Les facteurs de risque d’insuffisance veineuse chronique sont nombreux : âge, antécédents familiaux de varices et d’ulcère des membres inférieurs, obésité, grossesse, station debout prolongée, grande taille.
Trois grandes étiologies
Trois mécanismes principaux contribuent à la défaillance du retour veineux et à la stase qui en résulte : la maladie variqueuse, le syndrome post-thrombotique et l’insuffisance veineuse fonctionnelle (fig. 1).
Maladie variqueuse
Une varice est une veine sous-cutanée d’un diamètre ≥ 4 mm en position debout, dont le trajet devient tortueux, entraînant une circulation pathologique.
Les varices sont à distinguer des :
- télangiectasies (fig. 2) : confluence de veinules intradermiques dilatées dont le calibre n’excède pas 1 mm et qui, en dehors de la corona phlebectatica de siège périmalléolaire, sont rarement liées à l’insuffisance veineuse mais davantage à une imprégnation hormonale ;
- veines réticulaires (fig. 2) : veines sous-dermiques, bleutées, dilatées et sinueuses d’un diamètre compris entre 1 et 3 mm.
Enfin, les veines superficielles du sportif ou du sujet maigre sont des veines normales saillantes ou très visibles du fait de l’atrophie du tissu adipeux sous-cutané.
Syndrome post-thrombotique
C’est une insuffisance veineuse secondaire à une thrombose veineuse profonde (TVP), pouvant survenir plusieurs années après celle-ci. Le risque de syndrome post-thrombotique est d’autant plus élevé que la TVP est proximale, qu’il s’agit d’une récidive homolatérale, que le patient est obèse ou âgé, que le traitement anticoagulant en phase initiale n’est pas optimal. Le diagnostic est clinique, associant les signes habituels : douleur, œdème, chaleur, démangeaisons, crampes, brûlures, aggravés par la marche et la station debout et soulagés par le repos et la surélévation du membre. Le mécanisme est précisé par l’écho-Doppler.
Insuffisance veineuse fonctionnelle
L’insuffisance veineuse fonctionnelle est la conséquence d’un retour veineux défaillant malgré des veines morphologiquement normales. Cette situation se rencontre en cas d’altération de l’hémodynamique veineuse par le biais d’une diminution de la fonction musculaire : défaut de marche (station debout immobile prolongée) ou ankylose de la cheville (gênant les amplitudes articulaires et diminuant de ce fait le retour veineux via la semelle plantaire de Lejars), amyotrophie des muscles du mollet, altération de la dynamique respiratoire. La dysfonction de la pompe du mollet est le principal responsable chez le sujet âgé.
Autres causes
Des syndromes veineux compressifs sont parfois en cause : syndrome de Cockett par compression de la veine iliaque gauche par l’artère iliaque droite pouvant se compliquer de TVP, notamment au cours de la grossesse ; syndrome du soléaire, par compression du pédicule tibio-fibulaire par l’arcade du soléaire ; compressions veineuses extrinsèques par des tumeurs ou des adénopathies pelviennes.
Enfin, il existe d’autres causes beaucoup plus rares d’insuffisance veineuse (1 à 3 % des cas) : dysgénésies valvulaires (hypoplasies, agénésies) ; angiodysplasies ; fistules artérioveineuses congénitales ou acquises.
Manifestations cliniques
L’insuffisance veineuse chronique peut se manifester uniquement par des signes fonctionnels subjectifs ou au contraire par des signes cutanés avec troubles trophiques (fig. 3).
Signes fonctionnels
Ils sont fréquents, variés et peu spécifiques : jambes lourdes ou douloureuses, crampes, démangeaisons. Le caractère veineux de la symptomatologie est suspecté en cas de majoration au cours de la journée, après stations debout ou assise prolongées, par la chaleur (ou en été), au cours de la grossesse, de prise d’estroprogestatifs ou en période prémenstruelle ; et par leur amélioration en cas d’exercice physique, de contention ou compression veineuse, de surélévation des membres inférieurs, d’exposition au froid (ou hiver).
Certains signes sont moins connus et peuvent induire des erreurs diagnostiques :
- impatience nocturne (besoin impérieux de mobiliser les jambes), faisant suspecter un syndrome des jambes sans repos ;
- brûlures et rougeur du pied nocturnes, soulagées par le froid, réveillant le patient et pouvant faire suspecter une érythermalgie ;
- claudication veineuse intermittente en cas d’insuffisance veineuse chronique secondaire à une obstruction chronique, généralement proximale, ilio-cave. La douleur augmente au cours de la marche du fait de l’obstacle et ne cède que lentement à l’arrêt et après mise en décubitus avec surélévation du pied.
