Ces techniques ont deux objectifs, diminuer la douleur, ce qui permet au patient de retrouver ses capacités fonctionnelles, et consolider la vertèbre pour éviter l’aggravation de la fracture et de la cyphose, mais leurs indications sont encore discutées.
Les fractures vertébrales ostéoporotiques, terme préféré à celui de « tassement vertébral », sont extrêmement fréquentes à partir d’un certain âge, notamment chez la femme après la ménopause. Elles peuvent occasionner des douleurs invalidantes et une cyphose rachidienne, responsables d’un handicap fonctionnel. La vertébroplastie percutanée, traitement inventé par Galibert et Deramond en 1987, consiste à injecter par voie percutanée dans le corps vertébral fracturé une résine sous forme pâteuse qui durcit rapidement, et est proposée dans les fractures vertébrales ostéoporotiques douloureuses. La cyphoplastie à ballonnets percutanée est une technique dérivée de la vertébroplastie percutanée où l’injection de ciment est précédée d’une tentative de ré-expansion du corps vertébral fracturé qui vise à réduire la cyphose vertébrale.

De la fracture à la cascade fracturaire

La majorité des fractures vertébrales restent asymptomatiques. Elles peuvent aussi être responsables de douleurs qui, dans la grande majorité des cas, cèdent spontanément en quelques semaines. Trois événements peuvent expliquer qu’une douleur intense persiste au-delà de quelques semaines, une majoration de la fracture, une absence de consolidation avec pseudarthrose, et la fracture d’une autre vertèbre car il arrive souvent que les fractures vertébrales ostéoporotiques s’enchaînent : c’est la « cascade fracturaire ». Dans une cohorte de femmes ostéoporotiques de 74 ans d’âge moyen et ayant une fracture vertébrale récente et au moins deux fractures anciennes, le risque de nouvelle fracture vertébrale dans l’année qui suit atteint 24 %.1
Les fractures vertébrales, et particulièrement celles de la charnière thoraco-lombaire, s’accompagnent d’une perte de la lordose lombaire et d’une augmentation de la cyphose thoracique. Une cyphose importante est un facteur de risque important et indépendant de nouvelle fracture vertébrale et d’une altération de la qualité de vie, et même de surmortalité.2

Techniques de vertébroplastie et de cyphoplastie

La vertèbre est abordée par voie postérieure, le plus souvent transpédiculaire, voie qui a l’intérêt de contenir dans la vertèbre un éventuel reflux de ciment. L’abord bipédiculaire demande plus de temps mais permet d’obtenir une meilleure répartition du ciment dans la vertèbre. Une fois le trocart en place dans le corps vertébral, 3 à 8 cc de polyméthylméthacrylate, selon la taille de la vertèbre, sont lentement injectés sous contrôle scopique afin de s’assurer de l’absence de fuite extravertébrale (fig. 1). Il faut s’efforcer d’obtenir un remplissage du corps vertébral allant d’un plateau vertébral à l’autre pour former un étai et prévenir le risque de nouvelle fracture du même corps vertébral.
Dans la cyphoplastie, des ballonnets sont mis en place par voie transpédiculaire dans le corps vertébral fracturé, puis gonflés sous pression pour relever le plateau vertébral enfoncé et créer ainsi une cavité intracorporéale (fig. 2). Les ballonnets sont ensuite dégonflés et retirés et le ciment injecté à basse pression afin de remplir la cavité créée, ce qui diminue le risque de fuite extravertébrale de ciment. À côté de la cyphoplastie à ballonnets sont maintenant proposés de nombreux dispositifs de réexpansion vertébrale tels que des stents ou des « cricks » qui servent à repousser le plateau vertébral enfoncé mais sont laissés en place et « coulés » dans le ciment. Ils sont plus utilisés dans les fractures traumatiques ou malignes que dans l’ostéoporose. L’objectif de la cyphoplastie à ballonnets et de ces dispositifs est de réduire au moins partiellement l’angle de cyphose vertébrale qui est parfois important dans certaines fractures cunéiformes.

