Depuis mai 2022, plusieurs cas de variole du singe sans lien direct avec un voyage en zone d’endémie ont été signalés en Europe et dans d’autres parties du monde. Début octobre, on compte plus de 4 000 cas confirmés en France. Le point sur cette maladie, avec une synthèse des toutes dernières recos françaises sur la conduite à tenir en cas de suspicion, le traitement en MG et la vaccination.

La variole du singe, ou monkeypox (MKP), est une maladie transmise par les animaux (zoonose) apparentée à la variole. Ce virus à ADN, identifié pour la première fois en 1958 dans un élevage de singes au Danemark, est régulièrement responsable de flambées épidémiques en Afrique centrale et de l’Ouest : les familles vivant à proximité des forêts tropicales (et surtout les enfants) se contaminent au contact des rongeurs infectés, réservoirs du virus. Hors continent africain, il y a déjà eu en 2018, 2019 et 2020 quelques cas importés aux États-Unis et en Grande-Bretagne (voyageurs ayant séjourné au Nigeria), mais la flambée qu’on observe depuis mai 2022 est atypique.

Où on est-on en France ?

Au 11 octobre 2022, on compte 4 064 cas autochtones recensés. La très grande majorité sont des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ayant des partenaires multiples. Seulement 2,5 % sont de femmes ; 10 enfants de moins de 15 ans ont été déclarés. Les cas adultes ont un âge médian de 36 ans ; 2,2 % ont été hospitalisés. Aucun décès n’a été signalé à ce jour. Après un pic fin juin-début juillet, le nombre de cas diminue en France (figure ci-contre), comme dans les autres pays européens. Plus de 120 000 injections de vaccin (v. ci-dessous) ont été effectuées à ce jour.

Quels symptômes ?

Après une période d’incubation de 5 à 21 jours, l’infection se manifeste par une éruption cutanée pouvant toucher toutes les parties du corps, et notamment les régions anogénitales et la bouche, qui peut être précédée ou accompagnée d’une fièvre et de symptômes grippaux : maux de tête, ganglions, douleurs musculaires, fatigue. La maladie peut provoquer également des adénopathies (cou, face...) volumineuses. L’atteinte cutanée survient généralement en une seule poussée (à la différence de la varicelle). Les lésions passent par différents stades successifs (macule, papule, vésicule, pustule puis croûte ; v. tableau). La maladie dure généralement de 2 à 3 semaines. Le patient est contagieux du début des symptômes jusqu’à la guérison complète des lésions cutanées (lorsque les croûtes tombent).

Toutefois, selon le Pr Yazdan Yazdanpanah, infectiologue (conférence de presse de la DGS du 30 août), les tableaux cliniques sont très hétérogènes, certains patients ayant une lésion génitale unique (11 % des cas), d’autres une éruption très douloureuse, voire une forme plus grave en cas d’immunodépression. Des cas asymptomatiques (environ 6 %) sont aussi décrits mais leur rôle dans la transmission n’est pas connu.

Le diagnostic n’est donc pas évident. La Société française de dermatologie a élaboré une fiche d’aide au diagnostic, permettant de différencier les lésions du MKP de celles d’autres affections (varicelle, syndrome pied-main-bouche, herpès, syphilis secondaire, dermatose bulleuse non infectieuse…).

En cas de suspicion, il faut orienter vers l’infectiologue référent de l’établissement de santé de référence (ESR), via le Centre 15 si besoin.

Le diagnostic est fait par test PCR après prélèvement cutané (biopsie, ou écouvillon en frottant plusieurs vésicules), ou bien nasopharyngé (si poussée éruptive dans la bouche ou la gorge). Il est réalisé en ESR, sinon en ES de proximité, ou alors en laboratoire de ville, selon les modalités définies par la Coreb.

Attention : seules les personnes symptomatiques (cas suspects, possibles ou probables selon les définitions de Santé publique France) ayant une éruption vésiculeuse caractéristique doivent être testées (et non les cas contacts asymptomatiques).

Comment ce virus se transmet-il ?

Ce virus est connu pour se transmettre par des contacts rapprochés et prolongés, soit directement via les vésicules ou les sécrétions corporelles, soit indirectement via les tissus souillés (draps, vêtements…), voire via de grosses gouttelettes respiratoires. Le mode de transmission dominant dans la flambée actuelle hors continent africain – au cours des rapports sexuels – n’est pas encore bien compris ; une étude a cependant relevé que le virus est présent dans le sperme pendant plusieurs semaines après le début de l’infection…

Quelle gravité ?