Signes de stase
L’œdème du pied (blanc, mou, prenant le godet, initialement au niveau de la cheville et respectant l’avant-pied) est à prédominance vespérale et disparaît après un repos allongé. Il n’y a pas de rétention hydrosodée et donc pas de prise de poids. À terme, il peut se compliquer de lymphœdème.
Corona phlebectatica : varicosités bleues en couronne périmalléolaire interne et paraplantaire directement corrélées au degré d’hyperpression veineuse.
Signes du retentissement tissulaire
Dermite ocre (fig. 3) : c’est la conséquence de l’extravasation des hématies dans le derme et de l’oxydation de l’hème. Cette lésion indélébile apparaît au début sous forme d’un piqueté ocre périmalléolaire puis de plaques brunâtres. Elle peut être associée à des éléments purpuriques au cours des poussées évolutives de la maladie.
Eczéma : dermatite érythémateuse, localisée au tiers inférieur de la jambe, responsable de vésicules, d’un suintement ou de squames. Elle est souvent liée à l’insuffisance veineuse chronique mais peut être aussi la conséquence d’un eczéma de sensibilisation lié à l’utilisation de topiques locaux.
Dermo-hypodermite de stase (lipodermatosclérose) : localisée au tiers inférieur de la jambe, elle complique des épisodes d’hypodermites de stase ou infectieuses, engendrant une sclérose engainante et rétractile des tissus progressive qui s’étend peu à peu en circonférence et en hauteur et donne un aspect en mollet de coq. Un enraidissement de la cheville et du tiers inférieur du membre s’installe progressivement, entraînant un cercle vicieux. C’est un tournant évolutif de la maladie car elle altère définitivement la dynamique du retour veineux.
Atrophie blanche de Millian : plaque scléro-atrophique, porcelaine, lisse, de siège essentiellement périmalléolaire. Elle correspond à une zone d’ischémie localisée par raréfaction capillaire au sein d’un tissu fibreux et fait le lit des ulcères.
Ulcère variqueux : stade évolutif ultime de l’insuffisance veineuse chronique. Il est classiquement indolore, non creusant, à fond humide et de distribution périmalléolaire.
Faire le diagnostic
L’interrogatoire renseigne l’âge, le sexe, le motif de consultation (plainte fonctionnelle, esthétique…), les antécédents personnels ou familiaux de varices ou de thrombose veineuse, et recherche les facteurs aggravants (profession, tabac, obésité…) ou modifiant la prise en charge, tel un désir de grossesse.
L’examen physique est réalisé en position debout, avec une lumière suffisante, le membre en légère flexion et rotation externe pour la grande veine saphène. Il doit être bilatéral et comparatif, associant la recherche des manifestations cliniques et la palpation des trajets des veines saphènes. En présence de varices, on recherche leur caractère systématisé (développées aux dépens des réseaux grande et petite saphènes ou de leurs proches affluents) ou non et une atteinte pelvienne associée. On recherche également une ankylose de cheville.
À l’issue de cet examen, on est en mesure d’affirmer ou non la présence d’une insuffisance veineuse. Le Doppler continu et l’écho-Doppler couleur (fig. 4) en précisent le mécanisme (en l’absence de symptômes et en présence de seules télangiectasies, il n’y a pas d’indication pour ces examens).
Ne pas oublier de palper les pouls et de réaliser un examen neurologique simple des membres inférieurs afin de ne pas méconnaître un diagnostic différentiel ou un facteur aggravant associé.
Quels traitements ?
L’objectif est de soulager la symptomatologie fonctionnelle et de prévenir l’apparition de troubles trophiques.
Les mesures hygiénodiététiques sont systématiques : lutter contre la sédentarité et le piétinement, éviter la station debout immobile prolongée, la position assise jambes pendantes et/ou croisées, réduire toute surcharge pondérale, conseiller la marche régulière en déroulant le pas, éviter l’exposition prolongée à la chaleur et le chauffage par le sol, surélever les pieds, notamment la nuit pour assurer un drainage postural.