Effets attendus de la vertébroplastie et de la cyphoplastie dans les fractures ostéoporotiques

L’objectif premier de ces deux techniques est antalgique : consolider le corps vertébral et soulager les patients invalidés par des douleurs intenses et persistantes. Dans les cas favorables, la consolidation de la fracture et la diminution des douleurs permettent au patient de retrouver une mobilité et une marche fonctionnelle. La consolidation de la fracture joue un rôle particulièrement important dans les fractures pseudarthrosées avec « vide intrasomatique ». La vertébroplastie percutanée et la cyphoplastie à ballonnets réduiraient aussi la surmortalité associée aux fractures vertébrales.2

Efficacité sur la douleur

Les nombreuses séries ouvertes portant sur l’efficacité de la vertébro­plastie percutanée ou de la cypho­plastie à ballonnets ont rapporté un effet antalgique rapide chez 60 à 100 % des patients. Cependant, les résultats des différents essais randomisés sont apparemment contradictoires. Ces essais diffèrent par leur format et par de nombreux points méthodologiques. En 2009, deux essais multicentriques contrôlés en double aveugle qui ont comparé la vertébroplastie percutanée et une procédure factice avec mise en place d’une aiguille contre le rachis et ouverture d’un flacon de ciment acrylique à l’odeur caractéristique n’ont pas montré de supériorité de la vertébroplastie percutanée sur la douleur.3, 4
Une première explication à la négativité de ces essais randomisés est l’importance de l’effet placebo sur une douleur d’une procédure factice dont la mise en scène est en tout point similaire à celle d’une véritable intervention. Ces deux essais contrôlés ont aussi un certain nombre de limites méthodologiques. Une proportion importante des patients avait des douleurs depuis plus de 3 mois : inclure des patients jusqu’à un an après la survenue de leur fracture vertébrale ostéoporotique va à l’encontre du bon sens clinique, d’autant que les garanties apportées par les auteurs sur la relation entre la fracture et les douleurs persistantes sont insuffisantes. Ces essais comportent aussi des limites d’ordre technique : le trocart était de faible calibre, l’abord unipédiculaire et par conséquent la quantité de ciment injectée dans les corps vertébraux relativement faible. Deux limites majeures de ces études sont à souligner. L’intensité douloureuse requise pour pouvoir inclure ces patients était très modérée puisque le seuil minimal sur une échelle d’auto-évaluation (échelle visuelle analogique [EVA]) requis comme critère d’inclusion n’était que de 3 ou 4 sur 10,4, 3 ce qui est défavorable à la mise en évidence de tout effet thérapeutique. Enfin et surtout, les patients étaient inclus sans s’être formellement assurés de la présence d’un signal d’œdème médullaire en imagerie par résonance magnétique (IRM), critère majeur de définition du caractère récent d’une fracture vertébrale ostéoporotique et de sa responsabilité dans les douleurs vertébrales (fig. 3).
Un essai australien multicentrique randomisé en double aveugle (étude VAPOUR) publié en 2016 comparant la vertébroplastie percutanée (avec injection d’une quantité moyenne de ciment de 7,5 mL) à une intervention factice chez 120 patients ayant une ou deux fractures vertébrales de moins de 6 semaines avec œdème en IRM et une EVA de la douleur d’au moins 7 sur 10 a conclu à la supériorité de la vertébroplastie percutanée avec comme critère de jugement principal la proportion de patients ayant une EVA de la douleur de moins de 4 sur 10 à J14 ; 40 % des patients du groupe « vertébroplastie percutanée » contre 21 % du groupe « intervention factice » ont rempli ce critère en intention de traiter.5 Une analyse en sous-groupes de cette cohorte montre que seules les fractures de la charnière thoraco-lombaire (T11-L2) tirent un bénéfice significatif de la vertébroplastie percutanée.5
En revanche, le dernier essai randomisé en date, VERTOS IV, montre une importante efficacité sur la douleur dans le groupe « intervention factice » et l’absence de différence sur la douleur entre les groupes « vertébroplastie percutanée » et « intervention factice ».6
Cependant, des différences méthodologiques importantes opposent ces deux études et expliquent au moins en partie leurs résultats divergents : cohorte de patients tous hospitalisés, durée d’évolution de la douleur inférieure à 4 semaines dans 88 % des cas, EVA de la douleur d’au moins 7 sur 10 malgré le recours à des opiacés forts dans 90 % des cas, anesthésie seulement superficielle dans le groupe « intervention factice » pour l’étude positive VAPOUR ; patients ambulatoires, durée d’évolution de la douleur supérieure à 4 semaines dans 75 % des cas, EVA de la douleur d’au moins 5 sur 10 avec usage d’opiacés forts chez 34 % des patients, anesthésie profonde jusqu’au périoste dans le groupe « intervention factice » pour l’étude négative VERTOS IV.
Finalement, une comparaison attentive de ces deux essais montre qu’ils sont moins contradictoires qu’ils ne le semblent à première vue et suggère que la vertébroplastie percutanée ne serait efficace sur la douleur que dans les fractures récentes datant de moins de 3 semaines et siégeant à la charnière thoraco-lombaire.

