La clinique des lendemains d’ivresse, trivialement « gueule de bois » (ou xylostome), a été théorisée dans les années 2000 sous le terme de veisalgie (veisalgia ou hangover pour les Anglo-Saxons).1
La veisalgie est la première conséquence négative de la surconsommation d’alcool. Plus qu’un prix à payer pour avoir trop bu (ou trop consommé de substance psychoactive), c’est une expérience déplaisante, avec un tableau clinique spécifique et de possibles conséquences individuelles et/ou collectives dommageables à court ou moyen terme.
Elle peut survenir après de faibles consommations, même s’il s’agit essentiellement d’un aléa différé du binge drinking (ou alcoolisation ponctuelle importante). En parler permet d’aider à dénormaliser ce moment, ni banal ni nécessaire, qui peut justifier une médicalisation.

Produits concernés

La veisalgie concerne surtout l’alcool mais peut aussi résulter de la surconsommation de cannabis (weed hangover, avec sécheresse buccale, fatigue, troubles cognitifs…) ou de benzodiazépines (associée à des effets persistants de molécules à demi-vie longue).2 Ces tableaux cliniques peuvent d’ailleurs se combiner du fait de l’augmentation des consommations associant alcool et autres substances psychoactives.

Quels sont les mécanismes ?

Les mécanismes physiopathologiques de la veisalgie sont inconnus.
Plusieurs hypothèses étiopathogéniques coexistent : déshydratation, désordres métaboliques induits (hypoglycémie relative, acidose métabolique…), surproduction d’acétaldéhyde avec effet antabuse… Stress oxydatifs, dysrégulations immunitaires ou des cytokines sont également des voies potentiellement impliquées.

Signes cliniques variés

Les signes apparaissent six à huit heures après l’alcoolisation, au moment où l’alcoolémie redescend à zéro ; ils durent une vingtaine d’heures.3
La veisalgie se manifeste comme un tableau physique, psychique et cognitif associant des signes défavorables, avec une part subjective difficilement quantifiable. Il n’est pas exclusif des patients atteints de troubles de l’usage d’alcool, il peut survenir chez tout consommateur.
Les symptômes sont nombreux et variés :2 le patient peut ressentir un malaise général, une faiblesse, de la fatigue, une soif intense, une sécheresse buccale ; il peut être irritable et éprouver culpabilité, remords, anxiété, dysphorie, dépression, souffrir de divers troubles cognitifs concernant l’attention/concentration, la mémoire, les aptitudes visuospatiales, les habiletés psychomotrices. Des troubles digestifs sont aussi possibles : anorexie, gastralgies, nausées, douleurs abdominales, vomissements, diarrhée (motrice). Céphalées, crampes musculaires, hypersensibilité au son et à la lumière et vertiges sont également décrits. Par ailleurs, le patient peut ressentir des palpitations, une tachycardie, des sueurs, des tremblements, voire présenter une hypertension artérielle. Enfin, des troubles du sommeil associés peuvent majorer les autres signes.

Diagnostics différentiels

Le sevrage alcoolique, diagnostic différentiel essentiel, ne doit pas être confondu avec la veisalgie, même si celle-ci peut parfois rapidement lui succéder.
Il ne s’agit pas non plus de manifestations d’alcoolopathies, quelles qu’elles soient.

Non systématique !

L’intensité des symptômes est variable, avec au moins 25 % de sujets asymptomatiques, dits résistants.
Elle est proportionnelle aux quantités d’alcool bues et surtout au dépassement des niveaux habituels de consommation.
Il existerait une différence selon le type de boisson consommée et les substances ingérées autres que l’éthanol (polyphénols, histamine…).
Des formes plus sévères surviendraient avec l’âge, notamment lorsque la consommation est associée au tabac (nicotine).2

Quelles sont les conséquences ?

De multiples conséquences négatives individuelles ou collectives peuvent survenir, dépassant le seul inconfort.
Sur le plan médical, des atteintes cardiovasculaires, avec troubles du rythme cardiaque et augmentation du travail myocardique associée à une surmortalité et des morts subites, ont été répertoriées.4 Des gastrites aiguës érosives ont également été décrites ainsi que des exacerbations de reflux gastro-œsophagien symptomatiques. De plus, il n’est pas rare d’observer la survenue de traumatismes (accidentologie domestique ou professionnelle), avec des conséquences pour le patient lui-même et/ou pour les autres.
Enfin, le coût socio-économique n’est pas à négliger : perte de productivité, accidents de travail ou de trajet par privation de sommeil et perte de vigilance sont observés chez des sujets avec alcoolémie redescendue à zéro.4

Traiter et surtout prévenir

L’essentiel des soins consiste en une automédication, sans intervention des professionnels de santé.
La priorité, la réhydratation associée à une alimentation modérée et au repos, fait consensus.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou l’aspirine, souvent employés, sont peu efficaces (hormis sur les céphalées) ou dangereux (ajoutant un risque gastrotoxique).2
Aucune « recette » plus ou moins complexe n’a jamais fait preuve de son intérêt préventif ni curatif.5 Différentes herbes, champignons et même le cannabis sont parfois envisagés comme remède, mais n’ont pas montré d’efficacité et ne sont pas dénués de risques. Consommer à nouveau de l’alcool n’est pas non plus adapté et encore moins recommandé.
La prévention repose surtout sur la limitation des surconsommations d’alcool.

Références

1. Verster JC, Scholey A, van de Loo AJAE, Benson S, Stock, AK. Updating the Definition of the Alcohol Hangover. J Clin Med 2020;9(3):823.
2. Menecier P. Les illusions de l’ivresse. Paris: éd. In Press, 2022.
3. Razvodovsky Y. Hangover Syndrome: Pathogenesis and Treatment. Int Archives Subste Abuse and Rehabil 2021;3(009).
4. Wiese JG, Shlipak MG, Browner WS. The Alcohol Hangover. Ann Int Med 2000;132(11):897-902.
5. De Rudder O. Bréviaire de la gueule de bois. Paris: éd. Librio, 2005.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés