Le nouveau variant B.1.1.529 (omicron), signalé pour la première fois à l’OMS par l’Afrique du Sud, suscite de nouvelles craintes. Que sait-on sur ce nouveau variant ? Faut-il vraiment s’inquiéter en France, étant donné la situation épidémiologique actuelle et le fort taux de couverture vaccinale ? Quelles mesures pour freiner sa propagation (dépistage, isolement…) ?
Classé variant préoccupant (« variant of concern », VOC) par l’OMS le 29 novembre 2021, omicron est présent depuis au moins début novembre au Botswana et en Afrique du Sud, surtout dans la province de Gauteng (le premier cas a été détecté sur un prélèvement daté du 9 novembre). Aujourd’hui, en dehors des pays d’Afrique australe, il a été repéré notamment à Hong Kong, en Israël, en Belgique, en Italie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Allemagne, au Danemark, en République tchèque, en Australie et au Canada. Au 3 décembre, une dizaine de cas sont confirmés en France.
Lire aussi : Omicron : une baisse de l’efficacité des vaccins ? (mis à jour le 14 décembre 2021)
Pourquoi inquiète-t-il ?
Porteur de 30 mutations par rapport à la souche « historique », omicron est le variant « le plus divergent ayant été détecté en quantité significative jusqu’à présent », selon le rapport de l’European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC) ; une caractéristique qui lui a valu la classification de VOC, car elle « suscite des inquiétudes sur une possible transmissibilité accrue, une réduction significative de l’efficacité vaccinale et un risque accru de réinfections ».
Parmi ces mutations, il y a en effet trois délétions et une insertion dans le gène codant la protéine Spike, ce qui fait d’omicron le variant ayant le plus grand nombre de changements dans cette protéine cruciale, parmi les variants séquencés à ce jour. En particulier, les positions concernées par ces mutations (E484A, G446S, K417N et Q493R) sont impliquées dans la diminution de la capacité neutralisante des anticorps. Certaines de ces mutations, déjà présentes dans les variants bêta et delta, sont en effet associées à une transmissibilité accrue ou à un échappement immunitaire.
Toutefois, tant l’OMS que l’ECDC soulignent qu’il persiste une incertitude considérable concernant la transmissibilité, l’efficacité vaccinale, et d’autres propriétés du variant omicron.
Plus transmissible ? Au-delà de l’observation de ces mutations, c’est le rythme rapide de propagation d’omicron en Afrique du Sud, remplaçant le variant delta, qui a soulevé l’hypothèse de sa transmissibilité accrue. Il serait déjà dominant dans la province du Gauteng, et représenterait au niveau national 75 % des échantillons séquencés.
Néanmoins, plusieurs facteurs rendent la situation sud-africaine peu comparable à celle d’autres pays, notamment en Europe : dans la province de Gauteng, seuls 37 % des adultes sont complètement vaccinés (le taux au niveau national est de 25 %, dont beaucoup avec le schéma monodose de Janssen) ; en Afrique du Sud, le pic de la 3e vague menée par delta avait été atteint plus tôt qu’en France (juin-juillet, v. graphique ci-dessous) et au moment de l’émergence d’omicron, la circulation était plutôt faible, avec environ 300 cas par jour début novembre (peu de compétition avec delta, d’une part ; possible amplification de l’effet d’événements superpropagateurs, d’autre part).
Toutefois, bien que des données robustes soient encore nécessaires pour bien caractériser le risque d’une plus grande transmissibilité, l’ECDC a estimé, à partir des données préliminaires sud-africaines, qu’il était possible qu’omicron ait un avantage sur delta en termes de transmissibilité ; des modèles mathématiques fondés sur cette hypothèse suggèrent ainsi que ce variant pourrait être responsable, dans les prochains mois, de la moitié des infections en Europe (rapport ECDC du 2 décembre).
À noter que la situation à La Réunion et à Mayotte pouvant être, pour des raisons géographiques, proche davantage de celle de l’Afrique du Sud, des mesures spécifiques ont été prises (capacités de séquençage augmentées).