Vertébroplastie versus cyphoplastie à ballonnets dans les fractures ostéoporotiques

Aucun des essais randomisés qui ont comparé la vertébroplastie percutanée et la cyphoplastie à ballonnets n’a trouvé de différence dans l’effet sur la douleur et les capacités fonctionnelles. Il y a plus de fuites extravertébrales de ciment asymptomatiques avec la vertébroplastie percutanée mais pas plus de complications. La correction moyenne de l’angle de cyphose vertébrale obtenue par la cyphoplastie n’est supérieure à celle de la vertébroplastie qu’en cas de pseudarthrose avec fente intravertébrale.7

Indications de la vertébroplastie dans les fractures ostéoporotiques

Les recommandations américaines de la Food and Drug Administration et anglaises du National Institute for Health and Care Excellence ont réservé la vertébroplastie percutanée aux fractures ostéoporotiques où la douleur ne cède pas au traitement médical antalgique. Plus récemment, une task force de l’American Society for Bone and Mineral Research, sur la base des résultats des essais randomisés cités plus haut, a conclu à l’absence d’effet démontré de la vertébroplastie percutanée sur la douleur des fractures vertébrales ostéoporotiques.8 Cependant, l’étude VAPOUR montre que la vertébroplastie percutanée est plus efficace sur les douleurs qu’une intervention factice dans le cas des fractures vertébrales datant de moins de 3 semaines ou localisées à la charnière thoraco-lombaire,5 sous-population de fractures étudiée dans aucun des autres essais randomisés.
Tous les essais randomisés cités plus haut n’ont pris que la douleur comme critère de jugement. Cependant, le retentissement des fractures vertébrales sur la statique rachidienne, la fonction et l’autonomie du patient est crucial à moyen terme. Une fracture cunéiforme de la charnière thoraco-lombaire ou du rachis thoracique peut générer 15 à 20° de cyphose, ce qui est loin d’être anodin. Un pourcentage notable des fractures récentes continue de se majorer après leur révélation avec augmentation de l’angle de cyphose.
L’observation de tels cas fait regretter que le patient n’ait pu bénéficier d’une vertébroplastie avant que la déformation ne s’accentue. Surtout, certains patients vont faire de nouvelles fractures vertébrales dont le cumul dans le même segment rachidien va conduire au dévelop­pement d’une grande cyphose angulaire. Le traitement antiostéoporotique, qui doit être systématique dès la première fracture, diminue le risque de nouvelle fracture de 50 % environ mais ne l’annule pas. L’âge, le caractère spontané de la fracture, la densité minérale osseuse mesurée par ostéodensitométrie, les antécédents personnels et familiaux combinés dans le score FRAX et surtout le siège de la fracture à la charnière thoraco-lombaire et le nombre de fractures vertébrales prévalentes permettent de prédire, dans une certaine mesure, la survenue de nouvelles fractures vertébrales.
La cyphose vertébrale induit un déséquilibre sagittal du rachis et une majoration du risque de chute, et donc de nouvelles fractures. C’est un facteur de morbidité, de diminution des capacités fonctionnelles et respiratoire, et de surmortalité. La cyphose crée aussi un cercle vicieux mécanique : chaque fracture vertébrale l’accroît et majore le déséquilibre antérieur du rachis, la charge sur les autres vertèbres et donc le risque de nouvelle fracture. L’équilibre sagittal du rachis doit être évalué et suivi par de grands clichés du rachis en entier (appareillage de radiographie EOS notamment).
Le risque de complications dues à la vertébroplastie doit aussi être pris en compte. Avec les progrès dans les matériels utilisés et l’expérience des opérateurs, les risques de fuite veineuse et d’embolie pulmonaire de ciment et de passage dans le canal rachidien ou un foramen intervertébral à l’origine d’une compression nerveuse sont devenus rares ou très rares, mais ils persistent, de même que le risque infectieux. Si le patient a plus de deux vertèbres à cimenter, l’anesthésie générale devient nécessaire.

Toutes les douleurs vertébrales persistant dans les suites d’une fracture ostéoporotique ne relèvent pas de la vertébroplastie