La compression veineuse est la pierre angulaire, efficace et indispensable, de la prise en charge. Elle réduit la dilatation des veines augmentant le débit sanguin, diminue le volume du membre (effet antiœdémateux), améliore l’efficacité de la pompe musculaire lors de la marche et a une effet positif sur la microcirculation cutanée et le drainage lymphatique.
Il existe 4 classes de compression :
- faible, classe I (10 - 15 mmHg), prévention des TVP et de l’insuffisance veineuse chronique fonctionnelle ;
- moyenne, classe II (15 - 20 mmHg) : varices, TVP ;
- forte, classe III (20 - 36 mmHg) : TVP, syndrome post-thrombotique ;
- très forte, classe IV (36 - 49 mmHg) : insuffisance lymphatique.
La prescription de la classe de compression dépend de son indication mais aussi de la tolérance du patient et la réponse clinique.
Le port de la compression élastique est contre-indiqué en cas d’artériopathie évoluée des membres inférieurs (indice de pression systolique < 0,6), de micro-angiopathie diabétique évoluée, de phlegmatia caerulea, de thrombose veineuse septique, de pontage vasculaire infrapoplité, de peau fragile.
Traitements spécifiques
Ces traitements ne se conçoivent qu’en complément des règles hygiénodiététiques et du port de la contention.
Les traitements spécifiques aux varices sont :
- la sclérose (injection d’un produit sclérosant pour traiter des varices ou en complément d’un éveinage) ;
- l’écho-sclérose à la mousse et le laser endovasculaire (tous deux permettant de traiter même des varices systématisées) ;
- la phlébectomie ambulatoire au crochet, ou chirurgie classique (éveinage par stripping de varices systématisées).
Les indications sont posées par un phlébologue expérimenté, et les patients doivent être prévenus des avantages et inconvénients des différentes techniques et notamment du risque de récidives. Pour rappel, l’ANSM a récemment mis en garde sur les effets indésirables CV des sclérosants veineux.
Enfin, une contre-indication absolue aux traitements chirurgicaux des varices est le syndrome obstructif veineux profond, car dans ce cas la grande veine saphène supplée la fonction physiologique des veines profondes.
La prévention de la maladie post-thrombotique repose sur une anticoagulation optimale en phase aiguë de la TVP et classiquement sur le port de chaussettes de contention classe III pendant 6 moins minimum (même si la durée, la force et même l’efficacité de la contention sont débattues actuellement).
En cas de syndrome post-thrombotique avéré, on recommande le port d’une compression élastique en n’hésitant pas à adapter le traitement à la réponse clinique (augmenter la force de compression en cas de réponse clinique insuffisante). Le développement des techniques de radiologie interventionnelle de ces dernières années a conduit à la réalisation de recanalisation veineuse endovasculaire chez des patients souffrant de syndrome post-thrombotique invalidant proximal obstructif chronique, avec des résultats encourageants.
En cas d’insuffisance veineuse fonctionnelle, le traitement d’appoint spécifique repose sur la kinésithérapie afin de lutter contre l’ankylose de la cheville, à remuscler le mollet, avec si besoin une aide diététique en cas de dénutrition associée.
Quelle place pour les veinotoniques ?
Les veinotoniques sont réputés pour avoir un effet hémodynamique et anti-inflammatoire veineux, mais leurs effets sur l’évolution de la maladie ne sont pas prouvés. Leur utilisation doit être limitée à la prise en charge des symptômes fonctionnels de l’insuffisance veineuse chronique au stade précoce, et ce de façon discontinue par cures de courtes périodes (pendant quelques semaines l’été par exemple). On ne doit pas associer deux veinotoniques entre eux, et ces traitements ne dispensent pas du port de la compression.
À noter que l’ANSM estime que les médicaments à base de ginkgo biloba doivent être utilisés avec prudence chez les personnes à risque hémorragique.
Compte tenu d’une efficacité mal établie et de leur place marginale dans la stratégie thérapeutique, les veinotoniques ne sont pas pris en charge par l’Assurance maladie.
Sur la compression :
« Comment utiliser et entretenir vos bas ou collants de compression ? », Assurance maladie, septembre 2022.
« Médecine vasculaire, phlébologie » (vidéo : pose de bandes veineuses, ulcères et compressions veineuses en pratique), hôpital Saint-Joseph, hpsj.fr.
ANSM. Traitement des varices : rappel des conduites à tenir pour réduire les risques cardiovasculaires liés à l’utilisation des sclérosants veineux. Janvier 2022 (mis à jour en juillet 2023)