Cette maladie est généralement bénigne, le risque de décès serait de 0,03 %. Les complications possibles sont une surinfection des lésions de la peau et une pneumopathie, ainsi qu’une atteinte cornéenne et neurologique.

Les populations immunodéprimées, les personnes infectées par le VIH, les femmes enceintes et les enfants sont plus à risque de développer une forme grave.

La vaccination contre la variole, qui a été arrêtée en 1977, semble conférer une immunité croisée. Les personnes nées avant cette date devraient donc être protégées, au moins partiellement.

Conduite à tenir devant un cas suspecté, possible, probable ou confirmé

L’infection par le monkeypox est une maladie à déclaration obligatoire au même titre que les autres orthopoxviroses. Tous les cas confirmés et probables, ainsi que les cas possibles qui ne sont pas systématiquement testés, en cas de diagnostic clinique suffisamment évocateur dans un contexte d’exposition à risque et après exclusion des diagnostics alternatifs, doivent faire l’objet d’une fiche de DO.

Sur le site de Santé publique France, les praticiens retrouveront : 

  • la définition des cas et la conduite à teniractualisées ;
  • la nouveau formulaire Cerfa de déclaration obligatoire des cas d’orthopoxviroses (les modifications apportées en septembre 2022 concernent l’intégration des motifs et complications éventuelles ayant engendré une hospitalisation, de la nature du lien avec le ou les cas index, des éventuels antécédents de vaccination préventive et/ou d’infection…) ;
  • une notice d’aide au remplissage de la fiche de DO ;
  • un document d'information à remettre aux patients peut être téléchargé sur ce lien (conduite à tenir, information de leurs contacts à risque…).

 

Les cas confirmés/probables doivent s’isoler jusqu’à disparition des symptômes (3 semaines), porter un masque chirurgical et ne pas avoir de contact physique ni partager leur linge de maison et literie ou leur vaisselle avec d’autres personnes. Un arrêt de travail ou une autorisation de télétravail à temps plein peut leur être délivrée par leur médecin traitant

 

Les « cas contacts »* ne doivent pas s’isoler en l’absence de signes cliniques.

La DGS a recommandé le 12 septembre de contacter au plus vite l'ARS pour les cas adultes femmes et les cas pédiatriques, afin que les investigations sur les modes de transmission se fassent dans les meilleurs délais.

Quel traitement et suivi ?

Lésions : nettoyage à l’eau savonneuse, +/- désinfection (chlorexidine aqueuse).

Si douleurs : antalgiques de niveau adapté (pas d’AINS) : paracétamol (palier 1), tramadol (palier 2). En local : crèmes/gels anesthésiques topiques ; xylocaïne visqueuse si lésion anale douloureuse (+/- laxatifs) ; bains de bouche ou de siège.

Surveiller l’évolution : proposer une réévaluation, en téléconsultation si possible, pour surveiller le risque de surinfection des lésions et réévaluer la douleur sous traitement (si besoin : morphiniques de palier 3).

Si contamination sexuelle : revoir le patient à J21 + bilan des IST.

Les malades sont invités à utiliser le préservatif jusqu’à 8 semaines après la fin de la période de contagiosité (au Royaume-Uni, c’est 12 semaines).

La HAS a mis à disposition des fiches « Réponses rapides » :

 

Vaccination : quelles modalités ?

Vaccination post-exposition

La HAS a recommandé en mai la mise en œuvre d’une stratégie vaccinale réactive (c’est-à-dire autour d’un cas confirmé) chez les adultes « cas contact »*, y compris les professionnels de santé exposés sans mesure de protection individuelle.

Le patient doit être orienté vers un infectiologue pour évaluer le niveau de risque du contact (contacter directement l’ESR). Si une vaccination est indiquée, l’infectiologue informe l’ARS, qui propose donc le rendez-vous.

Le vaccin préconisé est celui de 3e génération Imvanex (vaccin vivant non réplicatif) – ou son équivalent Jynneos – au vu de son profil de tolérance, meilleur que celui des vaccins de 1re et 2e génération, et de son efficacité, estimée à 85 %. Ces vaccins peuvent être administrés en même temps que les autres vaccins du calendrier vaccinal, y compris ceux contre le Covid-19 ; en cas d’administration non-simultanée, un délai de 4 semaines doit être respecté uniquement avec les vaccins vivants atténués viraux (ROR, varicelle, zona, fièvre jaune). 