Plus virulent ? Selon l’OMS, on ne dispose à ce jour d’aucune information permettant de dire qu’une infection par omicron entraîne une maladie plus sévère que celle occasionnée par delta. Si des données préliminaires indiquent une augmentation du taux d’hospitalisation en Afrique du Sud, cela pourrait être dû à l’augmentation globale du nombre de cas et pas forcément à une spécificité liée à ce variant. Par ailleurs, la symptomatologie reportée jusqu’à présent avec celui-ci ne paraît pas différer des tableaux observés avec les autres variants (les premiers cas signalés avec omicron, certes peu symptomatiques, concernaient surtout des jeunes…). Davantage de recul est donc nécessaire pour apprécier la virulence de ce nouveau variant.
Un possible échappement immunitaire ? Quelques cas anecdotiques de réinfections ou d’infection par omicron chez des personnes vaccinées ont déjà été enregistrés en Afrique du Sud. D’après l’OMS, si ces quelques données préliminaires suggèrent un risque accru de réinfection par rapport à d’autres variants préoccupants, les informations sont encore limitées. La quantité de mutations concernant la protéine Spike, ciblée par les vaccins, fait craindre en outre une perte d’efficacité, mais aucune donnée n’est actuellement disponible.
Des résultats d’ici à plusieurs semaines. Pour la réalisation de tests in vitro, une à deux semaines seront encore nécessaires (délai pour une production suffisante en culture du virus pour le tester sur des sérums de personnes vaccinées ou guéries). Quant aux analyses épidémiologiques, elles prendront aussi du temps… Les études en cours coordonnées par l’OMS comprennent aussi bien des évaluations de la transmissibilité, la symptomatologie et la gravité de l’infection que des évaluations de l’efficacité des vaccins, des tests diagnostiques et des traitements actuels.
Et en France ?
Au 3 décembre, une dizaine de cas sont confirmés en France. D’après Arnaud Fontanet (comité scientifique du 29 novembre dédié à ce variant), 0,4 % des cas actuellement séquencés sont suspectés d’être autres que delta – mais il n’est pas sûr pour autant qu’il s’agisse d’omicron.
Actuellement, aucun test PCR de criblage ne permet de détecter omicron de façon directe, car ce variant ne possède pas les mutations faisant l’objet de criblages en France (L452R, E484K/Q), mais un résultat de criblage A0B0C0 ou un signal « discordant » à la PCR (v. ci-dessous) sont indicatifs et doivent être confirmés par séquençage.
o Consignes de dépistage et d’isolement selon les cas possibles, suspects ou confirmés de variant B.1.1.529
Ces définitions et consignes sont valables quel que soit le statut vaccinal de la personne.
– Un cas suspect est tout cas positif ayant un antécédent de séjour dans un pays à risque dans les 14 jours précédant la date des symptômes ou du prélèvement (Afrique du Sud, Botswana, Eswatini, Lesotho, Mozambique, Namibie, Zimbabwe ; liste susceptible d’évoluer), ou cas contact de celui-ci. Une PCR de criblage est alors indiquée sans délai.
– Un cas possible est tout cas positif ayant un résultat de criblage négatif pour les 3 mutations actuellement recherchées, soit E484K, E484Q et L452R (résultat noté A0B0C0 dans SI-DEP) ou négatif pour la mutation L452R et indéterminé pour E484K/Q (noté A8B8C0). Ces résultats suggèrent la présence de ce variant, mais ne sont pas spécifiques. Une personne contact d’un cas confirmé d’infection par omicron est aussi considérée cas possible. Un séquençage est alors indiqué.
À noter qu’un résultat de test détectant la délétion 69/70 peut aussi suggérer la présence d’omicron (cette délétion dans la protéine Spike entraîne un signal discordant à la PCR, avec un kit ThermoFisher ayant les 3 cibles N, ORF1ab et S, qui se manifeste par un résultat positif (Ct pour le gène N < 28) mais avec un défaut de détection pour l’une de ces 3 cibles, le gène S) ; un résultat détectant les mutations N501Y ou K417N est aussi suggestif.
– Un cas confirmé est un cas positif dont le résultat de séquençage montre la présence du variant omicron.
