Pour certains vaccins, comme celui de la grippe, l’efficacité est moins bonne chez les patients obèses. Qu’en est-il pour ceux contre le Covid ? C’est la question à laquelle a essayé de répondre une vaste étude britannique sur plus de 9 millions de personnes, dont les résultats étonnants ont été publiés dans le Lancet Diabetes & Endocrinology

L’obésité est un facteur de risque indépendant de développer une forme grave de Covid-19, mais cette pathologie peut-elle aussi compromettre l’efficacité vaccinale ? Pour le vaccin antigrippal, par exemple, des études ont mis en évidence de moins bonnes réponses sérologiques à court terme, des séroconversions moins durables, une altération de la réponse immunitaire médiée par les lymphocytes T et un risque accru de grippe chez les adultes obèses. Si, pour le vaccin anti-Covid, les premiers essais d’efficacité n’ont pas montré de différence selon l’IMC dans l’efficacité à court terme contre les formes graves de la maladie, des études de plus grande ampleur à ce sujet faisaient défaut… 

Des chercheurs britanniques ont donc mené une vaste étude de cohorte sur une population de plus de 9 millions de personnes âgées de 18 ans et plus (âge moyen : 52 ans ; 47 % d’hommes), incluses entre décembre 2020 et novembre 2021, sans antécédent d’infection par le SARS-CoV-2 et dont le dossier médical comportait au moins une mesure d’IMC. Leurs données anonymisées, provenant de cabinets de médecine générale, ont été croisées avec les données nationales de tests Covid et de vaccination, ainsi qu’avec les statistiques d’hospitalisation et de morts, pour estimer les taux de vaccination et l’efficacité vaccinale (Pfizer, Moderna, AstraZeneca) selon les différentes catégories de poids.

Sur l’ensemble de la cohorte (9 171 524 participants) :

  • 58,2 % avaient un surpoids ou une obésité (24,8 % un IMC ³ 30 kg/m2 et 33,4 % un IMC compris entre 25 et 29,9 kg/m2) ; à l’inverse, les personnes en insuffisance pondérale (IMC < 18,5 kg/m2) représentaient 3,5 % de la cohorte.
  • 52,6 % ont reçu deux doses de vaccin, 25 % trois doses et 3,1 % une seule dose ; 19,2 % n’étaient pas vaccinés.

Premier constat : la couverture vaccinale (deux ou trois doses) était plus importante chez les patients obèses de 40 ans et plus (plus de 80 %) que chez ceux en insuffisance pondérale du même âge (70-83 %) – mais cela pourrait s’expliquer en partie par le fait que les premiers étaient des groupes prioritaires ayant reçu le vaccin plus tôt.

Ensuite, les résultats ont confirmé une très bonneprotection conférée par le vaccin contre les formes graves (risque d’hospitalisation et de décès), 14 jours ou plus après la 2e dose et par rapport aux personnes non vaccinées ; elle était similaire entre les personnes en surpoids ou obèses et les personnes de poids normal (c’est-à-dire dont l’IMC est compris entre 18,5 et 24,9 kg/m2). En revanche, les résultats suggèrent que l’efficacité vaccinale serait moindre pour les personnes en insuffisance pondérale, mais ces résultats méritent d’être confirmés car l’effectif de ces participants était faible (3,5 % de la cohorte) et les résultats n’ont pas été ajustés pour des conditions potentiellement associées à un faible IMC (cancer, immunodépression, etc.).

Enfin, lorsqu’ils comparaient l’efficacité vaccinale selon l’IMC, par rapport à un IMC de référence de 23 kg/m2, chez les participants ayant reçu au moins une dose de vaccin, les auteurs ont constaté que le risque d’hospitalisation ou décès augmentait de façon linéaire avec l’IMC à partir de 30 kg/m2, mais ils n’ont pas trouvé cette même relation pour le surpoids (IMC < 30 kg/m2). En revanche, après la deuxième dose, ils ont constaté une relation « en J » entre l’IMC et les hospitalisations ou décès causés par le Covid, c’est-à-dire des risques significativement plus élevés pour les IMC extrêmes (18 kg/met 40 kg/m2) par rapport à un IMC de 23 kg/m2.

Si les résultats de cette étude sont rassurants vis-à-vis de la protection vaccinale pour les patients en surpoids/obésité, ils encouragent par ailleurs à veiller à une bonne couverture vaccinale aussi chez des sujets à risque ayant un très faible IMC, d’autant plus que leur couverture vaccinale est moins bonne et que l’efficacité de la vaccination semble réduite.