Comme lors de l’arrivée du variant delta en Europe, la Grande-Bretagne a détecté la première un nouveau sous-lignage du variant delta, appelé AY.4.2, qui est aujourd’hui attentivement surveillé. En augmentation constante, il représente désormais 6 % des échantillons séquencés en Angleterre. Est-il responsable de la nouvelle vague qui frappe ce pays ? Que sait-on de sa circulation en France ?
Deux mutations additionnelles dans la protéine Spike
Détecté pour la première fois au printemps 2021 au Royaume-Uni, le variant AY.4.2 est issu du sous-lignage AY.4 du variant delta (B.1.617.2) actuellement majoritaire au Royaume-Uni et très présent en Europe. Il se caractérise par la présence de deux mutations additionnelles dans la protéine Spike : Y145H et A222V.
Situées au niveau du domaine N-terminal de cette protéine, une des cibles des anticorps neutralisants anti-SARS-CoV-2, ces mutations seraient donc susceptibles d’affecter la réponse immunitaire. Toutefois, la substitution Y145H, qui est aussi présente dans d’autres variants tels que alpha et mu, n’a montré pour l’instant chez ces variants aucun échappement vaccinal majeur. La substitution A222V est, quant à elle, partagée notamment avec alpha. Globalement, les conséquences de ces deux mutations, prises seules ou en association, sur les caractéristiques phénotypiques de ce variant par rapport au lignage parental B.1.617.2 n’ont pas été décrites.
Pour rappel, l’accumulation de mutations est un phénomène évolutif attendu étant donné la circulation importante de delta (d’autres mutations additionnelles dans la protéine Spike sont régulièrement décrites pour ce variant). Depuis fin juillet, la fréquence de ces deux mutations combinées parmi les variants delta est en nette augmentation à l’échelle internationale, atteignant environ 6 % des séquences totales de delta (v. figure ci-dessous). La majorité des séquences de ce variant sur la base GISAID proviennent du Royaume-Uni (96 %) et de l’Allemagne (1,3 %), la France représente 0,1 %.
Est-il responsable de l’augmentation des cas au Royaume-Uni ?
Un rapport récent de Public Health England (22 octobre 2021) estimait que ce variant représentait début octobre 6 % des cas séquencés, avec un taux de croissance un peu plus élevé que celui du delta « historique » et un taux d’attaque secondaire également un peu plus élevé (12,4 % vs. 11,1 %), mais aussi des variations importantes selon les régions (15 % des cas à Londres, 20 % dans le Sud-Est, 2 % dans le Nord-Est…).
Il notait cependant que cette augmentation du taux de croissance peut être dû aussi bien à un changement biologique du virus (transmissibilité ou échappement immunitaire) qu’à un contexte épidémiologique, et en l’état actuel des connaissances, il n’est pas certain que la croissance de AY.4.2 soit due à la différence biologique. Le dernier rapport d’analyse de risque sur les variants du SARS-CoV-2 réalisé par Santé publique France et le Centre national de référence virus des infections respiratoires va dans le même sens, concluant que rien n’indique à l’heure actuelle que l’augmentation de l’incidence des cas de Covid-19 actuellement observée en Angleterre soit uniquement due à la diffusion du variant AY.4.2 ; l’arrêt quasi-total des mesures barrières depuis le mois de juillet ainsi que la saison actuelle, qui favorise la circulation des virus respiratoires, peuvent également contribuer à cette dynamique.
Si les autorités sanitaires britanniques mènent actuellement des analyses expérimentales et épidémiologiques pour caractériser un éventuel risque de transmissibilité accrue lié à ce variant par rapport aux autres sous-lignages de delta, aucune conclusion n’est à ce stade disponible. Face à cette incertitude, l’organisme de surveillance britannique l’a désigné comme variant d’intérêt (« variant under investigation », VUI).
Et en France ?
Ce variant est sporadiquement détecté depuis le mois d’août, mais de façon très minoritaire par rapport aux autres sous-lignages de delta. La majorité des prélèvements séquencés qui peuvent correspondre à AY.4.2 proviennent d’Île-de-France (16 sur 19), mais la surreprésentation de cette région est à interpréter avec précaution.
D’après les informations disponibles dans la base de données EMERGEN, au moins deux patients infectés par ce variant étaient vaccinés et aucun cas n’aurait été prélevé dans le cadre d’une investigation de cluster, d’un retour de voyage ou d’une admission en réanimation. Le fait qu’il ait été détecté lors de plusieurs enquêtes Flash successives indique toutefois une possible circulation à bas bruit dans la communauté, notamment dans la région francilienne, mais sans signal en faveur d’une diffusion significative à ce stade.
LMA, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus
Santé publique France. Analyse de risque liée aux variants émergents de SARS-CoV-2. 21 octobre 2021.
UK Health Security Agency. SARS-CoV-2 variants of concern and variants under investigation in England – Technical briefing 26. 22 octobre 2021.