L’interrogatoire doit donc être systématique pour toute personne venant pour un dépistage : les questions doivent porter sur un potentiel séjour à l’étranger dans les 14 jours précédant les symptômes ou le prélèvement, ou sur un potentiel contact à risque avec une personne y ayant séjourné (toute réponse positive est à renseigner dans SIDEP, champ « pays de provenance »). Un test PCR est ainsi indiqué (v. ci-dessus ; lorsque test antigénique positif, réaliser une PCR ensuite).
Le séquençage de ces cas est prioritaire. À cet effet, les prélèvements sont à adresser à tout laboratoire en capacité de le faire (disposant d’une convention avec une ARS, laboratoire du réseau ANRS-MIE ou en dernier recours CNR). Les résultats du séquençage et les métadonnées sont obligatoirement remontés dans la base de données nationale EMERGEN. Si le résultat du séquençage confirme la présence du variant omicron, tout matériel biologique non inactivé disponible doit ensuite être transmis sans délai au CNR.
Un contact-tracing renforcé est réalisé par les CPAM pour tous les cas possibles et par les ARS pour les cas confirmés.
Tous les cas suspects, possibles ou confirmés de variant omicron doivent faire l’objet d’un isolement strict de 10 jours.
Enfin, toute personne contact d’un cas possible ou d’un cas confirmé de ce variant doit être considérée comme contact à risque élevé et placée en isolement, même si elle est complètement vaccinée (annonces d’Olivier Véran du 27 novembre).
o Mesures aux frontières
Tous les vols en provenance de 7 pays d’Afrique australe considérés à risque sont suspendus (Afrique du Sud, Botswana, Eswatini, Lesotho, Mozambique, Namibie, Zimbabwe) du 29 novembre au 4 décembre. Ils doivent ensuite reprendre, mais avec des contrôles renforcés (seuls les Français, les ressortissants de l’UE, les diplomates et les navigants pourront voyager ; un test sera exigé à l’arrivée en France, suivi d’un isolement de 7 jours en cas de résultat négatif et de 10 jours si le résultat est positif). Cette mesure concerne, outre les 7 pays sus-cités, le Malawi, la Zambie et l’île Maurice.
La Réunion et Mayotte, territoires en lien direct ou indirect avec ces pays, font l’objet de mesures spécifiques (capacités de séquençage augmentées) et sont surveillés de près : depuis le 28 novembre, toute personne voyageant entre ces territoires et le reste du territoire national doit être munie d’un résultat de test négatif réalisé moins de 48 heures avant l’embarquement.
Enfin, pour tout voyageur entrant en France d'un pays hors-UE, un résultat de test négatif est exigé, datant de moins de 48 heures pour les personnes vaccinées et de moins de 24 heures pour les non vaccinés.
o Autres mesures
Lors du comité scientifique dédié au variant omicron, le Pr Arnaud Fontanet a souligné la nécessité de renforcer les mesures prises pour combattre le variant delta et la 5e vague, valables donc également pour omicron :
– accélération de la campagne de rappel et de la couverture vaccinale, en priorisant les plus de 50 ans et les personnes fragiles tant qu’il y aura plus de demandes que d’offres de rendez-vous ;
– renforcement des mesures barrières (port du masque en intérieur…) ;
– tester, alerter, protéger (capacité jusqu’à 20 000 séquençages hebdomadaires en France).
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
DGS. Variant B.1.1.529 : renforcement du dépistage et des mesures aux frontières. 27 novembre 2021.
Ministère des solidarités et de la santé. Les autorités sanitaires françaises surveillent les cas possibles de personnes atteintes du variant Omicron sur le territoire français. 28 novembre 2021.
Gozlan M. Covid-19 : ce qu’on sait et ce qu’on ignore sur le nouveau variant Omicron (B.1.1.529).Le Monde 29 novembre 2021.
World Health Organization. Update on Omicron. 28 novembre 2021.
European Centre for Disease Prevention and Control. Threat Assessment Brief: Implications of the emergence and spread of the SARS-CoV-2 B.1.1.529 variant of concern (Omicron) for the EU/EEA. 2 décembre 2021.
Kupferschmidt K. ‘Patience is crucial’ : Why we won’t know for weeks how dangerous Omicron is.Science 27 novembre 2021.
Callaway E. Heavily mutated Omicron variant puts scientists on alert. Nature 25 novembre 2021.