Dans la majorité des cas, les douleurs directement en rapport avec la fracture s’amendent en quelques semaines avec la consolidation du foyer de fracture. Cependant, la déformation induite par la fracture peut déclencher des douleurs articulaires, ligamentaires ou musculaires. Il faut bien avoir à l’esprit cette cause potentielle statique de douleurs, notamment quand celles-ci durent au-delà de 6 à 8 semaines alors que le tassement ne s’est pas majoré entre-temps et que l’« œdème » médullaire de la vertèbre fracturée s’est résorbé en IRM. Il est de bonne règle, quand la fracture n’est plus récente ou que l’œdème visualisé sur l’IRM est peu marqué, de commencer par une infiltration de dérivés cortisoniques dans les articulations postérieures qui peuvent être responsables des douleurs persistantes.
Les douleurs musculaires secondaires au trouble statique induit par les fractures vertébrales itératives sont une autre cause de douleurs persistantes. La cyphose induite projette vers l’avant le haut du tronc et la tête, et le sujet est obligé, inconsciemment, d’opérer un effort musculaire permanent pour redresser le tronc et maintenir un regard horizontal. Ces douleurs rachidiennes par effort musculaire ne se manifestent pas dès le début du passage en position érigée mais après un certain laps de temps ; d’où l’importance de considérer l’ensemble de la statique comme le permettent les radiographies corps entier en position debout.

Vertébroplastie, cyphoplastie et fracture d’une vertèbre adjacente

L’augmentation du risque de fracture vertébrale adjacente à une vertèbre cimentée a fait couler beaucoup d’encre. L’introduction d’un matériau dur entre des vertèbres fragiles précipiterait leur fracture. Cependant, la majorité des études randomisées3-5 et des méta-analyses concluent à l’absence de majoration du risque de fracture vertébrale adjacente.

Ne pas oublier de traiter la maladie ostéoporotique

S’il faut prendre en charge les fractures ostéoporotiques, il est essentiel de ne pas oublier de traiter la maladie de fond, l’ostéoporose. Il existe maintenant des traitements médicaux de l’ostéoporose fracturaire qui, dans l’ensemble, diminuent par deux le risque de nouvelles fractures. Devant une fracture ostéoporotique, vertébrale ou extravertébrale, il faut systématiquement les instaurer, en sus de la correction d’une carence en vitamine D, très souvent associée. Il faut informer le patient de l’importance d’une consultation auprès d’un spécialiste pour mise en route d’un traitement antiostéoporotique, d’un suivi radiologique et lui recommander de consulter rapidement en cas de nouvelle douleur vertébrale ou de perte de taille pour traiter à temps une nouvelle fracture vertébrale.

DES INDICATIONS PRÉCISES

Les fractures vertébrales ostéoporotiques sont associées à une augmentation de la morbidité, qu’il est important de prévenir par la prise en charge adaptée de l’ostéoporose. De nouveaux essais sont nécessaires pour établir l’efficacité de la vertébroplastie sur la douleur et le degré de cyphose due aux fractures vertébrales ostéoporotiques. L’auteur de cet article pense que la vertébroplastie précoce est indiquée dans les fractures vertébrales ostéoporotiques très algiques, surtout à la charnière thoraco-lombaire, et si le risque de survenue de nouvelles fractures vertébrales et d’installation d’une cyphose vertébrale créant un déséquilibre sagittal paraît élevé : âge avancé, caractère spontané de la fracture, densité minérale osseuse basse en ostéodensitométrie, antécédents personnels et familiaux de fractures ostéoporotiques, siège de la fracture à la charnière thoraco­-lombaire, présence d’autres fractures vertébrales.
Références
1. Lindsay R, Silverman SL, Cooper C, et al. Risk of new vertebral fracture in the year following a fracture. JAMA 2001;285:320-3.

2. Edidin AA, Ong KL, Lau E, Kurtz SM. Mortality risk for operated and non-operated vertebral fracture patients in the U.S. medicare population. Osteoporos Int 2010; 21(Suppl 1):S19 (abstract OC23).

3. Buchbinder R, Osborne RH, Ebeling PR, et al. A randomized trial of vertebroplasty for painful osteoporotic vertebral fractures. N Engl J Med 2009;361:557-68.

4. Kallmes DF, Comstock BA, Heagerty PJ, et al. A randomized trial of vertebroplasty for osteoporotic spinal fractures. N Engl J Med 2009;361:569-79.

5. Clark W, Bird P, Gonski P, et al. Safety and efficacy of vertebroplasty for acute painful osteoporotic fractures (VAPOUR): a multicentre, randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2016;388:1408-16.

6. Firanescu CE, de Vries J, Lodder P, et al. Vertebroplasty versus sham procedure for painful acute osteoporotic vertebral compression fractures (VERTOS IV): randomised sham controlled clinical trial. BMJ 2018;361:k1551.

7. Laredo JD, Bossard Ph, Vicaut E, et al. Comparison of balloon kyphoplasty and vertebroplasty in osteoporotic vertebral fractures. influence of an intravertebral cleft: the STIC clinical trial. En préparation.

8. Ebeling PR, Akesson K, Bauer DC, et al. The efficacy and safety of vertebral augmentation: A second ASBMR task force report. J Bone Min Research 2019;34:3-21.