0,16/100 000 personnes (hors autres symptômes ORL) compte tenu du nombre d’injections administrées au 2 février 2022 (plus de 100 millions), ce qui suggère qu’il s’agit d’un événement très rare. Toutefois, en l’absence de données précises sur l’incidence des troubles de l’audition en France, la comparaison avec le risque de surdité en population générale n’était pas possible.
Les surdités légères à moyennes étaient prédominantes (37 %), et les atteintes en majorité unilatérales (83 %). Dans environ la moitié des cas, un acouphène était associé et dans environ un tiers des cas, des vertiges et des troubles de l’équilibre ont aussi été notés. Enfin, un tiers des cas sont rétablis sans séquelles ; 4 cas avec séquelles (nécessité d’appareillage) et 71 n’étaient pas rétablis au moment de la déclaration.
Spikevax : 51 cas de surdité analysés
Sur les 51 cas de surdité rapportés après l’administration de Spikevax, 29 étaient documentés (consultation ORL et/ou audiogramme disponible), dont 26 survenus dans un délai inférieur à 21 jours après l’injection. Parmi ces derniers, 20 cas étaient considérés comme graves. La majorité des personnes concernées (20 cas, dont 19 survenus dans les 21 jours suivant l’injection) n’avaient pas d’antécédent cardiovasculaire, otoneurologique, auto-immun ou systémique non auto-immun connu. Ces deux caractéristiques font de ces événements un signal potentiel.
Ces cas sont survenus chez 14 hommes et 15 femmes, surtout dans la tranche d’âge 30-49 ans (41 % des cas), l’âge médian étant de 51 ans ; 13 ont eu lieu après la 1re dose, 12 après la 2e dose et 2 après la 3e dose (pour 2 cas, l’information n’était pas disponible). La plupart sont survenus entre avril et août 2021.
L’ANSM a estimé le taux de notifications de cas de surdité à 0,22/100 000 injections, compte tenu du nombre de doses de Spikevax administrées au 2 février 2022 (plus de 22 millions), et à 0,10/100 000 injections pour les cas graves (fréquence donc très rare). Bien que la comparaison avec le risque de surdité en population générale ne soit pas possible, l’ANSM estime que l’analyse fine de chaque cas ne permet pas d’exclure un lien de causalité avec le vaccinpour une trentaine de cas. Cette hypothèse est renforcée par la survenue de 2 cas en « rechallenge positif » (troubles survenus chez une même personne après chaque injection).
Les atteintes étaient en majorité unilatérales (18 cas) et associées à des troubles cochléo-vestibulaires ; 8 personnes sont rétablies, 14 ne l’étaient pas au moment de la date de notification, dont 7 ont eu besoin d’un appareillage auditif.
Données de pharmacovigilance américaines : le lien n’est pas établi
Aux États-Unis, selon une étude de pharmacoépidémiologie parue dans le JAMA, utilisant les données du VAERS (Vaccine Adverse Event Reporting System), 555 cas de surdité brutale ont été enregistrés entre le 14 décembre 2020 et le 16 juillet 2021, chez des personnes âgées en moyenne de 54 ans.
Les auteurs ont estimé l’incidence de l’événement entre 0,6 et 28 cas/100 000 personnes-années (comparable entre les 3 vaccins étudiés : Pfizer, Moderna et Janssen) alors que l’incidence de ce trouble dans la population générale avant la pandémie est estimée entre 11 et 77 cas/100 000 personnes-années. Ils n’ont ainsi pas pu établir de lien entre la surdité et la vaccination dans cette étude.
Des cas d’appendicite ?
Enfin, un article récent paru dans le JAMA a étudié un autre signal potentiel, sous surveillance par la FDA : la survenue d’appendicites après Comirnaty ou Spikevax. Dans cette étude observationnelle danoise, les chercheurs ont identifié dans la population de ce pays toutes les personnes ayant reçu un vaccin à ARNm et toutes celles (âgées de 12 ans et plus) ayant eu un diagnostic positif de Covid par PCR entre décembre 2020 et novembre 2021, et ont constitué un groupe de comparaison de sujets non vaccinés testés pour le SARS-CoV-2 jusqu’en novembre 2021.
Selon les auteurs, sur plus de 4 millions de sujets âgés de 12 ans et plus qui ont reçu un vaccin anti-Covid à ARNm, 330 ont rapporté la survenue d’une appendicite dans les 21 jours suivant la 1re dose, ce qui correspond à un taux d’incidence de 8,1/100 000 personnes vaccinées. Après la 2e dose, ce taux était estimé à 8,6/100 000 personnes (340 cas sur près de 4 millions d’injections). Comparés au groupe non vacciné de référence, les sujets vaccinés ne semblaient pas avoir un surrisque de survenue d’appendicite. En revanche, dans les 21 jours suivant une infection par le SARS-CoV-2, le taux d’incidence d’une appendicite était estimé à 12,6/100 000 personnes (20 cas sur 159 115 infections), ce qui correspondait, par rapport aux sujets non vaccinés de référence, à un rapport de risques de 1,25.
Ces données contrastent avec celles d’une étude de cohorte israélienne de septembre 2021 dans laquelle les auteurs estimaient l’excès de risque d’appendicite après vaccination par Comirnaty à 5/100 000 sujets.
ANSM. Point de situation sur la surveillance des vaccins contre la Covid-19 – Période du 24/05/2022 au 16/06/2022. 30 juin 2022.
Kildegaard H, Ladebo L, Andersen JH, et al. Risk of Appendicitis After mRNA Vaccination in a Danish Population. JAMA 2022;182(6):684-6.