D’après les recos de la HAS du 20 juin, le vaccin contre le monkeypox est à administrer idéalement dans les 4 jours après le contact à risque (14 jours au maximum), avec les schémas suivants :

  • 1 dose chez les personnes ayant reçu une vaccination antivariolique dans l’enfance (vaccin 1re génération) ;
  • 2 doses espacées de 28 jours chez les personnes sans antécédent de vaccination dans l’enfance ;
  • 3 doses chez les sujets immunodéprimés (dans tous les cas).

Ce vaccin a une AMM à partir de 18 ans. Cependant, la HAS (avis du 20 juin) estime que la vaccination réactive des enfants les plus fragiles et immunodéprimés pourrait être envisagée au cas par cas, par les spécialistes et après une évaluation stricte des bénéfices et des risques.

 

Pour les personnes qui ont déjà été infectées par le monkeypox, la HAS rappelle que l’immunité naturelle conférée par l’infection rend inutile leur vaccination. De même, si l’infection est survenue après l’administration de la 1re dose, l’administration d’une 2e dose n’est pas nécessaire.

Vaccination en préexposition des personnes à risque

Depuis le 8 juillet, la HAS recommande la vaccination aux personnes à très haut risque d’exposition, incluant : hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et personnes trans rapportant des partenaires sexuels multiples ; personnes en situation de prostitution ; professionnels des lieux de consommation sexuelle.

La HAS a ensuite recommandé que la vaccination en préexposition puisse être proposée aux femmes partenaires occasionnelles ou partageant le même lieu de vie que les personnes à très haut risque d’exposition au virus citées ci-dessus.

Quant aux professionnels de santé prenant en charge les personnes infectées par le monkeypox (considérés comme étant à faible risque de contamination dès lors que les mesures individuelles de protection sont respectées), la vaccination n’est pas systématique mais peut être envisagée au cas par cas, selon l’exposition, l’existence de facteurs de risque individuels ou à leur demande. Les schémas vaccinaux sont les mêmes que ceux cités ci-dessus.

En cas de tensions d’approvisionnement

Début août 2022, la DGS a recommandé d’allonger l’espacement entre la 1re et la 2e dose, pour les personnes non immunodéprimées, afin de garantir au plus grand nombre de personnes à risque l’accès à la vaccination dans les délais les plus brefs. La dose reportée doit toutefois avoir lieu dès que possible après le 28e jour. Cette mesure ne concerne pas les patients dont la 2e dose serait évaluée comme prioritaire en raison d’une immunodépression (notamment les patients vivant avec le VIH avec un taux de CD4 < 500/mm3, la perte d’immunogénicité pouvant s’avérer importante), d’un traitement ou d’une exposition particulièrement à risque (travailleurs du sexe).

En octobre 2022, la HAS a recommandé aussi l’administration par voie intradermique en cas de tensions d’approvisionnement, car cette voie nécessite une dose de vaccin réduite. Elle recommande d’y recourir uniquement pour l’administration de la 2e dose et de réserver cette voie d’administration aux adultes ayant reçu une 1re dose sous-cutanée et n’ayant pas eu (ou peu) de réaction au site d’injection. La voie intradermique n'est toutefois pas recommandée chez certains publics : personnes immunodéprimées, femmes enceintes, enfants, personnes avec antécédents de cicatrice chéloïde.

Quelle prévention au cabinet ?

Les mesures de protection efficaces sont :

  • vis-à-vis du contact physique direct : port de gants étanches (latex, nitrile, caoutchouc), désinfection des surfaces.
  • vis-à-vis du contact respiratoire : masques chirurgicaux (pour le patient) et FFP2 (pour le soignant).

 

Encadre

Encadré 1. Fiches pratiques

Encadre

Encadré 2. Pour les patients

*Cas « contact à risque » : contact physique direct non protégé avec la peau lésée ou les fluides biologiques d’un cas probable ou confirmé symptomatique, ou partage d’ustensiles de toilettes, ou contact avec des textiles (vêtements, linge de bain, literie) ou de la vaisselle ; ou contact (respiratoire) non protégé (sans masque) à moins de 2 mètres pendant 3 heures avec un cas probable ou confirmé symptomatique (ami proche ou intime, voisin de bureau…).

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